Faux, des Burkinabè n’ont pas été chassés du Ghana

Burkina Faso
Sécurité et défense | Société

3 Oct 2024

5 minutes de lecture
Des publications sur les réseaux sociaux prétendent que le Ghana vient de chasser 450 Burkinabè de son territoire. Après vérifications, c'est faux, ces allégations sont fabriquées de toutes pièces.

Sur les réseaux sociaux, des publications affirment faussement que le Ghana a expulsé plusieurs centaines de Burkinabè de son territoire, et ce, en représailles aux autorités burkinabè qui l’accusent de connivence dans une tentative de déstabilisation.

Plusieurs publications largement partagées principalement sur les réseaux sociaux Facebook et TikTok avancent que des centaines de Burkinabè sont chassés du territoire ghanéen. Dans un groupe Facebook de 86 000 membres dénommé AFRIQUE LIBRE,  un post du 26 septembre 2024 par Yann Kigbafori, affirme que « Le Ghana vient de chasser 450 Burkinabè de son territoire ». Son post a récolté près de 124 likes, 82 commentaires et 56 partages à la date du 03 octobre 2024. La même information a été diffusée sur TikTok par le compte Chriseoh4fl suivi par plus de 19 000 personnes. Le post qui a cumulé plus de 155 000 vues à la date du 03 octobre 2024, affirme qu’au Ghana, « les autorités demandent au gouvernement putschiste de convoquer l’ambassadeur du pays au Burkina Faso pour lui montrer les preuves de ses accusations fantaisistes… Pour l’instant, il est demandé à 300 Burkinabè vivant à Accra de rentrer chez eux avec effet immédiat. »

Capture d’écran de la publication

 

Des Burkinabè ont-ils réellement été chassés du Ghana ? Fasocheck a vérifié.

Une information sortie de nulle part

Après plusieurs recherches effectuées en ligne, Fasocheck n’a trouvé aucune déclaration officielle des autorités burkinabè, de l’Ambassade du Burkina au Ghana, ou encore des autorités ghanéennes, évoquant l’expulsion de Burkinabè.

Contacté par Fasocheck, le service de communication du ministère des Affaires étrangères, de la coopération régionale et des Burkinabè de l’Extérieur a également démenti cette information, affirmant ne pas être au courant de ces cas d’expulsions de Burkinabè.

Fasocheck a aussi contacté par message électronique l’ambassade du Burkina au Ghana qui n’a pas répondu à sa requête.

Un précédent qui date de juillet 2023

Le ministère burkinabè de l’Action sociale avait  informé sur sa page Facebook le 12 juillet 2023, que 250 Burkinabè dont 130 enfants, 85 femmes et 35 hommes, avaient été « refoulés » du territoire ghanéen entre le 11 et le 13 juillet 2023, et renvoyés à Dakola, zone frontalière située dans la région du Centre-Sud du Burkina Faso. Le gouvernement burkinabè avait alors fustigé les conditions de refoulement de ses citoyens par son voisin.

Dans la foulée, le ministère ghanéen de la Sécurité s’est défendu en affirmant dans un communiqué que le pays avait, à l’époque, enregistré plus de 3 200 demandes d’asile de la part de citoyens burkinabés, et avait mis en place un dispositif d’accueil et de relocalisation. C’est ainsi que « plus de 500 demandeurs d’asile burkinabé ont été relocalisés », a conclu le ministère.

Le Ghana cité dans une tentative présumée de déstabilisation ?

Dans une déclaration lue à la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB) le 23 septembre 2024, le ministre de la Sécurité, Mahamadou Sana, a annoncé avoir déjoué une tentative de déstabilisation menée par des « civils », des « militaires » et « anciens militaires » vivant à l’intérieur du pays, mais aussi dans d’autres pays voisins dont la Côte d’Ivoire, le Niger, et le Togo.

La déclaration ne mentionne aucune implication des autorités ghanéennes. Il s’agit plutôt de deux villes ghanéennes, notamment la capitale Accra  et Tamalé, ville située dans la région du Nord, où se sont tenues « la plupart des réunions de planifications », selon le ministre de la Sécurité.

Visite récente du ministre ghanéen de la Sécurité au Burkina

Le ministre de la Sécurité nationale du Ghana, Albert Kan-Dapaah a effectué une visite au Burkina Faso, le 10 septembre 2024, au cours de laquelle il a rencontré le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Jean-Marie Karamoko Traoré, ainsi que ses collègues de la Sécurité, de l’Administration territoriale et des Finances.

Au cours des échanges, le ministre ghanéen a annoncé que son pays était prêt à soutenir le Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme, au regard des « relations excellentes et séculaires » qui lient les deux pays.

Tensions diplomatiques entre le Burkina et le Ghana

La dernière brouille diplomatique entre les autorités burkinabè et ghanéenne date de mi-décembre 2022 où, lors d’un entretien aux États-Unis avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a soutenu que les forces russes du groupe Wagner étaient présentes sur le sol burkinabè, dans la zone frontalière avec son pays. Suite à ces propos, le gouvernement burkinabè avait rappelé son ambassadeur à Accra et convoqué son homologue ghanéen à Ouagadougou. Les deux pays ont poursuivi leur coopération et le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, a effectué une visite au Burkina Faso en mai 2023, lors de laquelle il a échangé avec son homologue burkinabè, le Capitaine Ibrahim Traoré.

En plus de son ambassade à Accra, le Burkina Faso dispose d’un Consulat général à Kumasi, deuxième ville et capitale de la région d’Ashanti, dans le sud du Ghana.

Conclusion

L’information selon laquelle « le Ghana vient de chasser 450 Burkinabè de son territoire » est fausse. Aucune source officielle dans les deux pays n’a évoqué ces expulsions.

Tiomité DA

Lire l’article original sur Fasocheckhttps://fasocheck.org/fact-checking/faux-des-burkinabe-nont-pas-ete-chasses-du-ghana/