Contexte
La chaîne CNews a organisé le 5 novembre 2024 un débat sur son plateau à propos de « l’ultraviolence des mineurs ». Parmi les invités, Sophie Audugé, déléguée générale et porte-parole de l’association SOS Education, a insisté sur la responsabilité des parents.
Pour appuyer l’idée que l’éducation des parents serait défaillante, Sophie Audugé a affirmé : « Il y avait une étude qui avait démontré – je ne sais plus de quand elle datait – que dans les Centre éducatifs fermés plus de 50% des jeunes qui étaient placés, au moment où ils sont placés, leurs parents sont également en prison ».
Ce débat faisait suite à l’agression d’un jeune dans le centre de Dijon, dans la nuit du 2 au 3 novembre 2024. Il a ensuite été publié sur la chaîne YouTube de SOS Education, qui compte 11 000 abonnés, et partagé sur le compte Facebook, qui rassemble 62 000 abonnés.
Vérification
Les centres éducatifs fermés (CEF) sont des structures de placement de la protection judiciaire de la jeunesse. Ils ont été créés en 2002 par la loi Perben I et se présentent comme une alternative à l’incarcération. Ils concernent principalement les mineurs multirécidivistes.
Il existe peu d’études concernant les CEF. Elles s’intéressent principalement à l’efficacité de ces centres et ne mentionnent jamais la situation judiciaire des parents.
Contactée, Sophie Audugé explique que « le chiffre provient d’un article du Figaro, dans lequel intervient le pédopsychiatre Maurice Berger ». Elle confirme par la même occasion qu’elle maintient son affirmation. Or, si le quotidien a bien réalisé une double page sur le sujet dans son édition du 6 janvier 2024, dans laquelle intervient Maurice Berger, il n’est jamais fait mention des parents d’enfants en CEF.
Il existe en revanche un autre article du Figaro consacré aux CEF, intitulé « Un jour en centre éducatif fermé », publié dans l’édition du 16 décembre 2014. Cet article est un reportage au sein du Centre éducatif fermé de Liévin (Pas-de-Calais). Son directeur, Hamady Camara, est cité à plusieurs reprises. Il déclare notamment : « Les pères de la moitié de nos jeunes sont en prison. […] Nous comptons aussi deux parents SDF, et quasiment aucun parent ne travaille. Ces jeunes arrivent déstructurés, déscolarisés depuis longtemps. Sans règle. »
Le chiffre invoqué par Sophie Audugé semble donc provenir de cette citation d’un article de 2014. Elle concerne un centre en particulier, celui de Liévain. Un CEF ne peut accueillir que 12 mineurs simultanément : la citation d’Hamady Camara concerne donc 6 mineurs maximum.
Conclusion
En 2014, il existait 51 CEF en France. Selon un rapport de la cour des comptes de 2023, ils ont accueilli cette année-là 1160 mineurs, généralement pour une durée de six mois. L’échantillon du centre de Liévin en 2014 n’est donc absolument pas représentatif et le chiffre invoqué par Madame Audugé ne peut en aucun cas faire office d’étude. Son affirmation selon laquelle 50% des jeunes placés en centres éducatifs fermés auraient des parents en prison est donc fausse.