Le 17 octobre 2023, les ministres de l’écologie des 27 pays membres de l’Union Européenne sont parvenus à un accord pour réformer le marché européen de l’électricité. Réclamé depuis deux ans par la France mais aussi l’Espagne, ce texte a pour but de limiter la volatilité des prix. Un phénomène particulièrement observé depuis le début du conflit russo-ukrainien. Dans un tweet publié sur X (ex-Twitter) le 18 octobre 2023 vues par près de 113 000 personnes (le 26 octobre), Florian Philippot, leader du groupe politique d’extrême droite « Les Patriotes », a déclaré à propos de la réforme : « Impossible, dans ces conditions de faire payer aux Français le vrai prix de leur électricité nationale, 3 à 4 fois moins cher que le prix actuel européen […] Sortons évidemment de ce marché, de l’UE, faisons baisser massivement les prix pour les ménages et les entreprises, vite ! » Les Français paieraient-ils beaucoup moins cher si la France sortait de l’Union Européenne ?
Pour vérifier cette information, nous nous sommes d’abord adressés à l’équipe de Florian Philippot qui ne nous a pas répondu. L’homme politique avait, dans son programme présidentiel pour l’élection de 2022 (dont il s’est au final retiré), déjà inscrit : « Sortie du marché européen de l’électricité pour retrouver la main sur les prix ».
Nous avons ensuite contacté Wolfram Vogel, expert franco-allemand des industries de l’énergie à l’échelle de l’Europe et auteur du chapitre « Le marché européen de l’électricité : un pilier de la sécurité d’approvisionnement » dans La transition énergétique : Un défi franco-allemand et européen publié aux éditions CIRAC en 2017. Il nous a répondu clairement : « C’est faux, le prix en France est inférieur de 20 % à la moyenne européenne ». Pour prouver son affirmation, l’expert nous a orienté vers un document d’Eurostat, l’autorité statistique communautaire désignée par la Commission Européenne pour produire et diffuser des statistiques européennes, intitulé « Prix de l’électricité par type d’utilisateur » et mis à jour pour la dernière fois le 18 octobre 2023.
On est très loin du trois à quatre fois moins cher
Dans ce tableau statistique, qui documente le prix par kilowattheure que chaque foyer des pays membre de l’UE paierait s’il était en dehors du marché, on constate que le prix pour le foyer français est de 20,92 centimes d’euros, soit 4,33 centimes de moins que la moyenne européenne qui est de 25,25 centimes. On est donc très loin du « trois à quatre fois moins cher » de Florian Philippot, puisque le prix serait en fait 1,21 fois moins important que la moyenne européenne. Nous avons enfin calculé le prix payé en moyenne par un foyer français à l’échelle du mois et de l’année pour son électricité. Selon Engie, « la consommation moyenne d’électricité par mois et par foyer est de l’ordre de 390 kWh, soit 4 679 kWh par an ». Multiplié par le prix au kilowattheure présenté plus haut, nous obtenons un prix par foyer en dehors du marché européen de 81,59 € par mois tandis que dans l’UE ce montant s’élève à 98,47 €. La différence est donc de 16,88 euros. Sur un an, un foyer français paierait son électricité 978,85 € en dehors de l’UE tandis qu’il débourse 1181,45 € grâce à l’existence du marché européen. À l’année, la différence s’élève à 202,06 euros.
L’argument de Florian Philippot visant à dire que sortir de l’Union Européenne ferait baisser les prix pour les ménages français est d’autant plus faux, que la France ne peut subvenir seule à ses besoins en électricité. Le 16 février 2023, RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité dans le pays, a publié le bilan électrique 2022 de la France. Pendant l’année, la France a moins produit d’électricité qu’elle n’en a consommé (459,3 TWH consommé contre 445,2 TWH produit) notamment à cause de la baisse de production des centrales nucléaires, en recul de 30 % par rapport à la moyenne des vingt dernières années. Si elle exporte et importe de l’électricité dans tout le marché européen, en 2022, la France a, pour la première fois depuis 1980 importé plus d’électricité qu’elle n’en a exporté. La France a donc bien besoin des Européens pour subvenir à ses besoins en énergie. D’autant plus que dans un contexte où la France sortirait de l’Union Européenne et de son marché de l’électricité, le prix des importations aurait été « plus élevé » confirme Wolfram Vogel.
Verdict
Les propos de Florian Philippot sont faux car si les Français ne payaient que l’énergie que l’on produit sur le territoire, le prix ne serait pas trois à quatre fois moins cher mais seulement 1,21 fois inférieur, qui correspond, dans les faits à une différence de prix de 4,33 centimes d’euros par kilowattheure.
Enfin, la France n’étant pas complètement autonome dans sa production d’électricité, elle serait contrainte d’importer de l’électricité venant d’ailleurs. Dans le cas où la France ne serait plus membre de l’Union Européenne, ce prix d’import serait très élevé et impacterait d’autant la facture des foyers.