Non, cette image de spirales ne permet pas d’évaluer le niveau de stress, c’est une illusion d’optique

Burkina Faso
Santé et sciences

29 Fév 2024

6 minutes de lecture
Une image de spirales identiques circule sur Facebook et serait prétendument un indicateur du niveau de stress. Mais il s’agit en réalité d’une illusion d’optique créée par l’artiste indien Sumit Mehndiratta. Cette image ne sert nullement à évaluer la santé de la personne qui la regarde. Attention aux faux tests scientifiques ou médicaux.

Sur Facebook, un internaute ayant pour pseudonyme Shady bleutouf officiel a publié le 24 janvier 2024 une image comportant des spirales colorées, en assurant qu’elle permettait de savoir si l’individu qui la regarde est en bonne santé et de mesurer son niveau de stress.

À propos de la publication examinée

La publication que nous avons examinée contient une image composée de quatre spirales identiques sur un fond bleu clair. Chaque spirale est faite de trois anneaux imbriqués les uns dans les autres et comportant du jaune, du noir et du mauve ou du violet.

L’illustration est assortie du texte suivant : « *Formule MNC* Il s’agit d’une image fixe, créée par Yamamoto, professeur de neurologie au Japon, d’après ses faits. 1) Si cette image vous semble stable, alors vous êtes en bonne santé. 2) Si vous voyez un léger mouvement dans l’image, vous êtes un peu stressé. Ou alors vous ne dormez pas suffisamment. 3) Si vous voyez une image bouger lentement, vous êtes stressé, vous avez besoin de repos. 4) Si vous constatez un mouvement constant (rotation), vous êtes stressé et avez besoin d’un traitement. (Méthode simple d’auto-vérification dans le programme NCD. Partager avec d’autres.) ».

La même publication a été largement partagée, en tout ou partie, par d’autres internautes sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71).

À propos de l’auteur de la publication vérifiée

Shady bleutouf officiel se présente comme un artiste et un « créateur de tendances » basé à Kaya, au Burkina Faso.

D’après les indications sur sa transparence, sa page a été créée le 5 juin 2021. Elle est liée à un numéro de téléphone burkinabè ainsi qu’à une adresse Gmail de la messagerie privée gratuite de Google.

Image mise en ligne par un artiste indien en mai 2012

La recherche inversée sur l’image avec l’outil dédié TinEye nous a permis de la lier à un créateur indien, Sumit Mehndiratta, qui se définit comme « un artiste multidisciplinaire autodidacte ».

L’illustration utilisée dans la publication de l’internaute burkinabè est extraite d’un tableau plus grand (seize spirales) figurant sur le site de Mehndiratta : l’image a été mise en ligne le 4 mai 2012 sous le titre « Illusion d’optique Roues tournantes » (« Optical Illusion Spinning wheels« ) dans la catégorie « Art numérique optique », qui donne à voir d’autres créations similaires.

Africa Check a interrogé Sumit Mehndiratta sur les allégations associées à sa création. Dans un échange de courrier, l’artiste a expliqué que son œuvre n’avait rien à voir avec une quelconque mesure de niveau de stress ou d’évaluation de la santé. « Il s’agit d’une illusion d’optique créée pour produire un effet de mouvement visuel lorsqu’on la regarde, ce qui n’a rien à voir avec l’état émotionnel de l’observateur. Il s’agit simplement d’un motif visuel qui semble tourner lorsqu’on le regarde, rien d’autre », a-t-il détaillé.

L’illusion d’optique

Selon l’encyclopédie en ligne du dictionnaire français Larousse, une illusion d’optique est une « perception des données visuelles qui fournit des conclusions non conformes à la réalité objective en matière de forme, de distance, de dimension, de couleur, d’orientation, etc. »

Autrement dit, il s’agit d’images que l’œil perçoit, mais que le cerveau ne parvient pas à déchiffrer bout à bout.

Recherches sur « MNC » et « NCD »

Dans la publication examinée, il n’est pas précisé ce que représente la « formule  MNC » et à quoi fait référence « le programme NCD ».

En interrogeant les moteurs de recherche habituels sur le sigle MNC, les résultats mentionnent notamment une structure étatique en France chargée de contrôler et d’évaluer des organismes de sécurité sociale (MNC faisant alors référence à « La Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale »). Les résultats indiquent aussi un code utilisé pour l’identification d’un réseau mobile en matière de télécommunication (MNC désignant ainsi « Mobile Network Code »). Ils renvoient également à un parti politique en République démocratique du Congo (MNC désignant « Le Mouvement national congolais », ou étant mis en avant dans MNC-L, pour « Le Mouvement national congolais-Lumumba », de Patrice Lumumba, premier Premier ministre de ce pays, anciennement le Zaïre.)

Quant aux requêtes sur le sigle NDC, elles affichent essentiellement « Non communicable diseases », l’expression en anglais pour les maladies non transmissibles (MNT). Ces maladies incluent l’infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les cancers, le diabète et les affections respiratoires chroniques, selon une fiche d’information de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Un vague « professeur de neurologie au Japon », Yamamoto

La publication de l’internaute burkinabè au centre de cet article ne précise pas non plus le prénom du « professeur de neurologie au Japon » Yamamoto, supposé auteur de l’image.

Le nom « Yamamoto » semble courant au Japon et, en l’absence de prénom ou de références plus précises sur le domaine d’intervention ou les travaux, il est difficile de confirmer ou réfuter l’existence d’un scientifique ou d’un médecin japonais portant ce nom.

Nos recherches n’ont rien donné de probant sur un neurochirurgien japonais nommé Yamamoto et qui serait spécialisé dans la recherche sur le stress.

Cependant, des références abondantes existent sur Masatomo Yamamoto qui, lui, est un psychiatre réputé. Le professeur Masatomo Yamamoto est un « pionnier de la psychiatrie au Japon », peut-on lire dans un article publié le 4 janvier 2023 par Journal du Japon, un magazine en ligne dédié à ce pays. L’article évoque un film documentaire consacré au psychiatre, « Professeur Yamamoto part à la retraite », réalisé par le cinéaste japonais Kazuhiro Soda.

Un autre médecin japonais avec le même nom de famille sort du lot : le professeur Toshikatsu Yamamoto, spécialisé dans le domaine de l’acupuncture.

Des allégations similaires vérifiées et démenties en 2020

Africa Check a vérifié en août 2020 des allégations similaires à celles de la publication de l’internaute burkinabè.

À l’époque, c’est une illusion d’optique du designer ukrainien Yurii Perepadia qui avait été attribuée à un prétendu neurologue japonais Yamamoto.

Perepadia avait apporté un démenti formel sur son compte Instagram, expliquant qu’il s’inspirait des travaux du professeur japonais de psychologie Akiyoshi Kitaoka, lequel étudie les illusions visuelles.

Pour conclure, une illusion d’optique a été une nouvelle fois utilisée sur les réseaux sociaux en laissant croire que cette illustration permettait de mesurer le niveau de stress. Cette corrélation était fausse.

Dieynaba THIOMBANE et Coumba SYLLA

Lire l’article original sur Africa Check : https://africacheck.org/fr/fact-checks/meta-programme-fact-checks/sante-sciences-art-design-illusion-optique-faux-test-de-stress-oeuvre-2012-sumit-mehndiratta