Non, l’activiste béninois Hosée Houngnibo n’est pas poursuivi pour avoir seulement écrit «le pouvoir n’est pas éternel»

Bénin
Politique | Société

28 Oct 2024

8 minutes de lecture
Comparu devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), jeudi 24 octobre 2024, le coordonnateur national des réseaux Olivier Boko, Hosée Houngnibo est, d’après une publication Facebook du journaliste et activiste Comlan Hugues Sossoukpè, poursuivi pour avoir écrit «Le pouvoir n'est pas éternel.» Examinée par Badona, cette allégation est à nuancer car l’activiste politique est en réalité poursuivi pour des chefs d’«incitation à la rébellion et de harcèlement par voie électronique» à la suite d’une série de publications visant le Président béninois Patrice Talon.

Avec plus de 400 commentaires, une vingtaine de reposts et plus de 1200 engagements sur le compte où elle est apparue en premier le 24 octobre 2024, une publication Facebook alimente la polémique sur la liberté d’expression au Bénin. La publication faite par Comlan Hugues Sossoukpè, journaliste et activiste béninois exilé, annonce que Hosée Houngnibo, un jeune activiste politique, est poursuivi pour avoir écrit « Le pouvoir n’est pas éternel. »

Le 24 octobre, s’est en effet, ouvert le procès de Hosée Houngnibo à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), une juridiction spéciale qui fait couler beaucoup d’encre au Bénin.

« « Le pouvoir n’est pas éternel. » C’est ce qu’on reproche à Hosée Houngnibo d’avoir écrit. Et c’est pour cela qu’il est poursuivi », indique Comlan Hugues Sossoukpè, l’un des journalistes béninois les plus suivis sur Facebook avec plus de 56 000 followers.

A la suite de Comlan Hugues Sossoukpè, plusieurs publications sur Facebook comme iciici, et ici ont repris la même information suscitant des interrogations sur la liberté d’expression et la démocratie au Bénin. « Si je commente maintenant ils vont me poursuivre aussi 😂😂😂 », a réagi un abonné Facebook du nom de Célestin Koudjou dans la suite des centaines de réactions sous le post initial.

« Aïvo a dit << 5 ans, c’est 5 ans >>. On lui a collé 10 ans de prison. Comme si 5 ans, c’est 6 ans. Madougou a osé être candidate à la présidence de la République, il lui ont infligé 20 ans. Aucun pouvoir n’est éternel et ceci ne vaut pas qu’en démocratie. Aucune dictature n’est éternelle non plus », s’est indigné Déo Gratias Kindoho (ici), un autre journaliste qui a repris la publication de son confrère.

A contrario, certains abonnés se sont montrés sceptiques sur cette nouvelle. « On ne peut arrêter quelqu’un pour cette petite phrase. Ce n’est pas vrai », a rejeté Efidjo Ganhoutodé. « Tu as menti pour cette fois ci… C’est une petite portion de ce qu’il a dit, lui-même le sait. Il a envoyé dans un groupe où je suis un des administrateurs et j’ai supprimé et je l’ai mis en garde…»,  a également rejeté Damien Quenum, un autre abonné qui témoigne avoir vu une série de publications de l’activiste politique.

Qui est Hosée Houngnibo?

Arrêté le 7 octobre 2024 par les agents du Centre national d’investigations numériques (CNIN) et placé sous mandat de dépôt le 14 octobre, Hosée Houngnibo est Coordonnateur national des réseaux Olivier Boko, un mouvement qui suscite la candidature de l’homme d’affaire et très proche ami de Patrice Talon, actuel Président de la République du Bénin.

Le jeune acteur politique est l’un des tout premiers à s’engager dans la suscitation de la candidature de Olivier Boko pour la présidentielle 2026. Depuis l’arrestation de son champion accusé de tentative de coup d’Etat et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, Hosée Houngnibo a multiplié des publications pour défendre Olivier Boko sur les réseaux sociaux.

Auditionné puis placé sous mandat de dépôt, Hosée Houngnibo a comparu pour la première fois devant la CRIET, le jeudi 24 octobre 2024.

 

Que reproche-t-on à Hosée Houngnibo ?

 

Au regard de la polémique suscitée par la publication qui annonce qu’il est poursuivi pour avoir écrit  « Le pouvoir n’est pas éternel. », Badona a procédé à des vérifications pour situer les uns et les autres. Les faits ne sont pas exactement ce que rapportent le journaliste et activiste Comlan Hugues Sossoukpè et les comptes ou pages qui l’ont repris. Nous avons contacté des journalistes présents à l’audience de la première comparution de Hosée Houngnibo à la CRIET à Cotonou, le jeudi 24 octobre 2024.

