Le 10 février 2023, un bombardement a tué 10 soldats nigériens à la frontière entre le Niger et le Mali, dans la région de Tillabéri. Cette zone, dite celle « des trois frontières » est connue pour être particulièrement instable ; de nombreuses attaques terroristes contre l’armée nigérienne y ont eu lieu. Selon Le Monde, l’armée nigérienne surveille cette zone, appuyée par « 250 soldats français » dans le cadre d’un récent partenariat de combat.
À la suite de ce bombardement, de nombreux posts ont surgi sur les réseaux sociaux, menant une campagne de désinformation anti-Français. Les sites de fact-checking Eburnie Today (Côte d’Ivoire) et Fasocheck (Burkina Faso) ont tous les deux démontré que ces posts relayaient de fausses informations.
Dans ces publications, on retrouve une histoire commune. Celle d’un bombardement ordonné par les forces spéciales françaises contre un convoi de militaires nigériens, car ces derniers auraient refusé de livrer des djihadistes complices des soldats qu’ils avaient capturés.
Tous ces posts parlent non pas du bombardement du 10 février 2023, mais d’une attaque contre le camp militaire d’Inates au Niger en décembre 2019. Cette attaque revendiquée par le groupe État islamique a fait 71 morts et des disparus (Le Parisien, France Info, TV5), le même bilan que celui mentionné dans les publications. Ce texte reprend des faits d’actualité qui n’ont aucun lien entre eux, pour en faire une seule et même fausse information.
De plus, dans ces deux publications, cette rumeur est associée à différentes images. Eburnie Today va montrer que, comme certaines informations du texte, les images qui l’accompagnent datent de 2019 et non de la récente attaque contre l’armée nigérienne. Une recherche par image inversée via Invid nous permet de retrouver plusieurs articles partagés avec la même vidéo, datant de 2019.
Fasocheck, s’est concentré sur une publication où l’on voit des images d’un incendie dans un marché. Il est sous-entendu que le bombardement serait à l’origine du feu. L’outil de recherche inversée d’images Search By Image a permis de savoir d’où venaient ces images. Elles ont été publiées le 15 février 2023 par Aïr Info et ont été prises lors d’un incendie survenu le jour même au marché de Tahoua, une ville située au nord-est de Niamey, au Niger. Elles n’ont rien à voir avec une attaque armée comme avancé sur Facebook.
Sentiment anti-français
Ces accusations interviennent peu après le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane, au Mali. Depuis cette annonce du gouvernement français, Niamey, la capitale du Niger, est devenue le lieu de repli des soldats français, d’où la plupart repartiront en France. Cependant, certaines troupes sont restées sur place pour une « réarticulation des forces », peut-on lire sur le site du ministère des Armées.
De son côté, la France insiste sur sa volonté de « coopérer ». Pour le journal Le Monde, le colonel français Tugdual Barbarin, chef du Groupement tactique du désert, confirme cette envie : « On ne fait rien tout seuls, nous intervenons sous commandement nigérien. » Mais le déménagement des troupes françaises, du Mali au Niger, n’a fait qu’augmenter le sentiment anti-français et qu’accroître les accusations de néocolonialisme.
Au Burkina Faso et au Mali, une partie de l’opinion estime que Barkhane a échoué dans la lutte anti-terroriste au Sahel et appelle leurs gouvernements à remplacer l’armée française par le groupe paramilitaire russe, Wagner.
Cet article est tiré de deux articles de vérification de Traoré BAKARY (Eburnie Today) et de Rabiatou CONGO (Faso Check)
Lire les articles originaux sur Eburnie Today : https://eburnietoday.com/attention-a-ces-images-dattaque-jihadiste-au-niger/ et Fasocheck : https://6z5z2atuip.preview.infomaniak.website/fr/node/385