Non, Anne Hidalgo ne va pas remplacer les écoles catholiques parisiennes par des HLM

France
Éducation | Institutions | Politique

18 Mar 2024

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Dans un tweet publié le 15 février dernier, Geoffroy Boulard, maire du XVIIe arrondissement de Paris affirme que la mairie de Paris veut « transformer » sept écoles catholiques parisiennes par des HLM. Après vérifications, c'est faux.

Dans un tweet du 15 février 2024, Geoffroy Boulard, maire du XVIIe arrondissement et Vice-Président de la Métropole du Grand Paris, écrit : « Le futur #PLU (plan local d’urbanisme) de la mairie centrale #Paris, prévoit de transformer 7 écoles privées sous contrat en logements sociaux. » Ce tweet  publié sur le réseau X a été vu à ce jour par 34 300 personnes et retweeté 110 fois.

Dans les commentaires, certains utilisateurs accusent l’homme politique de déformer la réalité. À l’instar de @dumesnil_jl : « Mais enfin c’est totalement faux ! On sait que ne voulez pas de logement social dans le 17ème, mais il s’agit de réserves foncières au PLU pour du logement social seulement en cas de fermeture de l’établissement mais en aucune manière une demande de fermeture. » Ou encore de @annieLahmer : « Jolie fakenews ! Il faudrait réviser, voir apprendre à quoi servent ces pastilles ».

Ces propos ont pourtant été repris par la suite dans l’émission « Touche Pas à Mon Poste » de Cyril Hanouna. Dans une séquence qui date du 19 février 2024, l’animateur, sans mise en contexte préalable, demande à ses chroniqueurs de se positionner sur cette proposition : « Anne Hidalgo veut remplacer les écoles catholiques par des HLM, êtes-vous d’accord ? ».

Dans la foulée, l’émission publie un sondage sur X pour faire voter les utilisateurs du réseau toujours en reprenant la même formule et sans aucune mise en contexte. Un post vu par 64 900 personnes et retweeté 196 fois.

Mais qu’en est-il vraiment, la mairie de Paris veut-elle remplacer les écoles catholiques parisiennes par des HLM ? Depuis le 8 janvier dernier, la Ville de Paris propose à ses habitants dans une enquête publique de s’exprimer sur le projet de révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Paris, appelé PLU « bioclimatique ».

Des « pastilles » pour les logements concernés

Dans le cadre de ce nouveau PLU, la Ville a « pastillé », c’est-à-dire fléché des parcelles, pour la création de logement social. Factoscope a retrouvé la liste des emplacements concernés que l’on peut consulter en annexe du PLU « bioclimatique » disponible sur le site de la mairie de Paris. Dans cette liste des emplacements « réservés en vue de la réalisation de certains types de logements » (comprendre ici logement social (LS) ou bail réel solidaire (BRS)) qui comprend 945 adresses en tout, on retrouve les établissements scolaires catholiques en question.

Cette liste ne cite pas directement le nom des écoles concernées mais l’adresse seulement des emplacements. Difficile donc de vérifier les 945 adresses. Mais en comparant les adresses des établissements catholiques cités dans les médias et celles des emplacements réservés par le PLU, nous avons pu confirmer que cette mesure du nouveau PLU concernait huit écoles catholiques privées (et pas seulement sept).

Capture d’écran effectuée le 18 mars 2024.

Il s’agit du groupe scolaire Saint-Jean-Gabriel (IVe arrondissement), groupe scolaire Sainte-Marie Sion (VIe), école Saint-Eloi (XIIe), le collège Sainte-Clotilde (XIIe), l’ensemble scolaire Saint-Michel de Picpus (XIIe), Saint-Vincent de Paul (XIIIe), le groupe scolaire Notre-Dame de France (XIIIe) et l’ensemble Saint-Michel des Batignolles (XVIIe).

30% de logements sociaux dans Paris d’ici 2035

Par ailleurs, le règlement du PLU de Paris précise : « Dans la zone de déficit en logement social délimitée aux documents graphiques du règlement, tout projet de construction neuve, de restructuration lourde ou de changement de destination, entrant dans le champ d’application du permis de construire ou de la déclaration préalable portant sur la création de surfaces d’habitation doit prévoir d’affecter au logement locatif social* au moins 30 % de la surface de plancher relevant de la destination* Habitation, créée, transformée ou objet du changement de destination. »

Autrement dit, en cas d’agrandissement, les propriétaires de ces emplacements « réservés » devront consacrer au moins de 30% de la surface supplémentaire à des logements sociaux.

Ces emplacements ont été choisis parce qu’ils se situent dans des zones de la capitale où il y a peu de logements sociaux. Effectivement, le PLU dit bioclimatique se fixe l’objectif d’atteindre les 30% de logements sociaux dans la capitale d’ici 2035. Sur X, Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la Maire de Paris en charge de l’urbanisme, répond à Geoffroy Boulard : « Si une de ces écoles doit fermer, elle devra être transformée en logements pour des familles. C’est un outil pour lutter contre la spéculation, pas pour mettre des enfants dehors. »

La réponse de la mairie de Paris

Contacté par Factoscope, le cabinet d’Emmanuel Grégoire affirme que les critères de sélections de ces emplacements ce sont fait de manière « objective », en fonction de « la nature de la propriété, la morphologie du bâti, sa localisation selon les besoins identifiés par le diagnostic et la possibilité de réaliser à minima 500 m2 de logements sociaux ».

La mairie affirme par ailleurs qu’une « trentaine établissements scolaires » sont concernés en tout «  dont à peu près la moitié sont des établissements privés » et précise que l’activité dans des établissements scolaires concernés « peut se poursuivre sans interruption ».

« Ce dispositif vise plutôt à protéger les institutions des pressions immobilières, en garantissant une utilisation préférentielle pour le logement social si une transformation devait se produire. Il est important de noter que cette mesure, s’enclenche uniquement en cas de projet de construction ou de rénovation significative », ajoute par ailleurs le cabinet de l’adjoint. En effet, la mesure concerne uniquement les travaux d’extension et de surélévation faits par les écoles et non les travaux de mise à norme éventuels.

La proposition de la mairie de Paris concernant les logements sociaux est bien réelle. Mais cette mesure ne vise pas les établissements privés catholiques en particulier et ne prévoit pas un « remplacement » mais une « réaffectation » d’une partie seulement de ces locaux en cas d’agrandissement. Pour le moment, ce projet de PLU n’est d’ailleurs pas encore en application, il ne s’agit que d’une proposition qui sera votée au Conseil de Paris en décembre 2024.

En conclusion, les propos du maire Geoffroy Boulard, relayés ensuite par l’émission TPMP, selon lesquels Hidalgo voudrait « transformer » voire « remplacer » les écoles catholiques parisiennes par des HLM, sont faux.

Fanny USKI-BILLIEUX (Factoscope)