Non, le Sénégal n’est pas le pays qui a connu la croissance la plus régulière entre 2011 et 2021

Sénégal
Politique

15 Fév 2023

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Dans son discours à la Nation prononcé le 31 décembre 2022, le président sénégalais Macky Sall a affirmé que le Sénégal était le pays avec la croissance la plus régulière sur la décennie 2011-2021. Après vérification, cette information est incorrecte. Nous avons examiné trois autres affirmations relatives aux performances économiques et agricoles de son pays : deux sont trompeuses et une globalement correcte.

Dans son discours à la Nation, prononcé le 31 décembre 2022, le président sénégalais Macky Sall a déclaré : « Le classement de World Economics, qui fait autorité en matière de données statistiques, reconnaît en effet le Sénégal comme pays à la croissance la plus régulière sur la décennie 2011-2021.» La présidence du Sénégal n’a pas réagi à nos demandes d’éclairage concernant la source de cette affirmation.

Au cours de nos recherches, nous avons retrouvé la même déclaration dans un article publié le 10 octobre 2022 par le ministère sénégalais des Finances et du Budget sur son site. Ce texte fait valoir que « les performances économiques du Sénégal, analysées suivant différents angles, lui ont permis de réaliser la croissance moyenne la plus régulière au cours de la décennie 2011-2021, le classant à la tête de tous les pays du monde ». Comme Macky Sall dans son discours, le ministère indique que la source de cette information est « World Economics, le site qui fait autorité en matière de données statistiques dans le monde ».

Dans ce même article, le ministère sénégalais des Finances et du Budget note encore que World Economics classe le Sénégal « au premier rang des pays dont le taux de croissance a régulièrement progressé au cours des dix dernières années, aussi bien parmi les pays de la classe A que ceux classés dans la catégorie B, en termes de fiabilité des statistiques économiques ». « Le Sénégal est classé dans la catégorie B. Cela n’est pas négligeable, si l’on sait que beaucoup de pays africains sont classés dans les catégories C et D qui regroupent les pays dont les données ne remplissent pas ces conditions », peut-on lire dans l’article.

Le ministère des Finances et du Budget a dit à Africa Check s’être appuyé sur un article du journal sénégalais Le Quotidien, mis en ligne le 10 octobre 2022, traitant du classement du Sénégal en matière de « régularité de la croissance économique ». Interrogé, l’auteur de l’article susmentionné nous a dit l’avoir rédigé en se basant sur des données du World Economics – régulièrement actualisées – relatives à des pays « à la croissance la plus rapide avec une gouvernance raisonnable et des données sur le PIB », le produit intérieur brut. Il a souligné que l’organisation avait partagé ces informations dans un tweet publié le 9 octobre 2022.

Le président sénégalais Macky Sall. Photo : Dean Calma/IAEA/Flickr

Le PIB est « la richesse générée par un pays au cours d’une période donnée », couramment l’année, mais certains utilisent le trimestre, et « c’est la somme de toutes les valeurs ajoutées au cours de la période » considérée, d’après la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO, commune à huit pays d’Afrique de l’Ouest ayant le franc CFA comme monnaie).

World Economics se présente comme une organisation ayant plus de trente ans d’expérience dans le développement de séries de données économiques. Elle dit offrir ses services à quasiment toutes les grandes banques, institutions financières et entreprises, ainsi qu’à des gouvernements. L’organisation, dont les données portent sur plus de 150 pays, fournit aussi des conseils sur ce qui constitue des données fiables, utilisables et ce qui est susceptible d’induire en erreur.

Dans un courriel à Africa Check, World Economics dit n’avoir pas publié de telles données relatives aux performances économiques du Sénégal. « Nous n’avons pas publié ces résultats ou ce texte, ils doivent provenir d’une tierce partie qui a essayé d’interpréter nos données », a réagi l’organisation.

World Economics a signalé avoir publié un classement des pays du monde sur la base du Compound Annual Growth Rate (CAGR, taux de croissance annuel composé (TCAC) en français) réalisé sur la décennie 2011-2021. Un classement dont les détails peuvent être trouvés sur une page dédiée sur son site.

Le taux de croissance composé est « une somme qui passe de 100 à 121 en deux ans a cru à un taux actuariel (CAGR) de 10 % l’an », explique la plateforme Finance Club, un glossaire en ligne sur la finance d’entreprise.

