Dans une publication faite sur le réseau social X, le 1er octobre 2023, Thierno Alassane Sall, un des vingt candidats retenus par le Conseil constitutionnel au Sénégal pour l’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février 2024 dans ce pays, a affirmé : « Chaque année, environ 1 800 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués au Sénégal, en faisant le cancer le plus fréquent parmi les Sénégalaises ».
Thierno Alassane Sall, par ailleurs président du parti politique La République des Valeurs, a fait cette publication dans le contexte d’octobre rose, une campagne annuelle de communication destinée à sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein et à récolter des fonds pour la recherche. Chaque année, depuis 1985, le mois d’octobre est consacré à cette campagne mondiale.
Qu’est ce que le cancer du sein ?
Le cancer du sein est une maladie caractérisée par la croissance incontrôlée de cellules mammaires normales qui forment des tumeurs.
« La forme précoce ne met pas la vie en danger. Les cellules cancéreuses peuvent se propager au tissu mammaire voisin (invasion) en provoquant des tumeurs qui forment des masses ou un épaississement », souligne l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans une fiche d’information actualisée le 12 juillet 2023.
Africa Check a interrogé le Dr Ibrahim Aïdibé, il est membre de l’Association sénégalaise de gynécologie obstétrique (Asgo) et du Groupe interafricain d’études, de recherche et d’applications sur la fertilité (GIERAF). Selon lui, le cancer du sein résulte d’un dérèglement de certaines cellules qui se multiplient de façon anarchique et qui finissent par former une masse appelée tumeur. Il existe plusieurs cancers du sein, « tout dépend du type de cellules qui sont atteintes ».
Quelles sont les causes et les facteurs de risques du cancer du sein ?
« La génétique peut être un facteur de risques tout comme des facteurs environnementaux peuvent augmenter le risque d’être atteint d’un cancer du sein. Le premier facteur de risque reste l’âge. Les deux tiers des cancers du sein surviennent après 50 ans », d’après Dr Djibril Ndaw, hématologue et consultant en oncologie, contacté par Africa Check.
Les facteurs de risques liés à nos modes de vie tels que la consommation d’alcool et de tabac, un surpoids ou encore peu ou pas d’activité physique peuvent favoriser l’apparition d’un cancer du sein, rappelle l’Institut national de cancer de France.
Comment se manifeste-t-il ?
Il faut des examens précis pour établir le diagnostic du cancer du sein. Cependant, plusieurs anomalies observées au niveau des seins – une boule dans le sein, des ganglions durs au niveau de l’aisselle, des modifications de la peau du sein et du mamelon, un changement de la taille ou de la forme du sein – sont des indicateurs qui devraient pousser à consulter son médecin, recommande le Dr Ibrahim Aïdibé.
Au Sénégal, le traitement du cancer du sein implique la collaboration de trois spécialistes : un oncologue, un chirurgien spécialiste de la chirurgie du sein et enfin un radiothérapeute, relève le Dr Ndaw.
« Le dépistage par imagerie médicale (mammographie) est la seule méthode socialement et financièrement acceptée pour augmenter les chances de curabilité du cancer du sein. Un cancer du sein détecté par autopalpation ou lors de l’examen clinique par un médecin est déjà un cancer avancé pouvant poser un problème de curabilité », relève le spécialiste.
Nous avons tenté d’obtenir des précisions de la part de Thierno Alassane Sall sur la source de sa déclaration, mais nos appels et messages sont restés sans réponse. Nous mettrons à jour cet article si nous recevons une réaction de sa part.
En effectuant nos recherches, nous avons constaté que ce même chiffre (1 800 nouveaux cas de cancer du sein par an au Sénégal, NDLR) avait également été publié dans l’édition du 27 octobre 2023 (page 7) du quotidien sénégalais EnQuête.
