L’Antarctique ne fond pas, selon François Gervais, physicien, professeur émérite à l’Université de Tours et médaillé du CNRS. Invité le 8 décembre 2023 à débattre autour du réchauffement climatique dans l’émission L’Heure des Pros, sur la chaîne CNews, il l’a certifié : « Il n’y a pas de danger climatique. » Ce spécialiste de la thermodynamique a dénoncé « une anxiété infondée, avivée par le discours perpétuel ». Une théorie climatosceptique que l’essayiste développe depuis plusieurs années dans de multiples ouvrages, dont le dernier en date, Le Déraisonnement climatique, publié cette année.
Répondant aux questions du journaliste Pascal Praud, François Gervais a notamment remis en cause la fonte de l’Antarctique : « Il ne fond pas. La calotte glacière antarctique ne fond pas, et c’est 90 % de toute la glace mondiale. Il existe un recul de certains glaciers de montagne, mais qui a commencé avant les émissions de CO2. » Malgré une once de vrai, le discours global s’avère faux.
Est-il fondé scientifiquement que l’Antarctique ne fond pas ? Non, avance auprès de Factoscope Gaël Durand, directeur de recherche à l’Institut des géosciences de l’environnement : « Nous savons depuis maintenant vingt ans que l’Antarctique perd de la masse qui contribue à élever le niveau de la mer, et ceci grâce à trois méthodes de mesures satellites indépendantes. »
Une étude du British Antarctic Survey (l’opérateur national britannique en Antarctique), un organisme exploitant des stations de recherche sur ce continent, parue le 23 octobre dans la revue scientifique Nature Climate Change, révèle même le caractère irréversible de cette fonte. Cette recherche qui se focalise sur l’évolution de la glace prévoit ainsi une augmentation de la fonte « basale » des plates-formes glaciaires de l’Antarctique. La région la plus touchée est la partie occidentale, particulièrement la mer d’Amudsen, à l’extrême-ouest de l’Antarctique, toujours selon l’organisme britannique. Un processus de fonte désormais amorcé de manière définitive : même si le réchauffement climatique venait à réduire, la calotte glacière de l’Antarctique occidental continuerait de fondre.
Fonte au contact avec l’océan
De son côté, François Gervais, également contacté par Factoscope, défend des « réponses non binaires mais nuancées à cette question ». Pour défendre son point de vue, le physicien semble jouer sur les mots. Mais, pour le glaciologue Gaël Durand, « si le terme fondre fait référence au fait qu’à la surface de la calotte antarctique, la fonte est très faible, c’est correct. Pour autant, la fonte de la surface n’est qu’un seul des termes du bilan de masse de la calotte. » Il rappelle que la perte de masse comprend, certes, la fonte de la surface, mais aussi « la fonte au contact avec l’océan et la production d’iceberg », occultées par François Gervais. Cette perte de masse est comparée avec le gain de masse, correspondant aux précipitations neigeuses. Or, « c’est ce bilan de masse qui est directement lié à la contribution des calottes Antarctique et Groenlandaise à l’élévation du niveau des mers », poursuit le directeur de recherche.
François Gervais est également imprécis lorsqu’il évoque « la fonte de certains glaciers ». Ce n’est pas le cas de certains au sens de peu de glaciers, mais bien le cas de l’essentiel d’entre eux. « Tous les massifs montagneux de la planète montrent un recul des glaciers. Et ceux-ci ont été des contributeurs majeurs à l’élévation du niveau de la mer au cours du 20e et le resteront au cours du 21e siècle », soutient ainsi Gaël Durand. La fonte au contact de l’océan, elle, augmente. Et la surface de la banquise autour du pôle Sud était par ailleurs, en février 2023, la plus faible jamais enregistrée, pointe une étude de l’institut américain National Show and Ice Data Center, un centre d’information et de référence à l’appui de la recherche polaire.
De plus, François Gervais n’attribue pas cette fonte aux émissions de CO2, tout comme il n’attribue pas le réchauffement climatique à l’activité humaine. Une fois de plus, cette opinion est invalidée par les scientifiques, comme le souligne Gaël Durand : « Les glaciers répondent aux variations climatiques et leur retrait généralisé est attribué au changement climatique par la littérature scientifique. » Pour cause, le sixième rapport de synthèse du GIEC, publié le 20 mars 2023, fait état d’émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines qui réchauffent le climat à un rythme sans précédent : une augmentation de la température de la surface du globe de 1,1° C par rapport à la période préindustrielle.
Si, effectivement, la surface de la calotte antarctique ne fond quasiment pas, la déclaration de François Gervais sur CNews reste erronée. Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles et du consensus qui émerge des publications scientifiques à comité de lecture (les plus sérieuses et reconnues par les pairs), il est faux d’affirmer que la calotte glacière antarctique ne fond pas.