Toutefois, World Economics a averti que l’affirmation selon laquelle le Sénégal occupait la première place du classement des pays à la croissance la plus régulière sur la décennie 2011-2021 est « tout simplement fausse ». En effet, à la date du 13 janvier 2023, « le Sénégal se classe au 25ᵉ rang mondial (sur 156 pays) et ne dispose que de données de qualité C, ce qui signifie qu’il n’est pas pris en compte dans les classements des pays ayant des données de bonne qualité (soit les catégories A et B) ».

Au 13 janvier 2023, le Sénégal était 25ᵉ au classement de World Economics sur le taux de croissance annuel composé. Capture d’écran effectuée le 14 février 2023. Les données de World Economics sont mises à jour régulièrement. Le classement valable le 13 janvier 2023 n’était plus le même à la date de publication de cet article, le 15 février 2023.

Le Sénégal a donc été classé dans la catégorie C, catégorie des pays dont les données sont peu fiables pour de nombreuses raisons. De ce fait, World Economics a jugé invalide l’affirmation faite dans l’article du ministère des Finances et du Budget selon laquelle « le Sénégal est classé dans la catégorie B ».

World Economics a par ailleurs tenu à clarifier que le pays ayant réellement occupé la tête de son classement sur la base du taux de croissance annuel composé sur la période 2011-2021 était la Libye (pour le classement complet). Et pour ce qui est du classement après que les données de mauvaise qualité ont été filtrées, la première place revient à l’Irlande. Les détails de ces deux classements différents figurent sur son site, dans la page dédiée à la croissance du PIB en taux de croissance annuel composé.

De plus, World Economics classe le Sénégal 78ᵉ au niveau mondial et 8ᵉ en Afrique pour la qualité de ses données sur le PIB, d’après la page dédiée à ce classement. Un agencement qui n’a rien à voir avec la régularité de la croissance économique des pays sur la décennie 2011-2021, assure cette organisation.

Au 13 janvier 2023, le Sénégal était 25ᵉ au classement de World Economics pour la qualité des données sur le PIB. Capture d’écran effectuée le 14 février 2023. Les données de World Economics sont mises à jour régulièrement. Le classement valable le 13 janvier 2023 n’était plus le même à la date de publication de cet article, le 15 février 2023.

Mauvaise interprétation du tweet

Comme cité plus haut, l’auteur de l’article sur lequel le ministère des Finances et du Budget a dit s’être appuyé a lui-même confié s’être basé sur le tweet de World Economics daté du 9 octobre 2022.

Capture d’écran du tweet de World Economics publié le 9 octobre 2022.

World Economics a précisé à Africa Check que le tableau figurant dans le lien partagé sur Twitter parle d’un sujet totalement différent, car il est intitulé : « Marchés frontières à la croissance la plus rapide. Avec une gouvernance raisonnable et des données sur le PIB. Classés par TCAC sur 10 ans (2011-2021) ». (En anglais : « Fastest Growing Frontier Market Countries. With Reasonable Governance and GDP Data. Ranked by 10-year CAGR (2011-2021) ».)

« Un marché frontière est un pays plus établi que les pays les moins avancés (PMA), mais toujours moins établi que les marchés émergents, car il est trop petit, comporte trop de risques inhérents ou est trop illiquide pour être considéré comme un marché émergent. Les marchés frontières sont également connus sous le nom de marchés pré-émergents », explique le site américain de vulgarisation de l’information économique et financière Investopedia dans une fiche d’information actualisée le 22 janvier 2022.

World Economics a décrypté ce classement et expliqué pourquoi il n’a rien à voir avec l’affirmation faite par le journal Le Quotidien et reprise par le ministère des Finances et du Budget.

Tout d’abord, le Sénégal n’est pas classé premier dans ce tableau, mais deuxième derrière le Kenya. Ensuite, le tableau évoque les « marchés frontières à la croissance la plus rapide ». Il y a plus de 200 pays dans le monde, dont plus de 150 ayant des économies assez importantes. Et parmi eux, 28 font partie du groupe des marchés frontières ou pré-émergents, selon une liste consultable sur le site de World Economics.

De ce fait, dire que le Sénégal a occupé la tête du classement mondial n’a aucun sens, car dans ce cas, « le monde » ne serait représenté que par un tableau de 28 pays. De plus, ledit tableau fait, en réalité, référence aux pays « disposant de données raisonnables sur la gouvernance et le PIB ».

