Contexte
Dans un post publié sur X le 31 octobre, le créateur de contenu Silvano Trotta, aux propos régulièrement démentis, affirme que les bains de bouche Listerine sont dangereux pour la santé de ses utilisateurs. Sa publication, qui cumule plus de 436 000 vues, précise que le parfum Cool Mint de cette gamme de produit d’hygiène buccaux « vous expose à un risque de cancer du côlon et de la gorge ». Selon l’homme aux 214 000 abonnés sur X, une étude aurait révélé que ce produit « augmentait les niveaux de bactéries buccales » liées à ces types de cancers.
Questionné par plusieurs internautes, Silvano Trotta cite un article du Daily Mail mis en ligne le 31 octobre. Ce dernier évoque une publication virale d’une chercheuse en cancer colorectale, réagissant à une étude belge. Celle-ci ferait le lien entre l’utilisation du bain de bouche Listerine Cool Mint et la prolifération de deux types de bactéries, Fusobacterium nucleatum et Streptococcus anginosus, associées aux cancers de l’œsophage et du côlon. Sollicité par notre rédaction, Silvano Trotta n’a pas répondu à nos questions concernant la vérification de ces informations avant la publication de son post.
Vérification
L’article du Daily Mail, par lequel se justifie le créateur de contenu, se fonde sur une étude belge publiée par l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers en mai 2021. Celle-ci, menée sur 240 hommes prenant la PrEP, tentait de vérifier si l’utilisation quotidienne de Listerine pourrait réduire l’incidence de certaines IST bactériennes. La PrEP (prophylaxie pré-exposition) est un traitement préventif qui consiste à réduire considérablement le risque de contracter le VIH lors d’expositions à risque. L’étude choisit d’étudier des hommes sous PrEP puisqu’ils présenteraient « un taux très élevé d’IST », idéal pour tester leur hypothèse.
Les chercheurs concluent qu’une utilisation régulière de Listerine Cool Mint réduirait la capacité à protéger contre les infections liées à la gonorrhée, mais ils n’attestent aucunement que le bain de bouche exposerait à certains cancers.
Contacté, Chris Kenyon, co-auteur de l’étude et chercheur à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers, confirme : « Bien que les deux bactéries liées à différents cancers, Fusobacterium nucleatum et Streptococcus anginosus, aient été détectées, elles n’ont pas été cultivées, donc nous ne pouvons pas dire si elles se développaient ou non ». Chris Kenyon tient également à relativiser l’interprétation de l’étude faite par Silvano Trotta. « Le contenu de ce post est tiré par les cheveux. Nous avons constaté que l’utilisation de Listerine était associée à des changements dans le microbiote, dont certains pourraient être dangereux. Cependant, nous ne pouvons pas commenter davantage, car d’autres études seraient nécessaires pour tester cette hypothèse, affirme le scientifique. Notre étude n’a pas suivi les patients sur le long terme, nous ne pouvons donc pas affirmer que Listerine était associé à l’un des résultats suggérés par ce post. » Chris Kenyon précise d’ailleurs que les chercheurs de son institut n’ont pas pour projet de poursuivre des recherches sur ce sujet.
Conclusion
Pour conclure, si une étude a bien établi un lien entre l’utilisation de bains de bouche Listerine et la présence de bactéries liées à certains cancers, il n’a pas été démontré que ces bactéries se développaient. Il n’y a donc pas de lien établi scientifiquement entre la consommation de ces produits et l’apparition de cancer, contrairement à ce qu’affirme Silvano Trotta.
Léo SEGURA (Factoscope)