Une capture d’écran circule sur les réseaux sociaux en République démocratique du Congo au lendemain d’une « tentative de coup d’état » au palais de la nation, principal bureau de Félix Tshisekedi, le chef de l’État congolais qui implique notamment un citoyen américain, selon les autorités congolaises.
Cette publication diffusée sur sur le réseau social Facebook prétend : « La République démocratique du Congo ne dispose pas d’une juridiction compétente pour établir sur une question de peine capitale sur des sujets américains, ces citoyens doivent être rapatrier et jugé sur le sol américain et c’est sans condition »
En parcourant toutes les plateformes numériques américains pour la communication publique, aucune déclaration de ce genre n’a été publiée.
Contexte
Dimanche 19 mai au matin, à Kinshasa, la capitale de la RDC s’est réveillée aux sons des coups de feu dans la commune de la Gombe, centre d’affaires et QG de toutes les institutions du pays. Le porte-parole de Vital Kamerhe, une grande figure politique avait alerté d’une attaque à la résidence de ce dernier, principal allié du Président Tshisekedi, député national, vice-premier ministre sortant et pressenti comme prochain Président de l’Assemblée nationale. Les assaillant ayant attaqué la résidence de Vital Kamerhe avaient également relayés une vidéo sur les réseaux sociaux.
A 6h24, l’ambassadeur du Japon tweetait : Il y avait une attaque armée chez SEM. Vital Kamerhe, Vice Premier Ministre et Ministre de l’Économie Nationale ce matin. Au centre de Gombe, des troupes militaires se déploient en ce moment. Restez vigilant et prudent pour votre sécurité.
Résidence située à près de 500 m du palais de la nation, bureau administratif du Président Tshisekedi, la résidence de Vital Kamerhe se trouve également dans la même rue que les ambassadeurs de la belgique, de la grande Bretagne, de la Suède et à tout au plus 100 m des résidences des ambassadeurs des Etats-Unis et d’Allemagne.
Plus tard dans la journée, l’épouse de Vital Kamerhe a raconté sur son compte X que son mari était visé : « Les assaillants ont réussi à pénétrer dans notre parcelle, tirant sans relâche sur tout ce qui bougeait. Dans leur fureur, ils ont abattu deux de nos gardes. Un de nos hommes a tout de même réussi à neutraliser l’un des leurs, mais cela n’a fait qu’attiser leur violence. Ils ont même introduit un drone pour repérer nos positions avant de lancer leur assaut. Pendant ce chaos, mon mari a réussi à joindre un de nos gardes par téléphone, qui lui a dit d’une voix tremblante : ‘Mokonzi, bazo luka nde yo, batuni oza wapi baza plus des 40 éléments lourdement armés’. » (« Chef, c’est toi que l’on cherche, ils ont demandé où tu étais, ils sont plus de 40 éléments lourdement armés »)
L’armée congolaise dit avoir stoppé une tentative de coup d’Etat
« Les forces armées de la République démocratique du Congo porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale qu’une tentative de coup d’état a été étouffé dans l’œuf, par les forces de défense et de sécurité », a expliqué le porte-parole de l’armée congolaise, le Général Sylvain Ekenge, à la télévision nationale congolaise.
« Cette tentative a impliqué des étrangers et des Congolais. Ces étrangers et congolais ont été mis hors d’état de nuire leur chef y compris. Les forces armées de la République démocratique du Congo demande à la population de vaquer librement et tranquillement à ses occupations. Les forces de défense et de sécurité ont la parfaite maîtrise de la situation, nous y reviendrons avec force détails et image à l’appui », a-t-il ajouté.
#RDC : Tentative de coup d’état étouffée à par nos @FARDC_off.
Assaillants mis hors d’état de nuire.
La population appelée à vaquer librement à ses occupations.D’autres détails suivront dans la journée.
Suivre la communication de l’Armée avec son porte-parole, le Général… pic.twitter.com/use9rs60vj
— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) May 19, 2024
Plusieurs images relayées sur les réseaux sociaux montrent qu’il y avait notamment un citoyen américain parmi les alliés de Christian Malanga, le leader du groupe des assaillants.
Vérification
L’ambassadrice des Etats-Unis en RDC a tweeté quelques heures plus tard.
Selon l’ambassade des Etats-Unis en RDC contacté mardi par BALOBAKI CHECK, « les personnes doivent respecter les règles et règlements du pays dans lequel elles se trouvent – et non du pays dont elles sont originaires – et doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire dans ce pays. Les criminels sont jugés dans le pays où ils ont commis leur crime. C’est le cas partout. Les personnes sont extradées lorsqu’elles commettent un crime dans un pays et s’enfuient ensuite dans un autre pays. Ils sont ramenés dans le pays où le crime a été commis pour y être jugés ».
Je suis choquée par les événements de ce matin et très préoccupée par les rapports faisant état de citoyens américains prétendument impliqués. Soyez assurés que nous coopérerons avec les autorités de la RDC dans toute la mesure du possible alors qu’elles enquêtent sur ces actes…
— Ambassadeur Lucy Tamlyn (@USAmbDRC) May 19, 2024
Au cours d’un point de presse au département d’Etat américain le 20 mai, le porte-parole Matthew Miller a précisé que les États-Unis étaient au courant de l’existence de deux autres personnes « qui seraient » des citoyens américains détenus après l’échec de la tentative de coup d’État. M. Miller a déclaré que les lois sur la protection de la vie privée l’empêchaient de confirmer si les États-Unis avaient ou non contacté le gouvernement congolais pour obtenir un accès consulaire à ces deux personnes.