World Economics nous invite aussi à noter que lorsqu’on consulte le tableau pour plus de détails, on apprend que les pays avec une gouvernance raisonnable sont ceux ayant un score de gouvernance supérieur à la note de 50 dans son classement de gouvernance. Cela réduit encore le nombre de pays. Enfin, les pays qui ne disposent pas de « données de qualité raisonnable sur le PIB » sont éliminés par filtrage (il ne reste alors que les notes A, B ou C). Ce qui signifie que le nombre total de pays restants est de 12.

Affirmer « être à la tête de tous les pays du monde » sur la base d’un classement de seulement 12 pays n’est donc pas pertinent. World Economics a réitéré que toute personne ou entité ayant soutenu que « l’économie sénégalaise [avait] la croissance moyenne la plus régulière sur la décennie 2011-2021, en tête de tous les pays du monde », en se basant sur un de ses classements, l’a mal interprété et s’est trompée. En conséquence, cette affirmation faite par Macky Sall le 31 décembre 2022 est incorrecte.

Place du Sénégal dans le classement des réseaux routiers

Dans son discours à la Nation, il a également affirmé : « Ce sont tous ces efforts qui ont hissé notre pays à la 8ᵉ place du classement Global Economy des meilleurs réseaux routiers et autoroutiers d’Afrique, sur 38 pays évalués. »

The Global Economy se présente comme une organisation au service des chercheurs, universitaires, entre autres profils qui ont besoin de données économiques fiables sur les pays étrangers. L’organisation fournit aussi des chiffres actualisés sur différents indicateurs économiques dont le produit intérieur brut (PIB), l’inflation, le crédit, les taux d’intérêt, l’emploi. Par ailleurs, The Global Economy présente plus de 300 indicateurs sélectionnés auprès de sources officielles comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), les Nations unies et le Forum économique mondial.

Tel que l’a affirmé le président sénégalais Macky Sall, le classement des réseaux routiers et autoroutiers d’Afrique le plus récent de The Global Economy porte sur 38 pays du continent. Mais ce classement date de 2019.

Le Sénégal occupe la 8ᵉ place, derrière la Namibie, l’Égypte, le Rwanda, l’Île Maurice, le Maroc, l’Afrique du Sud et le Kenya. Les pays sont classés selon le nombre de points obtenus. Le Sénégal a ainsi obtenu 4,1 points sur la base de données évaluées sur la période 2007-2019. La valeur la plus faible a été enregistrée par le Tchad (1,9 point).

The Global Economy a indiqué en dessous du tableau que la source du classement est le Forum économique mondial.

Des données issues d’un rapport mondial annuel

Contacté par Africa Check pour plus d’éclaircissements, le Forum économique mondial a confirmé que le classement établi par The Global Economy se basait sur les données de l’édition 2019 de son rapport annuel intitulé : « The Global Competitveness Report (Rapport sur la compétitivité mondiale, en français) ».

Depuis 2004, le rapport évalue les pays du monde par rapport à leur potentiel à atteindre une croissance soutenue à moyen et à long terme. Pour ce faire, il les classe sur la base de l’indice de compétitivité mondiale (Global Competitiveness Index, en anglais).

Afin de calculer cet indice, l’organisation évalue les principaux facteurs de productivité de chaque pays. Ces piliers, au nombre de 12, sont les suivants :

  • Institutions,
  • Infrastructure,
  • Aptitude à intégrer la technologie,
  • Stabilité macroéconomique,
  • Santé,
  • Éducation et compétences,
  • Marché des biens,
  • Marché du travail,
  • Système financier,
  • Taille du marché,
  • Dynamisme des entreprises,
  •  Innovation.

Par exemple, pour déterminer les performances des pays dans le volet Infrastructure qui comprend la qualité du réseau routier, le rapport mène une enquête auprès de chefs d’entreprise et hommes d’affaires des différents pays évalués, est-il relevé aux pages 617 et 633 de l’étude.

L’enquête en question fournit une évaluation des aspects essentiels de la compétitivité pour lesquels les données statistiques font défaut, parce qu’il est impossible ou extrêmement difficile de les mesurer à l’échelle mondiale. Ensuite, les résultats de l’enquête servent à compléter d’autres données statistiques recueillies, puis les indicateurs dérivés de l’enquête seront utilisés dans le calcul de l’indice de compétitivité mondiale, précise le rapport.

