Dans un article sur le paludisme publié le 20 avril 2023, le média en ligne Burkina24 a rapporté que le Burkina Faso « occupe la troisième position parmi les pays les plus touchés par cette pathologie en Afrique après le Nigeria et la RDC ». Contacté par Fasocheck, le reporter de Burkina24 a attribué la déclaration au Dr Christian Bernard Kompaoré, le secrétaire permanent pour l’élimination du paludisme, qui l’a tenue lors d’un plaidoyer face à des journalistes à l’orée de la Journée internationale de lutte contre le paludisme.
Le Dr Kompaoré a reconnu être l’auteur de cette déclaration et a indiqué s’être basé sur des données de 2020. Il a cependant précisé son propos, en expliquant que ce classement ne concernait pas le nombre de cas de paludisme en Afrique, mais le nombre de morts associés à la maladie sur le continent.
Le Burkina Faso était-il vraiment en 2020 le troisième pays le plus touché en termes de morts causés par le paludisme ?
Les preuves de l’auteur
Le Dr Kompaoré fonde sa déclaration sur des données contenues dans un document Powerpoint qu’il a transmis à Fasocheck. Intitulé « D’une charge élevée à un fort impact ». Cette présentation a été faite le 5 mars 2020 à Bamako, au Mali, lors d’une réunion des acteurs de ce pays engagés contre le paludisme.
Le document porte le logo de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que d’autres ONG de lutte contre le paludisme. Il contient effectivement les données avancées par le Dr Kompaoré, sans toutefois en indiquer les sources.
De bons chiffres mais plus d’actualité
Fasocheck a consulté les rapports mondiaux de l’OMS sur le paludisme de 2017 à 2022 [2018–2019–2020–2021]. Ces rapports compilent des données sur le nombre de cas et de décès liés au paludisme dans les différents pays du monde à partir des estimations obtenues après des enquêtes nationales auprès des ménages. Pour les pays ne disposant pas de statistiques actualisées, des extrapolations ont été faites à partir d’anciennes données.
Le rapport mondial de 2018 qui se rapporte en réalité à l’année 2017 indique qu’en Afrique, le Burkina Faso était le troisième pays qui a enregistré le plus de décès dus au paludisme. À cette date, le pays représentait à lui seul 6 % de l’ensemble des décès liés au paludisme dans le monde. Le pays était devancé à l’époque par la République démocratique du Congo (11 %) et le Nigeria (19 %). Ces données correspondent à celles avancées par le Dr Bertrand Kompaoré. Mais sont-elles toujours valables en 2023 ?
Le dernier rapport mondial sur le paludisme date de 2022. Fasocheck a observé l’évolution du rang occupé par le Burkina Faso à partir des rapports de 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022. En 2017 et 2018, le Burkina Faso a gardé son rang de troisième pays africain où le paludisme a fait le plus de morts avant d’occuper la huitième place en 2019.
A partir de l’année 2020, Fasocheck a noté une régression du nombre de morts liés au paludisme au Burkina Faso. Le pays occupait le sixième rang (3,4 %) en 2022, après le Mozambique (3,8%), le Niger (3,9 %), la Tanzanie (4,1 %), la RD Congo (12,6 %) et le Nigéria (31,3 %).
Selon l’OMS, même si le nombre de cas de paludisme et de décès liés à la maladie a régressé ces vingt dernières années en Afrique, le continent est la région du monde où la maladie sévit le plus. Avec 234 millions de cas de malaria estimés et 619 000 décès en 2021 dans le monde, le continent africain concentre à lui seul 95 % des cas et 96 % des décès.
Le paludisme au Burkina
Avec 12 millions de consultations et 4 355 décès en 2022, le paludisme, indique l’annuaire statistique du ministère de la Santé, était la première cause de consultation, d’hospitalisation et de mortalité au Burkina Faso.
Pour éradiquer le paludisme d’ici 2025, l’État burkinabè a lancé une campagne nationale de distribution de 16 millions de moustiquaires imprégnées en septembre 2022. Le bilan de cette opération n’est pas encore disponible a confié, à Fasocheck, le Secrétariat permanent de lutte contre le paludisme. L’État parie également sur la chimio-prévention pour les enfants de 5 à 59 mois, une stratégie couplée à la lutte anti-larvaire, la pulvérisation à domicile et la vaccination.
La Burkina Faso a aussi participé aux essais cliniques des deux vaccins anti-palu RTS,S et R21/Matrix M en cours de production. L’État devrait recevoir un million de doses du vaccin RTS,S à partir de 2024.
Ange L. Jordan MÉDA
Article original à lire sur Fasocheck : https://6z5z2atuip.preview.infomaniak.website/fr/node/398