Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux alimente la polémique à propos de la consommation du viagra.
D’une durée de 26 secondes, la vidéo consultée par Badona montre, couché sur le dos et étendu sur un lit d’une place, le corps d’un jeune homme, torse nu, la main droite enfoncée dans son pantalon en pagne. Près de sa tête avec ses yeux stagnants, sont posés un sachet noir et une petite boîte noire en carton.
« BENIN : Un Jeune homme meurt suite à la consommation de viagra. Sa copine n’étant pas venue à l’heure convenue, il perd connaissance dans l’attente. Puis transporté à l’hôpital ou on a constaté son décès. » C’est le texte qui accompagne la vidéo publiée sur les réseaux sociaux depuis le samedi 12 octobre 2024.
En fond sonore, on entend des individus échanger en fongbé, une langue du sud-Bénin très répandue dans le pays. « C’est pour donner de l’endurance pendant les ébats sexuels », explique l’un des interlocuteurs à son vis-à-vis au sujet des contenus du sachet et du carton sur lesquels on lit respectivement, les inscriptions Vyper 200 et Viga.
Essentiellement relayée à partir de comptes X et pages Facebook en quête du buzz, la vidéo a été abondamment commentée et partagée par des abonnés. Sur le compte X @ebalemozindo où la publication est apparue à 9h14, la vidéo a, en 48 heures, enregistré plus 363 000 vues, 439 retweets et 149 commentaires. L’auteur basé en République démocratique du Congo (RDC) se présente à la fois comme « Journaliste, Cyber Activiste, Expert en communication digitale & lanceur d’alerte en E-communication ». Sur sa page Facebook au même nom, la vidéo n’a pas eu le même succès. Mieux que lui, la page Docteur Patrick House a enregistré plus de 801 000 lectures et 311 commentaires en 48 heures avec la même vidéo. Certaines publications comme ici et ici se sont contentées de captures d’écran de la vidéo et du même texte. Des publications (ici par exemple) ont également indiqué que les faits se seraient produits en RDC.
Capture d’écran d’une publication Facebook
Les réactions autour de la vidéo divergent entre condamnation de la consommation de viagra et interrogations autour de la véritable cause du décès du jeune homme qui aurait trépassé. « Qu’est-ce qui vous pousse à prendre des aphrodisiaques? Qu’est-ce que les femmes vous ont dit? C’est dommage. Qu’il repose en toute sérénité », a réagi Cynthia Katanga sous le post X de @ebalemozindo. « Qu’est-ce qui prouve qu’il a consommé tout cela ? Il pourrait être victime d’un assassinat, et ces éléments pourraient avoir été placés à côté pour étouffer l’affaire », a fait observer Toussain Bih, un autre internaute sous le post Facebook très commenté de Docteur Patrick House.
Il est à noter qu’aucune des publications virales sur les réseaux sociaux ne donne de précisions sur la date et l’endroit où le drame a eu lieu. Nos questions aux auteurs des publications virales à ce sujet sont restées sans réponses. Badona s’est donc intéressé à la vidéo qui lui a été transmise pour vérification par un confrère de Congo Check, un média de lutte contre la désinformation.
Capture d’écran datant de 2020
Une vidéo de 2020 ressuscitée pour le buzz
Après avoir visionné la vidéo dans laquelle il apparaît clairement que des individus s’expriment en fongbé, langue locale béninoise, nous avons effectué une recherche d’image inversée. Des résultats obtenus montrent que le drame avait fait l’objet d’articles dans des médias béninois en 2020. « Pour s’être dopé afin d’assouvir un besoin sexuel, un homme trouve la mort. Les faits se sont produits le mardi 21 avril dernier à Cotonou », indique un article de Daabaru, un média béninois qui cite l’Investigateur, un autre média du pays dont on n’a pas retrouvé le lien dans les résultats de recherche. Contacté, Appolinaire Golou, le patron de l’Investigateur a fourni un lien d’archive de l’article de son média qui, dit-il, a repris l’info de Bénin Veb TV. L’article de cet autre média n’est plus disponible en ligne mais, une trace de sa publication en date du 21 avril 2020 a été retrouvée sur Facebook dans une citation de la page Wa sé xo. D’après la publication de Bénin Web TV, les faits se seraient produits à Cotonou. Cette indication de lieu n’est pas pour autant convaincante en raison de l’accent des locuteurs fongbé entendus dans la vidéo qui fait penser à une autre localité.
La Tempête, un autre média béninois réputé dans les faits divers, a écrit sur le sujet. « La scène regrettable s’est déroulée le dimanche 19 avril 2020, plutôt dans un quartier de la commune de Bohicon et non à Cotonou », rectifie l’article dont la dernière mise à jour visible remonte au 08 juin 2020. Contacté par Badona, Loth Houssou, le directeur de la publication de La Tempête indique que le drame est survenu « le 19 avril 2020 dans un quartier de Bohicon”, une ville dans le département du Zou au sud-Bénin où les locuteurs fonphones ont l’accent entendu dans la séquence vidéo. « J’ai remarqué aussi cette vieille vidéo qui a commencé par circuler alors que c’est en 2020 que cela s’est produit. C’était à Bohicon. Celui que j’avais contacté n’avait pas pu me dire le quartier. Mais, c’était à Bohicon le 19 avril 2020. J’en avais fait un article. Je suis même surpris de revoir la même vidéo circuler », précise Loth Houssou à propos de la vidéo.
D’autres publications datant de 2020 retrouvées sur Facebook (ici, ici, ici ) témoignent que la vidéo est bien ancienne.
Le viagra, un médicament à polémique
Ce n’est pas la première fois qu’un fait divers dramatique en lien avec la consommation de viagra est rapporté au Bénin. En septembre 2022, le décès d’un homme de 40 ans des suites d’une prise de viagra a été rapporté dans la presse. Encore appelé citrate de sildénafil, le viagra est est un traitement oral contre les troubles d’érection. Ce médicament est également employé dans le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire.
Mis en commercialisation en France en octobre 1998, rapporte l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans une publication, le Viagra® a été associé à « des événements cardio-vasculaires parfois graves, notamment infarctus du myocarde, mort subite d’origine cardiaque, arythmie ventriculaire, accident vasculaire cérébral pouvant survenir chez des patients qui présentent pour la plupart des facteurs de risque cardiovasculaire. » Et depuis l’année 2000, “l’information médicale destinée aux professionnels de santé et aux patients a été modifiée et renforcée, notamment sur le risque cardio-vasculaire.”
Au Canada, rapporte Le Journal du Québec citant le Bureau du coroner, « environ un Québécois meurt chaque année après avoir consommé du Viagra ou du Cialis ».
Verdict
Depuis le 12 octobre les auteurs d’une publication s’appuyant sur une vidéo de 26 secondes informent qu’au Bénin, un jeune homme est décédé des suites de la consommation de viagra en attente d’une femme pour satisfaire son désir sexuel . D’après les vérifications de Badona auprès de plusieurs sources, la vidéo virale est ancienne. Les faits datent d’avril 2020. A l’analyse des profils des auteurs des publications virales, la rediffusion de ces images ne peut s’expliquer que par la quête du buzz.
Lire l’article original sur Badona : https://www.badona.info/detox/article/20241016-jeune-homme-decede-suite-a-la-consommation-de-viagra-au-benin-attention-une-vieille-video-ressuscitee-pour-le-buzz