En conséquence, l’affirmation de Macky Sall est globalement correcte. Car, il est nécessaire de souligner que ce classement a été réalisé sur la base de données évaluées sur la période 2007-2019.

La version la plus récente du Rapport sur la compétitivité mondiale est celle de 2020, Global Competitiveness Report Special Edition 2020. Cette édition, réalisée à la sortie de la pandémie de Covid 19, est différente de celles des années précédentes qui déterminaient l’indice de compétitivité mondiale.

Voici en détails ce qu’indique le rapport (page 5) : « En 2020, les traditionnels classements sur la base de l’indice de compétitivité mondiale ont été suspendus. Cette édition spéciale de 2020 est consacrée à l’élaboration des priorités pour la reprise et la relance économique et à l’examen des éléments constitutifs d’une transformation vers de nouveaux systèmes économiques qui combinent les objectifs de ‘productivité’, de ‘personnes’ et de ‘planète’ ».

Sur la production céréalière

Nous avons cherché à vérifier une autre affirmation du président Macky Sall : « Cette année encore, grâce à l’intensification de nos efforts et une pluviométrie abondante, les récoltes sont satisfaisantes, avec + de 3,6 millions de tonnes pour les céréales et 1,5 million respectivement pour l’arachide et les produits horticoles. »

Nous avons pris contact avec la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques agricoles (Dapsa), qui dépend du ministère sénégalais de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire, pour disposer des dernières statistiques agricoles du Sénégal. « Les données définitives de la campagne actuelle (2022-2023) ne sont pas encore effectives et les données prévisionnelles ne font pas objet de partage », a réagi la Dapsa dans un courriel à Africa Check.

En d’autres termes, la compilation des données pour l’année 2022 – celle à laquelle Macky Sall a fait référence – est toujours en cours. Seules les statistiques des campagnes agricoles 2020-2021 et 2021-2022, concernant les céréales et l’arachide, nous ont été transmises par la Dapsa.

En clair, il s’agit donc des données agricoles des années 2020 (pour la campagne agricole 2020-2021) et 2021 (pour la campagne 2021-2022).

L’Enquête agricole annuelle (EAA) de 2020-2021 évalue à 1 797 486 tonnes la récolte de l’arachide et à 3 640 545 tonnes la production céréalière : dont 1 349 723 tonnes de riz (soit 37,1 %), 1 144 855 tonnes de mil (31,4 %), 761 883 tonnes de maïs (20,9 %), 377 323 tonnes de sorgho (10,4 %) et 6 761 tonnes de fonio (0,2 %).

Dans l’EEA 2021-2022, la production de l’arachide est estimée à 1 677 804 tonnes et celle des céréales est évaluée à 3 480 394 tonnes. Le document précise que durant cette campagne, « les productions de riz et de mil ont dominé la production céréalière avec plus d’un million de tonnes chacune, soit plus des deux tiers des récoltes de céréales. Le maïs et le sorgho suivent ensuite, avec respectivement 22 % et 10 %. Le fonio reste une culture céréalière très marginale avec à peine 0,2 % de la production céréalière ».

« L’EAA est une enquête par sondage réalisée au cours de la principale campagne agricole du Sénégal (juillet de l’année n à juin de l’année n+1) avec pour objectif premier de fournir des informations sur les principales productions agricoles pluviales du Sénégal », peut-on lire sur le site.

L’Archivage national des données du Sénégal est une plateforme de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANDS) du Sénégal qui « promeut l’accès et l’utilisation des microdonnées pour l’analyse et la recherche ».

Données sur l’horticulture

Concernant l’horticulture, Serigne Thiam, chef de la Division du Suivi et de l’Analyse des marchés et des Productions horticoles, précise qu’il y a « trois saisons de production au Sénégal ». Il s’agit de « la contre-saison froide (octobre-février), la contre-saison chaude (mars-juin) et l’hivernage ». « Ceci fait que les campagnes de production sont à cheval sur deux années avec la contre-saison froide qui est la principale saison de production. Elle débute en sortie d’hivernage de l’année n et ses grandes récoltes débutent au début de l’année n+1 ».

