Contexte
Le 25 novembre 2024, l’ex-candidat à la présidentielle Nicolas Dupont-Aignan affirme sur X que « 90,5 % des élèves de CM2 font plus de 15 fautes lors d’une dictée de 67 mots », citant une publication du Figaro. Cette déclaration alarmiste a suscité une forte réaction sur les réseaux sociaux : plus de 15 000 vues, 700 likes et 350 partages. Le post d’origine a quant à lui été vu plus de 682 000 fois.
Le Figaro partage, le 23 novembre, un article reprenant les résultats d’une étude de la direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (DEPP) sur le niveau en orthographe des élèves de CM2, évaluées lors d’une dictée standardisée. Sur le réseau social X, le journal avance qu’en 2021, 90,5 % des élèves ont fait plus de 15 fautes sur 67 mots. Ce chiffre est massivement colporté, tant par des internautes que par des personnalités politiques (François Asselineau, Geoffroy Didier). Nicolas Dupont-Aignan, ex-député et président du parti Debout la France, y voit alors un signe de l’« effondrement » de l’école républicaine « et avec elle l’avenir de nos enfants ».
Vérification
Après avoir examiné la note d’information de la DEPP, nous pouvons affirmer que la polémique repose en réalité sur une lecture incorrecte de celle-ci par l’auteur de l’article du Figaro, qui n’est autre que Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d’entreprises de l’Ifop.
Dans une étude pour la Fondation Jean Jaurès, publiée en exclusivité par le quotidien, il traite de ce qu’il appelle la « France hydroponique », à savoir un pays où les influences culturelles diverses redéfinissent, entre autres, les paysages urbains et les modes de vie.
Au cours de son raisonnement, il fait le lien entre le nom que portent certains snacks et kebabs – L’Otentik – et « l’essor, via la pratique des textos et des réseaux sociaux, d’une nouvelle syntaxe basée sur une phonétique des plus rudimentaires ». C’est ce qui l’amène à ressortir les conclusions de la note d’information de la DEPP.
Cette note est tirée d’une enquête dans laquelle la même dictée a été proposée à des élèves de CM2 à quatre reprises (1987, 2007, 2015 et 2021) afin d’évaluer leur degré de maîtrise de l’orthographe.
En 2021, l’enquête indique que 63 % des élèves faisaient 15 fautes ou plus et que 27,5 % en faisaient 25 ou plus. Cependant, ces catégories sont inclusives. Une part des 27,5 % qui faisaient 25 fautes ou plus est déjà comprise dans les 63 % ayant fait 15 fautes ou plus. En additionnant à tort ces pourcentages, le chiffre de 90,5 % avancé par Le Figaro et repris par Nicolas Dupont-Aignan est donc complètement faux.
De même, pour 1987, la note d’information précise que 26,2 % des élèves faisaient 15 fautes ou plus, et 6,9 % 25 fautes ou plus. Mais ces données ne peuvent s’additionner pour obtenir 33,1 %.
Contacté afin d’expliquer son interprétation et réagir à la correction des chiffres, Nicolas Dupont-Aignan n’a pas répondu. Quant au Figaro, aucun erratum n’a été publié sur son site. Le lien présent sur la publication X dénonçant « le très faible niveau de maîtrise de l’orthographe [qui] est devenu quasiment généralisé » renvoie toujours à l’article de Jérôme Fourquet. Contacté, ce dernier n’a pas non plus répondu à nos sollicitations.
Conclusion
Contrairement à ce que Nicolas Dupont-Aignan et Le Figaro, ce ne sont pas 90 % des élèves de CM2 qui font plus de 15 fautes à une dictée de 67 mots mais près des deux tiers (63 %). Le rapport de la direction statistique du ministère de l’Éducation nationale montre ainsi que si les compétences orthographiques et grammaticales des élèves ont baissé depuis 1987, le déclin est bien plus modéré que ce qui est affirmé.