Contexte
Dans une interview donnée au Figaro et publiée le 14 novembre 2024, la ministre de l’Education du gouvernement Barnier, Anne Genetet, précise certains volets de l’acte II du « choc des savoirs ». Ce projet avait été initié l’initié par Gabriel Attal, son prédécesseur au poste, qui avait imaginé une révision de l’enseignement en plusieurs mesures afin d’élever le niveau de l’école en France. Interrogée sur le volet sécurité et autorité de ce « choc des savoirs », elle indique : « Un professeur sur deux déclare avoir été contesté dans ses enseignements ». Elle reprend cette idée dans La Grande interview Europe 1-CNews du 26 novembre 2024. La ministre déclare alors : « Aujourd’hui, un enseignant sur deux dit avoir été contesté dans ses enseignements ».
Par cette affirmation la ministre légitime ainsi la mise en place de mesures de soutien et de protection à destination des enseignants en cas de « menace », sous entendant de fait que la contestation des enseignements va de pair avec une forme de violence.
Vérification
La vérification s’est faite en questionnant le chiffre de 50% auquel fait référence la ministre.
Un sondage Ifop pour le Comité National d’action Laïque et intitulé et consacré aux enseignants et à la laïcité a été réalisé à plusieurs reprises depuis 2018. Dans la version 2023 de cette étude intitulée « Les enseignants du public et la Laïcité », figure bien une question axée autour de « l’expérience de contestation d’enseignement dans son établissement ». La question posée est « Dans votre école ou établissement scolaire, des enseignements font-ils l’objet de contestations et certains élèves ont-ils tenté de s’y soustraire ? ». Près de 53% des enseignants répondent oui.
La tournure de phrase employée par Anne Genetet pose ici problème. À la déclaration « un professeur sur deux dit avoir été contesté dans ses enseignements », on comprend que près de 50% des professeurs ont vécu ces contestations. Alors que la question initiale demande si l’« école ou l’établissement » du professeur fait l’objet de contestations d’un ou plusieurs enseignements. Le professeur ayant répondu favorablement peut ainsi avoir été victime, bien sûr, mais aussi le témoin, le confident d’un collègue ou simplement avoir entendu des faits de contestations de la bouche d’un tiers. Par ailleurs, la question dans l’étude Ifop comprend une deuxième partie -certains élèves ont-ils tenté de s’y soustraire ?- non mentionnée par la ministre.
Contactée par Factoscope, l’attachée de presse de la ministre ne nous a pas répondu.
Réserves sur le sondage
De plus, la réponse favorable à la question posée dans le sondage est découpée en trois ordres d’occurrences : « rarement », « régulièrement », et « de temps en temps », peu précis et sujets à interprétation.
Il manque également un indice de temporalité dans la question. Demande-t-on aux professeurs de témoigner d’une contestation d’enseignement ayant eu lieu lors de l’année qui vient de s’écouler ou au cours des dernières années ? L’enquête ne le précise pas.
On note également l’absence, dans les questions suivantes ou précédentes, de données sur la nature de la contestation ainsi que l’issue de cette dernière. Sans ces données, difficile de dresser un constat censé, logique et cohérent.
Conclusion
La déclaration selon laquelle « un professeur sur deux dit avoir été contesté dans ses enseignement » est donc fausse. Elle déforme la question initiale posée dans le sondage Ifop dont semble tiré ce chiffre. Après examen, le sondage souffre de manquement dans la précision de l’intitulé de la question et dans le contexte pouvant être apporté au chiffre de 53% de réponses favorables.