Une publication partagée le 19 mai, prétend que des agents de la CIA ont été arrêtés au Congo. L’auteur de la publication qui se présente comme journaliste, analyste et écrivain basé en Thaïlande, écrit :
« BREAKING : CIA Agents arrested in the CONGO! The Democratic Republic of Congo’s (DRC) armed forces repelled an attempted coup d’etat involving Congolese and foreign fighters on Sunday morning, a DRC army spokesperson said in a televised address. The army announces the arrest of American agent. »
Traduction en français : « BREAKING : Des agents de la CIA arrêtés au CONGO ! Les forces armées de la République démocratique du Congo (RDC) ont repoussé dimanche matin une tentative de coup d’État impliquant des combattants congolais et étrangers, a déclaré un porte-parole de l’armée de la RDC dans une allocution télévisée. L’armée annonce l’arrestation de l’agent américain. »
La publication a été vue plus de 4 millions au 26 mai. Elle a par ailleurs été partagée plus de 15.000 fois Plusieurs internautes ont également partagé la même information sur les réseaux Facebook et X ( 1,2,3,4 ).
Contexte
Cette publication intervient après l’annonce de l’armée Congolaise ( FARDC) dans la matinée du dimanche 19 mai d’une tentative de coup d’état déjouée dans la capitale Congolaise ( Kinshasa) ayant impliqué « des Congolais et des étrangers », selon le porte-parole de l’armée congolaise.
Une affirmation avec des risques sur les relations diplomatiques entre Kinshasa et Washington ?
En février dernier, la mauvaise compréhension du rôle des Etats-Unis et de la MONUSCO dans le conflit entre le Rwanda et la RDC avait été à la base des manifestations anti-occidentales dans la capitale congolaise. Plusieurs véhicules des Nations Unies avaient été incendiés et mis à sac comme le rappelle ce communiqué de presse de la MONUSCO. Le ministre de la Défense avait dû se prononcer à ce sujet.
Selon Christian Moleka, coordonnateur national de la Dypol, la dynamique des politologues de la RDC, que BALOBAKI a contacté mardi 28 mai : « la perception du coup d’État peut susciter dans le camp du Président congolais, l’opportunité de réflexion sur le positionnement du Congo dans cette nouvelle multipolarité qui se dessinent entre le bloc occidental et le sud global. »
Selon lui, « les conséquences pourraient être de deux ordres, à la fois une perception de plus en plus négative envers les États Unis et le bloc occidental de manière générale et une perception plus favorable pour le sud global (Russie et Chine). La position équilibriste de Washington vis-à vis des tensions entre la RDC et le Rwanda, mettant dos à dos agresseur et agressé confortent déjà les théorie d’un complot global contre le Congo et dont le Rwanda ne serait que le proxy ».
«Il y a eu une intoxication sur les réseaux sociaux sur notre collaboration avec la #MONUSCO », dit le Lt-Gén. Fall Sikabwe, Coordonnateur des opérations militaires #NordKivu lors de sa rencontre, ce 16/02 avec le Maj. Gén. Diouf Khar, Commandant a.i de la Force de la #MONUSCO. pic.twitter.com/a2zxk5Vtvy
— MONUSCO (@MONUSCO) February 16, 2024
Vérification
Que s’est-il concrètement passé et pourquoi parle-t-on de coup d’Etat ?
Dimanche 19 mai au matin, à Kinshasa, la capitale de la RDC s’est réveillée aux sons des coups de feu dans la commune de la Gombe, centre d’affaires et QG de toutes les institutions du pays. Le porte-parole de Vital Kamerhe, une grande figure politique, avait alerté d’une attaque à la résidence de ce dernier, principal allié du Président Tshisekedi, député national, vice-premier ministre sortant et actuel Président de l’Assemblée nationale. Les assaillants, « composés des Congolais et des étrangers avaient également pris d’assaut le palais de la nation, bureau du président de la République », selon le porte-parole de l’armée congolaise, le Général Sylvain Ekenge, au cours d’un message adressé à la nation sur la télévision nationale.
#RDC : Tentative de coup d’état étouffée à par nos @FARDC_off.
Assaillants mis hors d’état de nuire.
La population appelée à vaquer librement à ses occupations.D’autres détails suivront dans la journée.
Suivre la communication de l’Armée avec son porte-parole, le Général… pic.twitter.com/use9rs60vj
— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) May 19, 2024
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a condamné l’attaque lors d’un appel téléphonique avec M. Tshisekedi mercredi et a proposé l’aide des États-Unis dans l’enquête, selon un résumé de l’appel.
L’ambassadrice des Etats-Unis en RDC, Lucy Tamlyn a condamné cette tentative de coup d’État sur X en ces termes : « Je suis choquée par les événements de ce matin et très préoccupée par les rapports faisant état de citoyens américains prétendument impliqués. Soyez assurés que nous coopérerons avec les autorités de la RDC dans toute la mesure du possible alors qu’elles enquêtent sur ces actes criminels et tiennent pour responsables tout citoyen américain impliqué dans des actes criminels. »
Qu’est-ce que la CIA et pourquoi est-elle citée ?