Il a ajouté : « En ce qui concerne l’implication de citoyens américains, tout d’abord, en ce qui concerne l’individu qui est décédé, nous n’avons aucune trace de son statut de citoyen américain. En ce qui concerne les deux autres personnes dont on a dit qu’elles étaient des citoyens américains et qu’elles étaient en garde à vue, je ne peux pas faire de commentaires détaillés sur ces affaires en raison des restrictions en matière de vie privée que vous connaissez tous, si ce n’est pour dire que chaque fois qu’un citoyen américain est arrêté à l’étranger, nous cherchons à obtenir un accès consulaire, et nous le ferions en toutes circonstances. »
Contacté mardi par BALOBAKI afin de vérifier la citation attribuée aux Etats-Unis avec une photo où l’on reconnaît le secrétaire d’Etat américain, l’ambassade des Etats-Unis en RDC a répondu que les seules informations authentiques sur la position des Etats-Unis étaient publiées sur leur plateforme numérique. Cette information n’est donc pas avérée.
L’ambassade a par ailleurs rappelé : « Soyez assurés que nous coopérerons avec les autorités de la RDC dans toute la mesure du possible alors qu’elles enquêtent sur ces actes criminels et tiennent pour responsables tout citoyen américain impliqué dans des actes criminels. » Elle a ajouté : « Nous notons par ailleurs que des rumeurs faisant état de la fuite de certains des assaillants chez l’ambassadeur se répandent sur les réseaux sociaux. Nous condamnons ce cas de désinformation flagrante et toute tentative d’altérer les faits avant les conclusions des enquêtes qui seront diligentées. »
Sait-on d’où provient ce groupe de personnes qui a attaqué la résidence Vital Kamerhe et le palais de la nation?
La tentative de coup d’État, qui visait la résidence de l’homme politique congolais Vital Kamerhe et le palais présidentiel, était dirigée par le chef de l’opposition Christian Malanga, 41 ans, qui avait été exilé aux États-Unis, dirigeait le Parti congolais unifié qui se décrit comme un « parti politique d’opposition en exil ».
Il a été tué lors d’un échange de coups de feu entre les putschistes armés et les gardes présidentiels, selon le porte-parole de l’armée, le général Sylvain Ekenge, cité par le média américain CNN.
Ekenge a également affirmé que M. Malanga était un citoyen américain, bien que le département d’État ait déclaré plus tard qu’il n’avait aucun dossier le concernant. « Je confirme la mort de Christian Malanga, neutralisé lors de l’échange de tirs au Palais de la Nation (palais présidentiel) », a déclaré M. Ekenge à CNN, ajoutant que le fils de M. Malanga, Marcel, « figurait parmi les personnes arrêtées ».
Le média américain indique qu’Ekenge a cité trois autres Américains, identifiés comme Benjamin Reuben Zalman-Polun, Patrick Ducey et Taylor Thomson, qui ont été impliqués dans le coup d’État déjoué. « Patrick Ducey et Taylor Thomson sont la même personne qui a deux identités différentes. Nous allons vérifier son passeport », a-t-il ajouté.
Que se passe t-il lorsqu’un citoyen américain est arrêté à l’étranger ?
En menant nos recherches sur le traitement d’un citoyen américain en cas d’arrestation à l’étranger, nous sommes tombés sur un article publié sur le site de l’ambassade des Etats-Unis au Mali, mais aussi sur le site du bureau des affaires consulaires. Le communiqué indique que « le Département d’État s’engage à assurer un traitement juste et humain pour les citoyens américains emprisonnés à l’étranger. Nous sommes prêts à aider les citoyens incarcérés ainsi que leurs familles selon notre autorité et conformément au droit international, et au droit du pays d’accueil. »
Une liste indique clairement ce que l’ambassade peut et ne pas faire. Dans ce qu’elle ne peut pas faire, nous nous sommes intéressés au deuxième cas qui stipule que l’ambassade ne peut pas « témoigner au tribunal en faveur d’un citoyen Américain ». Mais cette liste n’est pas plus précise.
« Nous ne pouvons pas aider en :
- Faire sortir les citoyens Américains de prison
- Témoigner au tribunal en faveur d’un citoyen Américain
- Fournir des conseils juridiques ou représenter des citoyens américains à l’étranger
- Servir d’interprètes ou de traducteurs officiels
- Payer des frais juridiques, médicaux et/ou autres pour les citoyens américains à l’étranger »
Conclusion
Pour conclure, l’allégation qui prétend que les Américains auraient déclaré que la RDC ne peut pas juger des citoyens américains sur « une question de la peine capitale » est fausse. L’ambassade des États-Unis en RDC a démenti ces propos.
La rédaction
Lire l’article original sur Balobaki Check : https://balobakicheck.com/tentative-de-coup-detat-en-rdc-non-les-etats-unis-nont-pas-dit-que-la-rdc-ne-dispose-daucune-juridiction-competente-pour-etablir-sur-une-question-de-peine-capitale-sur-de/