Ainsi, selon les données de la Direction de l’Horticulture, la récolte des fruits et légumes est chiffrée à 1 547 280 tonnes pour la campagne 2021-2022 contre 1 583 661 tonnes en 2020-2021 ; « soit un taux de progression de -2 % » entre les deux campagnes, souligne le document.

« Globalement, par rapport aux attentes de l’hivernage, on n’a pas eu ce qu’on attendait », indique Macoumba Diouf, le directeur de l’Horticulture. « Il a beaucoup plu (en 2022) mais ça n’a pas forcément donné un hivernage exceptionnel. Les raisons peuvent être nombreuses. La première est que l’agriculture n’a pas besoin de toutes ces quantités d’eau. C’est plutôt une question de répartition. Un hivernage qui marche, c’est un hivernage où la pluviométrie est bien répartie dans le temps et dans l’espace. La deuxième raison, c’est le temps qu’il peut faire durant l’hivernage. Quand il fait beaucoup de nuages, ce n’est pas bon pour les cultures parce qu’elles ne pourront pas faire la photosynthèse puisqu’il n’y aura pas suffisamment de lumière. S’il y a beaucoup d’eau et pas beaucoup de lumière, les plantes ne croissent pas beaucoup, ne fleurissent pas beaucoup et ne produisent pas beaucoup ».

Eu égard aux données disponibles, nous évaluons la déclaration de Macky Sall comme étant trompeuse. Il est notamment important de souligner que les dernières données sur la production céréalière ne sont pas de 3,6 millions mais plutôt de 3,4 millions de tonnes, et que les données sur la campagne agricole concernant l’année 2022 à laquelle le président sénégalais a fait référence dans son discours n’ont pas encore été publiées par les services compétents.

Budget de la campagne agricole

Macky Sall a aussi affirmé : « En trois ans, le budget de la campagne agricole a doublé, passant de 40 milliards de FCFA en 2019 à plus de 80 milliards en 2022, pour soutenir les producteurs en semences, engrais et matériels agricoles. »

D’après le tableau récapitulatif des budgets du ministère de l’Agriculture et de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire, transmis à Africa Check par les services de la Direction générale du Budget, le budget pour la campagne agricole de 2019-2020 a été arrêté à 39 milliards 600 millions de francs CFA (près de 64,83 millions de dollars ou près de 60,37 millions d’euros). Il s’agit en effet d’un budget voté en fin d’année 2019 mais comptant pour l’année 2020.

Pour les années 2021 et 2022, c’est un budget de 60 milliards de francs CFA (près 97,80 millions de dollars ou près de 91,47 millions d’euros) qui a été engagé pour les campagnes agricoles respectives. C’est pour le compte de l’année 2023 que le financement de la campagne agricole a été porté à 80 milliards de francs CFA (près de 130,40 millions de dollars ou près de 121,96 millions d’euros), comme le souligne ce rapport de la Commission parlementaire relatif à l’examen du projet de budget 2023 du ministère sénégalais de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire publié le 8 décembre 2022 sur le site de l’Assemblée nationale.

Sur la base des explications de la Dapsa, ce budget de 80 milliards de francs CFA est, précisément, à mettre au compte de la campagne agricole de l’année 2023. « L’année budgétaire est à cheval entre deux années. Le budget est voté à l’année n-1 mais on l’applique à l’année n et on l’évalue à l’année n+1. Par exemple, le budget pour 2023 est voté en fin d’année 2022. Il est mis en exécution à partir de janvier 2023 et est évalué en 2024 », ont précisé les services de la Direction générale du Budget.

En résumé, le budget de la campagne agricole est passé de 39 milliards 600 millions de francs CFA pour l’année 2020 à 80 milliards de francs CFA pour le compte de l’année 2023. La déclaration de Macky Sall n’est pas fausse, mais elle peut induire en erreur sans ces éléments de précision.

 

Pour conclure, parmi les affirmations faites par Macky Sall en rapport avec les performances économiques et agricoles du Sénégal, une est incorrecte, une est globalement correcte et les deux autres sont trompeuses. Les propos du président sénégalais affirmant que son pays avait connu la croissance la plus régulière entre 2011 et 2021 sont faux.

Azil MOMAR LÔ et Souleymane DIASSY

Lire l’article original sur Africa Check : https://africacheck.org/fr/fact-checks/articles/senegal-macky-sall-discours-a-la-nation-economie-agriculture-2022