« Les terroristes rwandais M23 se lancent dans le viol à ciel ouvert, la vidéo en dit mieux », peut-on lire en lettres capitales sur cette publication datant du 17 mars. L’auteur du tweet est un internaute congolais, @Nationaliste58, qui compte près de 8 500 abonnés sur le réseau social. La vidéo en question, que X (anciennement Twitter) catégorise comme incluant du contenu sensible, montre une dizaine de jeunes terrifiés, parmi lesquels des femmes et des enfants, qui se dénudent sous la pression de quelques soldats armés. L’un d’entre eux tire deux balles au sol.
« Urgent, c’est le calvaire pour nos frères et soeurs du Rwindi, Nyanzale, trop c’est trop », alerte notamment le compte à l’origine du message. Rwindi et Nyanzale sont des localités de la province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC, où sévit la guerre du Kivu : une succession de conflits armés depuis 2004. Il y a deux ans, les hostilités ont repris. Elles opposent les autorités de Kinshasa aux groupes armés alliés du « Mouvement du 23 mars », dit M23, le groupe rebelle qui soutient la minorité Tutsis installée au Congo.
Avec plus de 950 000 vues, 1 300 retweets et 2 200 likes une semaine après sa publication, la vidéo est très relayée par des internautes qui suivent la crise entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, à l’Est de la RDC. Si certains s’indignent, d’autres affirment avoir « vu cette vidéo il y a longtemps, dans un autre pays ». Pour cause, la vidéo a en réalité été tournée au Cameroun.
Crise anglophone
Une recherche inversée avec l’outil InVID WeVerify et le moteur de recherche russe Yandex a rapidement permis à Factoscope d’identifier des publications antérieures de cette même vidéo, sur Facebook. Deux d’entre elles ont été publiées le 14 janvier 2022. L’une, du blog camerounais Global Info, en montre un extrait de 10 secondes. L’autre, de Human Rights and Legal Research Centre, une plateforme camerounaise qui publie des documents juridiques en faveur des droits de l’homme, montre également une photo où les visages sont floutés, mais où la scène est reconnaissable. Dans un billet, Human Rights and Legal Research Centre indique : « Des séparatistes armés ont dénudé et molesté des étudiants à Bwitingi-Buea, dans la région du Sud-Ouest du Cameroun. L’acte a eu lieu le 12 janvier 2022. » Dans le NOSO (Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun), la crise anglophone, un conflit armé qui oppose les forces gouvernementales à des groupes séparatistes, sévit depuis 2017. « Dans les vidéos macabres qui circulent en ligne, on peut entendre les étudiants implorer la pitié. L’action s’est déroulée à côté de l’église baptiste de Bwitingi, une localité de Buea », identifie le centre de recherche.
Une information confirmée par l’audio de la vidéo. Car si la vidéo initiale publiée par @Nationalist58 masque le son de la scène par une musique de fond, le véritable contenu a été publié par un autre internaute (@RealManziWilly). On peut y entendre l’un des soldats prononcer les mots « go school Buea » à partir de 1 minute 25, dans la langue locale à base lexicale anglaise. Cela confirme que la vidéo a bien été tournée à Buea, et qu’elle concerne probablement des étudiants. « Les étudiants attaqués étaient apparemment des élèves du lycée Bokova-Buea », mentionne le billet de Human Rights and Legal Research Centre.
Factoscope peut ainsi conclure que les agressions visibles dans cette vidéo de jeunes dénudés de force par des soldats armés n’ont pas été commises récemment par le M23 en RDC, comme l’affirme @Nationalist58 mais bien le 12 janvier 2022 par des groupes séparatistes, à Buea, au Sud-Ouest du Cameroun.