 

Le journal Banouto, réputé au Bénin pour ses informations généralement crédibles, a diffusé un compte rendu de cette audience. Le média en ligne basé à Cotonou indique qu’ « il (Hosée Houngnibo) est poursuivi par le parquet spécial pour des faits de ‘harcèlement par le biais d’un système de communication et incitation à la rébellion’ » visant le Président Patrice Talon. D’après Banouto, lors des débats, la Cour a rafraîchi la mémoire au prévenu en lui donnant lecture de quelques séquences de ses messages visant le  chef de l’Etat. Entre autres, cite le parquet selon le journal en ligne, « Nul n’est fort pour être toujours le plus fort. Tout se paie ici bas »; « Ceux qui me connaissent savent que je n’ai peur de rien dans ma vie. Quand quelqu’un parle, on l’emprisonne. Aujourd’hui les Béninois ne sont plus libres ».

 

L’article publié le 24 octobre à 12h39, heure locale, ne mentionne pas la citation contenue dans la publication source de polémique sur les réseaux sociaux.

Libre Express, un autre média béninois spécialisé dans l’actualité judiciaire a aussi publié un compte-rendu de l’audience. Ce média souligne également que Hosée Houngnibo est poursuivi pour des faits de harcèlement par des communications électroniques et incitation à la rebellion.

« À l’ouverture de l’audience, le juge a procédé à l’inculpation. Il plaide non coupable. « Vous avez harcelé les autorités politiques par des communications électroniques et incité des gens à la rébellion », lui lance ensuite le juge. « Je suis ignorant. Je ne savais pas que j’enfreignais le code du numérique comme je n’ai injurié personne », répond-il d’entrée. Hosée Houngnibo plaidera ensuite la clémence de la cour et du chef de l’État Patrice Talon, précise un extrait d’article de cet autre média qui rapporte des séquences d’échanges entre le juge et le prévenu Hosée Houngnibo. Dans son article, Libre Express ne mentionne pas non plus la phrase retrouvée dans la publication de Comlan Hugues Sossoukpè.

 

Badona a contacté les journalistes des deux médias qui ont assisté à l’audience. Chroniqueur judiciaire pour Banouto, le journaliste Donald Kévin Gayet précise que la citation « Le pouvoir n’est pas éternel. » mise en avant par Comlan Hugues Sossoukpè  n’est qu’une phrase parmi toute une série d’autres que le parquet spécial a lu pour soutenir les charges de « harcèlement par le biais d’un système de communication et incitation à la rébellion » retenues contre Hosée Houngnibo. « C’est une séquence des messages qu’il (Hosée Houngnibo) a publiés sur les réseaux sociaux. La cour a donné lecture de plusieurs de ses messages », a répondu le chroniqueur judiciaire de Banouto.

 

Contacté, Ozias Hounguè, chroniqueur judiciaire auteur de l’article de Libre Express est catégorique à propos de la publication à polémique :  «Non, non, ce n’est pas exclusivement ça. On lui reproche l’ensemble de ses publications. »

Sur un compte Facebook non certifié au nom de Hosée Houngnibo, Badona a retrouvé une publication en date du 5 octobre 2024 (voir ici) contenant des extraits rapportés par les chroniqueurs judiciaires Donald Kévin Gayet et Ozias Hounguè.

 

Badona a également contacté l’auteur de la publication à polémique. Hugues Comlan Sossoukpè a cordialement indiqué que la citation qu’il a mise en épingle figure sur une liste de charges retenues contre le prévenu. « J’ai eu accès au dossier de Monsieur Houngnibo. Dans le dossier en instruction, parmi les charges qui lui sont reprochées figure la phrase suivante : le pouvoir n’est pas éternel », a répondu le journaliste et activiste qui vit en exil par crainte pour sa liberté au Bénin.

Contacté de son côté, Me François Kèkè, avocat conseil de Hosée Houngnibo nous a simplement invité à suivre le dossier à la CRIET.

Verdict

 

En référence aux différents éléments rapportés par des chroniqueurs judiciaires ayant assisté physiquement à l’audience de comparution de Hosée Houngnibo à la CRIET le 24 octobre 2024 et des échanges avec Comlan Hugues Sossoukpè, auteur d’une publication suscitant la polémique,  il n’est pas totalement exact d’affirmer que Hosée est poursuivi pour avoir écrit « le pouvoir n’est pas éternel. » L’activiste politique qui implore la clémence de la cour et du Président Patrice Talon est poursuivi pour des faits de « harcèlement par le biais d’un système de communication et incitation à la rébellion ».

La citation à polémique n’est qu’un extrait d’une série de publications qui motivent les charges  de « harcèlement par le biais d’un système de communication et incitation à la rébellion » retenues contre lui.

 

Lire l’article original sur Badonahttps://www.badona.info/detox/article/20241028-hosee-houngnibo-est-il-poursuivi-au-benin-pour-avoir-ecrit-le-pouvoir-n-est-pas-eternel-a-nuancer