Le journal a fait savoir à Africa Check qu’il s’agit d’un publi-reportage de Sénégal Numérique, une plateforme créée pour mettre en œuvre la politique d’informatisation, ainsi que la gestion des infrastructures numériques de l’État du Sénégal. Les données contenues dans ce publi-reportage sont attribuées à la LISCA, la Ligue Sénégalaise contre le Cancer.
Les précisions de la LISCA sur la source de ce chiffre
Contactée pour des précisions, la LISCA, par la voix de Mansour Niang, secrétaire général de l’organisation, nous a expliqué que l’association ne dispose pas de chiffres internes fondés sur des registres nationaux pour le Sénégal.
« Nous nous appuyons sur les chiffres, les estimations, fournies par le Globocan, l’Observatoire mondial du cancer. Je pense que pour le Sénégal, on est aujourd’hui au-dessus de 1 800 cas (nouveaux cas par an, NDLR) ».
Le Globocan est une base de données du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence spécialisée de l’OMS.
1 838 nouveaux cas de cancer du sein au Sénégal en 2022
Les dernières données disponibles auprès du Globocan portent sur l’année 2022 et les estimations pour le Sénégal font état de 1 838 nouveaux cas de cancer du sein chez les femmes.
« Nous mettons à jour les chiffres tous les deux ans », a indiqué à Africa Check Véronique Terrasse, la chargée de communication du Centre international de recherche sur le cancer.
Contacté par Africa Check afin de corroborer les chiffres obtenus du CIRC sur le cancer du sein au Sénégal, le bureau régional de l’OMS pour l’Afrique nous a expliqué qu’« en Afrique, du fait de la faiblesse des systèmes d’information sanitaire, la plupart des données sur le cancer proviennent du CIRC ».
« Le CICR avec le Globocan donne des estimations basées sur les données transmises par les registres des cancers des pays », a souligné le bureau Afrique de l’OMS.
Répondant à la question de savoir comment identifier le cancer le plus fréquent dans un pays, le docteur Djibril Ndaw nous a notifié que pour mesurer la fréquence d’une maladie et définir celle qui est la plus diagnostiquée, les deux mesures les plus souvent utilisées sont la prévalence et l’incidence.
« Nous utilisons les chiffres de la prévalence sur minimum 5 ou 10 ans pour mesurer la fréquence d’une maladie », a t-il expliqué.
Selon l’Institut national d’études démographiques de France (INED), la prévalence est définie par le nombre de cas de maladies enregistrés pour une population déterminée et englobant aussi bien les nouveaux cas que les anciens cas.
D’après le Dr Ndaw, « la prévalence d’une maladie est définie comme la proportion actuelle de gens qui souffrent de cette maladie ».
« La prévalence concerne les cas existants, tandis que l’incidence concerne les nouveaux cas », a-t-il précisé.
Le cancer du sein, deuxième cancer le plus fréquent chez les Sénégalaises
D’après les données du Globocan, le cancer du sein n’est pas le cancer le plus fréquent chez les Sénégalaises. Il arrive en deuxième position derrière le cancer du col de l’utérus.
Dans le détail, d’après les derniers chiffres du Globocan, la prévalence des cancers au Sénégal était de 23 512 cas en 2022, dont 15 786 chez les femmes. Parmi ces cas de cancers recensés chez les femmes, le Globocan a enregistré 4 063 cas de cancer du sein alors que le cancer du col de l’utérus représentait 4 532 cas.
« Dans le cas des chiffres du Globocan présentés ci-dessus, le cancer du col de l’utérus est le plus diagnostiqué au Sénégal », a commenté Dr Ndaw.
Le CIRC et l’OMS ont estimé que les chiffres du Globocan sont les plus à jour, les plus récents et les plus fiables sur le sujet. Par conséquent, le cancer du sein n’est pas le cancer le plus fréquent chez les femmes au Sénégal.
Faysal Arnold BOUKARY
Lire l’article original sur Africa Check : https://africacheck.org/fr/fact-checks/articles/senegal-cancer-du-sein-plus-frequent-chez-les-femmes-1800-nouveaux-cas-par-an