La CIA est une agence gouvernementale américaine qui fournit des renseignements sur les questions mondiales au président américain, au Conseil de sécurité nationale et à d’autres décideurs politiques pour les aider à prendre des décisions en matière de sécurité nationale.
L’auteur de la publication qui fait l’objet de notre recherche a profité de la présence d’un passeport américain au moment de l’arrestation des assaillants pour affirmer qu’il s’agit d’agents de la CIA. Nous n’avons trouvé aucune preuve confirmant que les agents de la CIA étaient parmi les personnes arrêtées. En dehors de leur nationalité, le gouvernement congolais n’a dévoilé aucune information sur l’identité des Américains arrêtés. Le communiqué de l’armée congolaise publié après le « coup d’état manqué » ne fait mention d’aucune insigne de la CIA (plaque, tenue etc) parmi les Américains arrêtés.
Qui est l’américain qui a pris part à ce coup d’État ?
Tyler Thompson, 21 ans, est l’un des trois Américains au moins qui ont été désignés par l’armée congolaise comme ayant participé à une tentative manquée de renversement du gouvernement de Kinshasa aux premières heures de dimanche, sous la direction de Christian Malanga. Les deux autres Américains présumés impliqués sont Benjamin Reuben Zalman-Polun et le fils de Malanga, Marcel, 21 ans, né dans l’Utah, rapporte Associated Press qui cite le Général Ekenge de l’armée congolaise.
La famille d’un des citoyens américain impliqué dans une tentative de coup d’État ratée au Congo a déclaré que son fils se trouvait en Afrique pour des vacances avec des amis de la famille et qu’il ne s’était jamais engagé dans l’activisme politique, selon une déclaration transmise à l’Associated Press, un média américain, le 24 mai dernier.
L’armée congolaise n’a pas diffusé publiquement les noms de ces citoyens américains. A la télévision nationale congolaise, le porte-parole de l’armée a parlé de l’implication « des Congolais et des étrangers ». L’affirmation sur l’implication des agents de la CIA à cette tentative du coup d’Etat n’est donc pas vraie, à ce stade.
L’ambassade des États-Unis au Congo avait déclaré lundi 21 mai à BALOBAKI qu’elle attendait toujours que le gouvernement congolais fournisse la preuve que les personnes arrêtées étaient américaines avant de pouvoir leur fournir des services consulaires. L’ambassade a ajouté que « les américains doivent respecter les règles et règlements du pays dans lequel elles se trouvent – et non du pays dont elles sont originaires – et doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire dans ce pays » en précisant que « les personnes sont extradées lorsqu’elles commettent un crime dans un pays et s’enfuient ensuite dans un autre pays ».
A propos de l’instigateur du coup d’Etat, le porte-parole du département d’Etat américain indique n’avoir « aucune trace de son statut de citoyen américain ». L’instigateur de ce coup d’Etat est Christian Malanga, présenté comme un ancien officier de l’armée congolaise exilé aux Etats-Unis. « Le putschiste avait intégré l’armée en 2006 avant de fonder un microparti et de se lancer dans les affaires minières », selon le quotidien français Le Monde.
Au cours d’un point presse au département d’Etat américain le 20 mai disponible en ligne et que BALOBAKI a pu consulter, le porte-parole du département d’Etat américain, Matthew Miller a précisé que les États-Unis étaient au courant de l’existence de deux autres personnes « qui seraient » des citoyens américains détenus après l’échec de la tentative de coup d’État.
Il explique ainsi (ses propos ont été traduits en français) : « En ce qui concerne l’implication de citoyens américains, tout d’abord, l’individu qui est décédé, nous n’avons aucune trace de son statut de citoyen américain. En ce qui concerne les deux autres personnes dont on a dit qu’elles étaient des citoyens américains et qu’elles étaient en garde à vue, je ne peux pas faire de commentaires détaillés sur ces affaires en raison des restrictions en matière de vie privée que vous connaissez tous, si ce n’est pour dire que chaque fois qu’un citoyen américain est arrêté à l’étranger, nous cherchons à obtenir un accès consulaire, et nous le ferions en toutes circonstances. »
Conclusion
Pour conclure, rien ne prouve que le passeport américain trouvé au moment de l’arrestation des assaillants sur un présumé citoyen américain est celui d’un membre de la CIA. Bien que des informations officielles de l’armée congolaise mentionnent que des étrangers sont impliqués aux côtés des Congolais, il n’y a aucune confirmation officielle de la part des autorités congolaises et américaines quant à l’implication d’agents de la CIA dans cet événement.
Moise ESAPA et Ange KASONGO
Lire l’article original sur Balobaki Check : https://balobakicheck.com/tentative-de-coup-detat-en-rdc-aucune-preuve-de-limplication-de-la-cia-larmee-congolaise-a-parle-des-congolais-et-des-etrangers-sans-p/