Depuis le 22 avril 2023, une publication est largement partagée dans les groupes WhatsApp de médecins au Cameroun. Le texte dit : « Face à la pénurie des personnels soignants, la France lance un concours pour recruter près de 3 000 médecins (toutes spécialités) à travers le monde parlant la langue française. Les candidats peuvent postuler depuis leur pays d’origine », peut-on lire. Cette publication suscite un vif intérêt dans le milieu médical, dans un contexte où, depuis 2020, les médecins camerounais ne sont plus systématiquement recrutés dans la fonction publique après avoir été formés dans les facultés de médecine publiques comme privées.
En faisant une recherche à l’aide de l’application Who Posted What, nous avons retrouvé la publication initiale. L’information remonte au 21 avril 2023 sur le réseau social Facebook. Elle a été publiée par le Dr Roger Etoa, médecin du travail et de santé publique camerounais, en service au Port autonome de Douala. Contacté par téléphone pour savoir d’où et de qui il tient cette information, il nous renvoie vers le lien du site du Centre national de gestion, en précisant que lui-même tient cette information d’un groupe WhatsApp dont il est membre.
Dr Steve Moukam, ancien interne des hôpitaux de Paris, résident en Suisse, confirme qu’il s’agit d’une procédure d’autorisation d’exercice pour les médecins étrangers. « Ça existe depuis longtemps en France. En général, la France lance ce recrutement tous les deux ou trois ans », écrit-il dans un message WhatsApp, en précisant que ceci se fait au travers d’une procédure appelée : PAE (Procédure d’autorisation d’exercice).
Il explique qu’il faut réussir une épreuve écrite correspondante à sa spécialité. Ensuite poursuivre avec une phase de consolidation de deux ans de rotation dans les hôpitaux français que ce soit des CHU ou des centres hospitaliers. « Au terme de cette consolidation, vous passez devant une commission qui délibère et vous juge suffisamment apte à exercer votre spécialité dans toute la France sous votre responsabilité », renseigne le Dr Steve Moukam. Avant de conclure que « cette procédure n’est pas interchangeable entre les pays d’Europe. Elle est spécifique et propre à la France ».
Y a-t-il pénurie de médecins en France ?
Nous avons contacté par mail le Dr Jean-Baptiste Dufourcq, conseiller régional santé mondiale (CRSM) à Yaoundé pour le Tchad, le Cameroun et la RCA, à l’ambassade de France au Cameroun. Il explique que « le déficit de médecins est réel du fait du vieillissement de la population. Il est inégal suivant les régions et on peut dire qu’il existe des zones sous dotées (surnommées déserts médicaux). Ce n’est pas spécifique à la France, tous les pays développés sont dans la même situation. Par exemple, le pays où exerce le plus grand nombre de médecins camerounais d’origine est l’Allemagne ».
Dans le même sens, en 2022 en France, selon les dossiers de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS), intitulés « Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques, les leçons de la littérature internationale », cité par le média Le Monde, il est mentionné que, « à l’échelle nationale, on compte seulement 318 médecins pour 100 000 habitants (contre 328 il y a dix ans) ».
Un recrutement de 3 000 médecins étrangers est-il en cours ?
En consultant le site internet du Centre national de gestion, il était en effet possible de s’inscrire pour les épreuves de vérification des connaissances (EVC), première étape de la procédure d’autorisation d’exercice, du mardi 2 mai 2023 au jeudi 25 mai 2023. Ces épreuves s’adressent aux praticiens, quelle que soit leur nationalité, dès lors qu’ils ont obtenu leur diplôme dans un état non membre de l’Union européenne (UE) ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). Les diplômes de ces praticiens leur permettent l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien dans leur pays de délivrance. Au terme de la procédure d’autorisation de plein exercice, ces praticiens exercer en France leur profession.
De plus, selon la foire aux questions du 6 février 2023 du CNG, les professionnels concernés par la procédure dite « liste A » sont les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens ayant obtenu leur diplôme hors de l’Union européenne. Ces professionnels sont généralement identifiés comme PADHUE (Professionnels à diplôme hors UE).
Les candidats peuvent-ils postuler à partir de leurs pays d’origine ?
Les candidats peuvent bel et bien postuler de leurs pays d’origine car l’inscription aux EVC se fait à travers une plateforme en ligne. Cependant, il faut s’assurer de répondre à tous les critères.
Toutes les précisions pour prendre part au concours ainsi que le chronogramme complet sont disponibles sur EVC prochaine session. Sur ce point, Dr Jean-Baptiste Dufourcq précise : « Les nouvelles procédures en France prévoient un examen de validation des connaissances suivi de stages de consolidation dans les hôpitaux. » Il révèle d’ailleurs : « Cette année, 2 732 postes sont mis au concours. »
En effet, dans l’arrêté du 20 avril 2023 portant ouverture des épreuves de vérification des connaissances mentionnées à l’article L. 4111-2-I du code de la santé publique NOR : SPRH2309191A, du Ministère de la Santé et de la Prévention, la liste des 2 732 postes ouverts à concours par profession et par spécialité dans la France entière est présentée : 2 698 (98,8%) médecins, 12 pharmaciens, 17 chirurgiens-dentistes, 5 sages-femmes.
En conclusion, il y a bien un concours en France pour recruter près de 3 000 médecins (toutes spécialités) à travers le monde parlant la langue française, avec possibilité pour les candidats de postuler depuis leur pays d’origine. Ce qui relance le débat du recrutement de médecins étrangers qui vide l’Afrique de ses médecins. En 2022, sur les 226 000 médecins en activité en France, 22 568 médecins sont à diplôme étranger en activité régulière soit 10%.
Hemes NKWA
Lire l’article original sur DataCameroon : https://datacameroon.com/sante-oui-la-france-recrute-environ-3-000-medecins-toutes-specialites-confondues-en-2023/