Non, l’avortement n’est pas une cause de mortalité dans le monde

France
Société

12 Mar 2024

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Le 25 février dernier, lors d’un débat sur la proposition de loi d'inscrire l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution française, dans l’émission En quête d’esprit sur la chaîne de télévision CNews, le journaliste Aymeric Pourbaix a cité les chiffres de Worldometer et a affirmé que « l’avortement est la première cause de mortalité dans le monde ». La chaîne assimile l’IVG à la mort des embryons, ce qui est contraire au droit français.

« En 2022, il y avait 234 300 interruptions volontaires de grossesse enregistrées en France. C’est aussi la première cause de mortalité dans le monde selon l’Institut Worldometer : 73 millions en 2022, soit 52 % des décès. Pour le cancer, c’est 10 millions et pour le tabac, c’est 6,2 millions », annonce le journaliste Aymeric Pourbaix le dimanche 25 février dans l’émission « En quête d’esprit », diffusé de 13 à 14 heures sur Cnews.

Le débat du jour reposait sur la question : « Inscrire l’IVG dans la constitution : quels enjeux ? ». L’objectif était de parler de la proposition de loi d’inscrire l’interruption volontaire de grosse (IVG) dans la Constitution française. En effet, actuellement, en France, l’IVG est autorisée depuis la loi du 17 janvier 1975, dite « loi Veil ». Ce droit est garanti par la loi. D’après le site du gouvernement, l’IVG « permet à toute femme enceinte de demander à un médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse sans avoir à fournir de justification ». Le lundi 4 mars, le Parlement a voté pour l’inscription de l’interruption volontaire de grosse dans la Constitution. La France devient le premier pays au monde à inscrire l’IVG dans la constitution.

Dans la catégorie « Santé », le site mondial de statistiques Worldometer répertorie en direct les chiffres annuels des avortements dans le monde. Il apporte les précisions suivantes : « L’avortement en tant que terme le plus courant – et dans les statistiques présentées ici – fait référence à l’avortement provoqué d’une grossesse humaine, tandis que les avortements spontanés sont généralement appelés fausses couches . »Cette année » fait référence à la période allant du 1er janvier à minuit jusqu’à aujourd’hui. » En source, l’institut cite l’Organisation mondiale de la santé. Selon l’OMS, chaque année dans le monde, il y a environ 73 millions d’avortements provoqués, soit environ 200 000 avortements par jour. Ni l’organisation intergourvernementale, ni Worldometer, ne fait référence à l’avortement en tant que cause de mortalité alors que Cnews présente l’IVG comme un décès et assimile de ce fait les fœtus à des personnes et les IVG à une cause de mortalité dans le monde.

Capture d’écran du 3 mars 2023 du site Worldometer

 

La séquence a été abondamment critiquée sur les réseaux sociaux.

« J’espérais naïvement que Cnews évoquait les femmes décédées lors d’un avortement clandestin mais non. Par 73M de morts, ils entendent 73M d’avortements tout court. C’est complètement lunaire et à gerber. L’IVG n’est pas une cause de mortalité mais un droit », soutient un internaute @alexisgddc sur le réseau social X.

Capture d’écran des réactions sur X de Ian Brossat, sénateur de Paris et de Mathilde Panot, Présidente du groupe LFI

Dès le lendemain, le lundi 26 février, la chaîne a présenté ses excuses. « CNews présente ses excuses à ses téléspectateurs pour cette erreur qui n’aurait pas dû se produire » et « auprès de toutes les femmes », a annoncé Laurence Ferrari au début de son émission « Punchline ». Sur le réseau social X, CNews a ajouté « regrette[r] la diffusion » de cette infographie « et présent[er] ses excuses à toutes les personnes ».

Capture d’écran du 3 mars 2023 du compte X de Cnews

Selon les derniers chiffres publiés le 18 décembre 2023 par l’Inserm, la Drees et Santé publique France, les tumeurs restent la première cause de mortalité, avec plus d’un quart des décès (25,7 %). Viennent ensuite les maladies de l’appareil circulatoire (20,9 % des cas). D’après la dernière étude de l’OMS, datant de 2020, les cardiopathies ischémiques sont la première cause de mortalité à l’échelle mondiale.

Des discussions autour de possibles sanctions à la chaîne de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), régulateur des médias, sont en cours pour avoir assimilé l’IVG à une cause de mortalité. La peine maximale s’élève à 3 % du chiffre d’affaires annuel.

Alors que Cnews assimile le nombre d’avortements à des décès, la loi française défend le fait que l’avortement n’est pas une cause de mortalité, mais un droit. Les cardiopathies ischémiques sont la première cause de mortalité dans le monde.

 

Sarah COSTES (Factoscope)