Une pelleteuse détruisant des voitures à l’extérieur d’un hangar métallique. Des hommes en tenue fluorescente se tenant à côté, en spectateurs. C’est ce que montre une vidéo partagée sur les réseaux sociaux. La scène est censée se dérouler sur le site de la mine de zinc de Perkoa, au Burkina Faso. Les individus seraient des cadres français de la mine, qui, en fin de séjour, ont entrepris de détruire leurs véhicules en réponse à la décision du gouvernement burkinabè de nationaliser ses ressources minières.
K. Diallo est l’une des personnes qui a relayé la vidéo sur Twitter, accompagnée de la légende suivante : « Alors que le Burkina Faso nationalise ses ressources minières, les responsables français de la mine Perkoa détruisent les véhicules avant de partir. » Il compare la scène à l’histoire post-coloniale de la Guinée de Sékou Touré, au moment où la France a quitté cette ancienne colonie, en 1958, après que la Guinée a dit non à la communauté française d’Afrique, lors d’un référendum. La vidéo apparaît alors qu’une partie de l’opinion publique burkinabè s’oppose à la présence française au Burkina Faso et que des violences contre les représentations diplomatiques françaises ont été constatées.
Ces véhicules détruits appartenaient-ils à des miniers français ? Le Burkina Faso a-t-il engagé un processus de nationalisation de ses ressources minières ? Fasocheck a vérifié.
D’où vient la vidéo ?
Aucun des outils de vérification de vidéos en ligne n’a permis de situer la date et le lieu d’enregistrement de cette vidéo. Fasocheck a contacté des ex-employés de la mine de zinc de Perkoa. Ils ont affirmé que la scène a bel et bien été filmée sur le site de Perkoa, le samedi 12 novembre 2022. Selon ces ex-travailleurs de la mine, les véhicules détruits, déjà amortis, appartenaient à Byrncut, un sous-traitant australien de la mine de Perkoa, spécialisé dans l’exploration sous-terraine des mines.
Le gouvernement burkinabè a lui aussi confirmé dans son compte rendu du conseil des ministres du 16 novembre 2022, que ces véhicules – six au total au lieu de deux, tel qu’on peut le voir dans la vidéo – appartenaient à Byrncut. Cette destruction, a expliqué le gouvernement, relève de « la politique de la société en matière de gestion des véhicules hors d’usage selon les responsables de la mine ». Trois de ces véhicules amortis, ont confié les ex-travailleurs de la mine, étaient submergés dans les galeries inondées d’eau à la suite des fortes pluies survenues sur le site minier le 16 avril 2022.
La mine de Perkoa, située à 135 km à l’Ouest de Ouagadougou, fait l’objet d’une procédure judiciaire de liquidation depuis le 6 octobre 2022, après que les principaux exploitants ont été condamnés, le 14 septembre 2022, par la justice, pour homicide involontaire. Cinq mois auparavant, en avril 2022, huit mineurs avaient trouvé la mort lors d’une inondation. L’arrêt des activités de la mine à la suite de cet accident a précipité la faillite de la société Trevali Mining Corp au Burkina Faso. Or, jusqu’à ce qu’elle suspende ses activités en septembre 2022, la mine de Perkoa n’employait pas de cadres français, ont confié les anciens travailleurs de la mine à Fasocheck.
La mine de Zinc de Perkoa était exploitée par Nantou Mining, une entreprise de droit burkinabè, filiale de la société canadienne Trevali Mining, elle-même détenue à 20 % par la multinationale suisse Glencore. Avec une quantité totale potentielle de zinc estimée à 908 400 tonnes en 2005, puis à 665 700 tonnes en 2017, Perkoa était jusqu’alors, l’unique mine de Zinc en exploitation au Burkina Faso. Elle a été inaugurée en 2013 et aurait dû poursuivre son activité jusqu’en 2025.
Le Burkina Faso est-il en train de nationaliser ses ressources ?
Selon le code minier burkinabè, « les gîtes naturels de substances minérales contenus dans le sol et le sous-sol du Burkina Faso sont, de plein droit, propriété de l’État ». Mais, « le gouvernement n’a pas communiqué sur une éventuelle nationalisation des sociétés minières », précise Mahamady Ouedraogo, économiste et spécialiste des politiques publiques dans l’industrie minière.
Les principales ressources minières et minéralières en exploitation au Burkina Faso sont l’or, le zinc, l’argent, le granite, le calcaire, le basalte, le phosphate et le tuf. Seulement l’or, le zinc et l’argent sont exportés par l’industrie.
La contribution du secteur extractif à l’économie burkinabè était estimée à 16,12 % du PIB en 2020, selon le rapport de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). L’industrie extractive constitue 83,9 % des exportations et 14,3 % des recettes budgétaires de l’État, soit 237,31 milliards de francs CFA (361 millions d’euros).
Avec 62,74 tonnes produites en 2020 et 1 883,76 milliards de francs CFA (2,8 milliards d’euros) de recettes à l’exportation, l’industrie aurifère est celle qui contribue le plus aux recettes de l’exportation. Le zinc lui est à 60,75 milliards de francs CFA (92 millions d’euros) pour 152 540 tonnes produites, tandis que les 10 012 kilos d’argent représentent 11,30 milliards de francs CFA (17 millions d’euros).
Qui exploite quoi au Burkina Faso ?
En 2020 au Burkina Faso, l’essentiel des compagnies minières détentrices de permis – neuf sur un total de 13 – exploitaient des gisements aurifères, indique la Chambre des mines. Seule la mine de Perkoa exploitait un gisement de zinc.
Les mines de Tambao et de Kiéré, quant à elles, produisaient du manganèse. Elles font partie des six compagnies à l’arrêt pour cause de litige, d’insécurité ou de faillite.
Sur les douze sites encore en activité, sept sont détenues par les multinationales canadiennes Endeavour Mining, IAMgold et Roxgold. Deux sites appartiennent au groupe turc Avesoro et deux autres au Russe Nordgold. West African Ressources, qui exploite la mine d’or de Boudry, est de droit australien.
Au Burkina Faso, aucune entreprise française n’exploite de mine
Au Burkina Faso, il n’y a pas d’entreprise de droit français possédant des permis d’exploitation minière, déclare, à Fasocheck, Lamoussa Barthélémy Ouédraogo, chef de département de mise en œuvre de la norme de l’Initiative relative à la transparence des industries extractives (ITIE). La norme mondiale ITIE, lancée en 2003, vise à promouvoir une gestion transparente des ressources pétrolières, gazières et minières des pays.
Toutefois, un promoteur d’entreprise peut acquérir des actifs dans un pays sans en être originaire. Par exemple, « le fait qu’une entreprise soit de droit australien ne signifie pas qu’elle appartient pour autant à un Australien », nuance-t-il.
Adnan Salif H. SIDIBÉ
Lire l’article original sur Fasocheck : https://6z5z2atuip.preview.infomaniak.website/fr/node/378