Non, le gouvernement ne planche pas sur une semaine de travail de 45 heures et la suppression de 3 jours fériés

France
Politique

6 Déc 2024

6 minutes de lecture
Le 4 novembre 2024, le compte @l_ochju_corsu partageait sur TikTok une vidéo d’une prétendue interview de Maud Bregeon annonçant le passage à la semaine de 45 heures de travail et la suppression de 3 jours fériés. Si de nombreuses pistes ont été explorées par le gouvernement Barnier dans le cadre du vote du budget par le Parlement, cette vidéo est fausse, il s'agit d'une deepfake, et ces propositions n'ont jamais existé.
Capture d’écran de la vidéo TikTok d'une prétendue interview de Maud Bregeon, effectuée le 25 novembre 2024.
Contexte

Sur TikTok, le compte @l_ochju_corsu a partagé une vidéo prétendant montrer un extrait d’interview sur BFMTV de Maud Bregeon, le 4 novembre 2024. Dans cette vidéo vue plus de 638 600 fois, la porte-parole du gouvernement déclare : « C’est possible, nous réfléchissons à appliquer 45 heures de travail par semaine accompagné de la suppression de deux à trois jours fériés. L’objectif serait de renforcer l’économie et d’assurer une meilleure stabilité. Cette proposition est en phase de réflexion pour… » Aimé et commenté respectivement 3 225 et 6 530 fois, le post est accompagné du message écrit : « Info / Augmentation de travail à 45 h /semaines et supprimer 3 jours fériés en discussion. »

Capture d’écran de la vidéo TikTok d’une prétendue interview de Maud Bregeon effectuée le 25 novembre 2024.

La vidéo a été postée au moment des premiers débats de l’Assemblée nationale sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Le gouvernement devait trouver de nombreuses sources d’économies ou de rentrées d’argent afin d’équilibrer le budget. Si plusieurs mesures ont été avancées et ont fait débat, celles évoquées dans cette prétendue vidéo de Maud Bregeon n’en font pas partie.

Vérification

Avant de s’intéresser au fond des deux prétendues déclarations de Maud Bregeon, il faut d’abord s’intéresser à l’extrait vidéo lui-même.

Plusieurs indices peuvent faire douter de sa véracité. D’abord, la déclaration est isolée sans qu’il n’y ait une question de journaliste alors que l’allégation commence par « C’est possible ». Ensuite, les lèvres de Maud Bregeon ne semblent pas coordonnées avec ses déclarations, en particulier sur la fin de l’extrait. Enfin, sur le bandeau de la chaîne d’information en continue, on peut lire une déclaration de la porte-parole du gouvernement reprise à propos de « [l’]hommage à D. Bernard ». Ce qui ne correspond pas au sujet du budget qui est évoqué dans l’extrait.

L’interview de Maud Bregeon sur BFMTV comme « invitée politique » existe bel et bien. Elle date du 13 octobre 2024 mais à aucun moment la porte-parole du gouvernement n’évoque une telle mesure économique. Le contenu se concentre davantage sur l’hommage rendu à Dominique Bernard et une possible future loi immigration.

De plus, le compte qui a partagé cet extrait précise dans sa description « Humours parodie IA » et indique également dans celle du post « Vérifiez les informations avant de vous énerver… #info #actualite #france #travail #ia #tombepasdanslepanneau (contenu parodique) ». La vidéo partagée sur TikTok est donc un deepfake. Le problème, c’est qu’au-delà de la description du compte et la description de la vidéo, souvent peu en évidence sur la plateforme, rien ne permet clairement de savoir que ce que dit Maud Bregeon est une parodie ou une fausse déclaration.

Capture d’écran du compte TikTok @l_ochju_corsu effectuée le 25 novembre 2024.

Sur le fond des prétendues déclarations maintenant, elles sont fausses ou au moins exagérées.

D’abord, le passage à 45 heures de travail par semaine n’est pas une proposition étudiée par le gouvernement ou évoquée par les parlementaires. Si la modulation du temps de travail par âge jusqu’à « 40 ou 45 heures » pour les plus jeunes avait été évoqué de manière informelle par Emmanuel Macron en 2017, ce n’est pas le cas dans les discussions sur le budget 2025.

De plus, une telle mesure contreviendrait à l’article L3122-18 Code du Travail qui prévoit que la durée de travail moyenne hebdomadaire sur 12 semaines consécutives ne soit pas de « plus de quarante-quatre heures ». Si le Code du Travail peut être modifié, aucune discussion en ce sens n’a été lancée par le gouvernement ou le Parlement.

Ensuite, la suppression de trois jours fériés est une exagération. Dans un rapport du 25 septembre 2024 sur la situation dans les Ehpad, le Sénat préconisait la mise en place d’une nouvelle journée de solidarité afin de récolter « 3,4 milliards d’euros » pour les finances publiques.

La journée de solidarité est une journée travaillée mais non payée. L’idée est donc de supprimer un jour férié pour le transformer en journée de solidarité, comme l’a été le lundi de Pentecôte en 2004.

Capture d’écran de l’extrait de l’amendement 125 au projet de loi sur le financement de la Sécurité Sociale 2025 adopté par le Sénat le 23 novembre 2024.

Le Sénat a poursuivi dans cette voie le 23 novembre 2024. Les Sénateurs ont adopté un amendement permettant que les salariés travaillent sept heures supplémentaires sans être payés en plus. Cela revient à inscrire dans la loi un total de quatorze heures au titre d’une « contribution de solidarité par le travail » à répartir sur « deux journées ». En d’autres termes, il s’agit de supprimer un jour férié afin de porter à deux le nombre de journées de solidarité dans l’année.

Dans le cadre des débats sur la Loi de financement de la Sécurité sociale 2025, la suppression d’un jour férié est en débat et a été votée au Sénat en première lecture. L’augmentation du temps de travail n’a en revanche jamais été remise en question.

Conclusion

Pour conclure, la vidéo partagée par le compte @l_ochju_corsu sur TikTok est donc fausse, c’est une deepfake, et les allégations qu’elle relaie également. La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon n’a jamais déclaré que le gouvernement réfléchissait à la mise en place d’une journée de 45 heures de travail et à la suppression de trois jours fériés.

 

Théo LHEURE (Factoscope)