Il est imprécis de dire que 20% des agressions sexuelles commises sur des majeurs en France sont commises par des étrangers

France
Société

1 Juin 2024

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Dans un tweet publié le 8 avril 2024, la militante d’extrême droite Alice Cordier a déclaré que 20% des violences sexuelles sur majeurs sont le fait d’étrangers. Une affirmation correcte mais qui ne prend pas en compte l’ensemble des victimes en France.

Dans un tweet publié le 8 avril 2024, Alice Cordier, directrice du collectif  “de protection des femmes”  Nemesis, affirme que 20% des violences sexuelles sur majeurs sont le fait d’étrangers. Ce post publié sur son compte personnel qui compte plus de 56 000 abonnés, a été vu plus de 900 000 fois et reposté 792 fois.

Dans ce tweet, la militante d’extrême droite décrit son interview avec un journaliste de France 3 : « Le journaliste me questionne sur le lien entre délinquance et immigration. Je lui explique notamment que 20% des violences sexuelles sur majeurs sont le fait d’étrangers. Il me dit que c’est faux, car les viols sont majoritairement le fait … des proches. J’ai dû lui expliquer que les proches … peuvent également être de nationalité étrangère ! »

Ces chiffres avancés par Alice Cordier peuvent paraître surprenants quand on sait qu’en France la majorité des victimes de violences sexuelles connaissent leur agresseur. Selon une enquête Virage portant sur les violences subies par les femmes et par les hommes, et réalisée par l’Ined (Institut national des études démographiques) datant de 2017, 91% des agressions sexuelles et viols en France sont commis par des proches de la victime.

La militante Alice Cordier est connue pour ses prises de position anti-immigration – elle a déjà été mise en cause pour provocation à la haine raciale après avoir déployé des banderoles jugées racistes dénonçant des « lectures salafistes dans les lycées » à Lille en septembre 2023. 

Contactée par Factoscope, Alice Cordier nous a redirigé vers les chiffres de l’INSEE sur lesquels elle s’est basée. Les chiffres utilisés sont effectivement extraits de l’édition 2021 de l’étude “Sécurité et Société” qui indique : « La part des personnes étrangères parmi les victimes de violences sexuelles est à peu près identique à leur part dans l’ensemble de la population (6% contre 7%). En revanche, les personnes étrangères sont surreprésentées parmi les mis en cause, surtout lorsque la victime est majeure (20% des mis en cause pour violences sexuelles sur majeur, 10% sur mineur) ».

Des chiffres incomplets

Cependant, ce chiffre cité par la directrice de Nemesis selon lequel 20% des agressions sexuelles commises sur des majeurs en France sont commises par des étrangers est tiré du chapitre  « Viols et agressions sexuelles hors cadre familial » et ne prend donc pas en compte les violences intrafamiliales. Chose que Alice Cordier ne précise pas dans son post d’origine. Or, toujours selon cette même étude de l’Insee, en France, un quart des violences sexuelles rapportées à la police sont commises dans le cadre familial. 

Par ailleurs, ce chiffre avancé par Alice Cordier ne concerne que les victimes majeures. Or, encore une fois, quand ces violences sont commises hors cadre familial, la moitié des victimes sont mineures (voir le graphique ci-contre).

Pour résumer, ne prendre en compte que les victimes majeures hors cadre familial, c’est ne prendre en compte qu’une minorité des victimes de violences sexuelles en France, soit environ 37% (calcul effectué correspondant à 50% (les victimes majeures) de 75% (les victimes hors cadre familial) soit 37,5% des victimes au total) si on se base sur les informations de l’étude “Sécurité et Société” (2021) de l’Insee.

Qu’on qu’il en soit, il est difficile d’avoir des chiffres réellement représentatifs sur les violences sexuelles en France puisque selon l’Insee lui-même, 81 % des victimes de violences sexuelles ne se déplacent pas à la police ou à la gendarmerie pour signaler les faits. Les chiffres que l’on trouve agglomérés dans cette étude concernent donc seulement les 56 000 plaintes qui ont été enregistrées par la justice en 2019, soit 19% des cas de violences sexuelles en France.

En conclusion, ce qu’affirme Alice Cordier dans son tweet du 8 avril est vrai. Mais les chiffres qu’elle donne doivent être davantage contextualisés. 

Fanny USKI-BILLIEUX (Factoscope)