Pas de preuve scientifique que le petit-cola guérit les morsures de serpent

Burkina Faso
Santé et sciences

3 Déc 2024

5 minutes de lecture
Au Burkina Faso, un message viral prétend sans preuve que le petit-cola, une plante beaucoup consommée en Afrique, est un antidote aux venins de serpents et de scorpions. Après vérification, aucune preuve scientifique n’atteste l'efficacité du petit-cola contre les morsures du serpent et le venin de scorpion.
Contexte

« Le PETIT-COLA neutralise le poison du Serpent ou le venin et du Scorpion. Manger juste un PETIT-COLA. Utilisez pour éloigner le Serpent loin de votre maison », lit-on dans un message qui circule sur les réseaux sociaux et sur WhatsApp. Cette rumeur, qui connaît un succès sur les réseaux sociaux, a été reprise à de multiples reprises depuis 2019 (12; 3, 4). Le petit-cola est-il réellement un antidote du venin du serpent ou du scorpion ? Fasocheck a vérifié.

Capture d’écran d’une publication Facebook

Vérification

Le petit cola, également connu sous le nom Garcinia kola Heckel (Clusiaceae) est une graine originaire d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Une étude scientifique publiée dans la revue Phytochimie de Springer en mai 2023 révèle que « Garcinia kola est utilisée dans le traitement de nombreuses maladies, notamment les troubles gastriques, les maladies bronchiques, la fièvre, le paludisme et est utilisée pour induire un effet stimulant et aphrodisiaque ».

Bien que le Garcinia kola soit une plante couramment utilisée dans la médecine traditionnelle pour traiter les morsures de serpent, comme le révèle une étude ethnobotanique publiée en août 2024 par Journal of Clinical and Metabolism Studies (JCMS), le Dr Moumouni Bandé souligne qu’il « n’existe pas d’études scientifiques qui établissent clairement l’efficacité du Garcinia kola dans la prise en charge des envenimations par morsure de serpent ».

Les propriétés thérapeutiques connues du Garnicia Kola, a précisé le Dr Bandé, sont entre autres antibiotiques, antifongiques, anti-inflammatoires et hépato-protectrices.

Pour soigner les morsures de serpents, a suggéré l’expert, il vaut mieux aller dans un service de santé pour éviter toute aggravation de la santé de la victime. Pour lui, le risque majeur associé à l’utilisation du petit-cola comme antidote, c’est de retarder une prise en charge médicale adaptée, ce qui peut avoir des conséquences graves pour la victime de la morsure de serpent.

De même, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déconseille les méthodes comme l’incision, l’aspiration, la cryothérapie, la chirurgie, les chocs électriques et les garrots sont inefficaces et dangereuses en cas de morsure de serpent.

Selon Dr Bandé, pour qu’une substance soit considérée comme un antidote efficace, « il faut qu’il y ait des études scientifiques qui attestent de sa capacité à neutraliser les protéines toxiques contenues dans le venin de serpent ou à corriger leurs effets toxiques sur l’organisme ». Il a ajouté que l’innocuité de la substance est également essentielle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être toxique pour l’organisme.

Enfin, le pharmacien-toxicologue a précisé que pour être efficace, un antivenimeux doit pouvoir neutraliser 250 fois la DT50 (Dose Toxique 50 %) du venin dans les conditions d’utilisation.

Selon une fiche d’information du centre canadien d’hygiène, la DT50 « est la quantité d’une matière, administrée en une seule fois, qui cause la mort de 50 % (la moitié) d’un groupe d’animaux d’essai. La DT50 est une façon de mesurer le potentiel toxique à court terme (toxicité aiguë) d’une matière ». Et pour être considéré comme un antivenimeux, « il faudrait que l’antidote candidat sache neutraliser 250 fois cette DT50 » a renchéri le Dr Bandé.

Sérums antivenimeux

L’OMS déplore que très peu de pays produisent des sérums contre les venins de serpents, expliquant que le principal défi réside dans la préparation de l’antidote approprié, car les composants du venin varient selon les espèces de serpents. Le Dr Moumouni Bandé a précisé que la prise en charge des morsures de reptile dépend du type de serpent responsable de l’envenimation, distinguant le syndrome cobraïque, qui affecte le système nerveux, et le syndrome viperin, qui cause douleur, œdème, nécrose et troubles hématologiques.

L’Ong Médecins Sans Frontières a indiqué en 2015 dans une note d’information que le traitement antivenimeux en Afrique sub-saharienne coûte entre 250 et 500 USD (151.714 à 303.429 FCFA) par personne.

Au Burkina Faso, le sérum polyvalent antivenimeux pour Afrique de l’Ouest, ampoule de 10 mL, distribué par la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG), est disponible à un prix subventionné de 2000 FCFA et est utilisé pour neutraliser les venins de serpents, selon Docteur Bandé.  Il a également indiqué qu’un autre antivenin, INOSERP, est distribué par d’autres grossistes à un prix public d’environ 83 500 FCFA.

Conclusion

Si des enquêtes ethno-pharmacologiques rapportent utilisation du petit-cola par les populations pour soigner les morsures de serpent, il n’existe aucune preuve scientifique que ce fruit « neutralise le poison du serpent ou le venin et du scorpion ».

 

Dô DAO

Lire l’article original sur Fasocheckhttps://fasocheck.org/fact-checking/pas-de-preuve-scientifique-que-le-petit-cola-guerit-les-morsures-de-serpent/