Non, la France n’est pas le pays qui aide plus les étudiants sur le plan social

France
Éducation | Société

26 Oct 2023

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Le 19 octobre dernier, le président de la République française Emmanuel Macron assure qu’« il n’y a pas un pays qui aide plus les étudiants que la France sur le plan social ». Or, cette affirmation est fausse. L’Allemagne et l’Autriche aident davantage leurs étudiants en difficulté que la France.

« Il n’y a pas un pays qui aide plus les étudiants que la France sur le plan social. Je suis pour qu’on améliore le système. Mais je ne suis pas pour un revenu universel inconditionnel », a affirmé Emmanuel Macron lors d’un échange avec des jeunes dans les rues de Paris jeudi 19 octobre dernier, relayé par l’AFP.

Capture d’écran de l’AFP du 19 octobre 2023

Son opposition à un revenu universel pour les étudiants, c’est-à-dire une rémunération versée à chaque jeune qu’il soit engagé dans des études supérieures ou en apprentissage, a été abondamment reprise et commentée par les médias français. Mais aucun d’entre eux n’est revenu sur l’affirmation selon laquelle la France serait le pays qui aide le plus les étudiants sur le plan social.

En France, plusieurs aides sociales sont versées aux étudiants sous conditions de ressources. Parmi elles, la bourse étudiante du Crous divisée en plusieurs échelons, de 0 Bis à 7, allant de 1.454 euros à 6.335 euros par an ; le Fond national d’aide d’urgence (FNAU), également octroyé par le Crous qui peut atteindre 6.335 euros par an ; les aides au logement (APL, ALS, ALF), d’un montant maximum de 267 euros d’aide par mois pour les étudiants boursiers ; 218 euros par mois pour les étudiants non-boursiers ; le Revenu minimum étudiant, une aide financière mise en place par certaines communes (12 en 2022 telles que Dunkerque, Chenôve…) qui varie entre 100 et 4 000 euros.

D’après « Wizbii », le simulateur d’aides pour les jeunes âgés de 16 à 30 ans dont le siège se situe à Grenoble, le montant des aides maximales que peut percevoir un étudiant français s’élève à 10 080 € par an. La simulation a été réalisée avec un profil d’un jeune qui étudie à Paris, qui habite seul dans un studio meublé, qui ne travaille pas en parallèle et dont les ressources financières sont minimales.

Capture d’écran de la simulation sur le site « Wizbii.com » des aides éligibles totales auxquelles un étudiant français le plus en difficulté à le droit

En comparant les différents montants de bourses entre les pays européens avec le tableau « Frais et systèmes nationaux d’aides financières aux étudiants dans l’enseignement supérieur en Europe 2020/2021 » d’Eurydice, le réseau européen sur les systèmes éducatifs, « l’Allemagne est en tête du classement européen en termes d’aides versées aux étudiants ». En effet, les bourses sur critères sociaux peuvent atteindre 10 332 euros par an et jusqu’à 13 932 euros pour le mérite. De même, en Autriche, le montant des bourses peut aller jusqu’à 10 092 euros pour les étudiants les plus en difficulté.

Le Danemark fait également partie des meilleurs élèves, mais reste derrière la France en termes d’aides financières. Il offre une allocation d’études de 700 euros nets par mois, soit 8 400 euros par an, à tous les étudiants qui ne vivent plus chez leurs parents et qui ne gagnent pas plus de 2 400 euros par mois. Ceux qui vivent encore au sein du foyer familial peuvent toucher jusqu’à 370 euros, à condition que leurs parents gagnent moins de 48 500 euros par an.

« Le système français ne permet pas de supporter l’ensemble des coûts liés à la scolarité et donc d’être autonome. Ainsi, bien que les aides accordées en France soient importantes, elles ne permettent pas aux étudiants d’être autonomes pour se consacrer pleinement à leurs études sans avoir à travailler par ailleurs », soutient, auprès de Factoscope, Léonard Moulin, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined).

Même si la France apparaît dans la liste des pays qui aident le plus ses étudiants sur le plan social, « plus de 42 % des étudiants se salarient par nécessité pour survivre, alors même que le salariat est une cause d’échec académique », affirme dans un tweet Sarah Biche, vice-présidente chargée des affaires sociales à la Fage, la Fédération des associations générales étudiantes. En effet, selon la dernière enquête « Conditions de vie », publiée en avril 2021 par l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), 40 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur travaillent en parallèle de leurs études.

 

Léonard Moulin de l’Ined l’affirme, en France, « une partie importante des étudiants sont obligés de travailler en parallèle de leurs études pour financer les coûts d’une scolarité dans le supérieur ». « Une solution possible pourrait être de mettre en place une allocation d’études, à l’image de ce qui se fait dans certains pays du nord de l’Europe, afin de permettre aux étudiants d’être indépendants de leur milieu social d’origine et de se consacrer pleinement à leurs études sans avoir à travailler en parallèle », conclut-il.

La France est l’un des pays qui donne plus aux étudiants en plus grande difficulté financière, mais il est loin d’être celui qui aide le plus ses étudiants. En effet, avec un taux de boursiers de 37,7 % en 2022, elle affiche un score très bas par rapport à ses voisins européens. Selon le rapport du Sénat « Les aides aux étudiants et frais de scolarité », datant de 2021, le Danemark et la Suède sont les pays d’Europe qui accordent le plus d’aides financières à ses étudiants. Le Danemark distribue ainsi des bourses à 89 % de ses étudiants, tandis que la Suède compte 88 % de boursiers. Les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur sont également gratuits pour ces deux pays.

Contacté, le service presse de l’Elysée n’a pas répondu à nos questions.

Les comparaisons avec d’autres pays, notamment européens, montrent donc que la France n’est pas le premier pays « qui aide plus les étudiants sur le plan social », comme l’affirme Emmanuel Macron. L’Allemagne ou encore l’Autriche sont en tête. Néanmoins, la France reste en haut du classement.

Sarah COSTES (Factoscope)