Burkina : non, le ministère des Finances n’a pas lancé des sessions d’investissement à gains rapides

Burkina Faso
Société

11 Déc 2024

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Sur Facebook, des prétendus avis au public, annoncent faussement que le ministère de l’Economie et des Finances du Burkina Faso a ouvert des sessions d’investissement à gains rapides en ligne. Ces supposés avis, datant du 23 octobre 2024 continuent de se propager sur les réseaux sociaux, malgré le démenti du ministère.
Contexte

Sur Facebook, des prétendus avis au public, annoncent que le ministère de l’Economie et des Finances du Burkina Faso a ouvert des sessions d’investissement à gains rapides en ligne.

Deux documents distincts imitent frauduleusement la signature et le cachet du ministre de l’Economie, des Finances et de la Prospective du Burkina Faso, Aboubacar Nacanabo.

Dans le premier document, les auteurs invitent le public burkinabè à participer à des sessions d’investissement en ligne, qui seraient lancées par le ministère de l’Économie en partenariat avec des entreprises spécialisées dans les crypto-monnaies. Pour mieux appâter leurs victimes, ils assurent que l’investissement rentable et sécurisé permet de générer des gains dans un délai record de 2 heures 30 minutes après le début de chaque session.

Le deuxième document présente une grille détaillée d’investissement et de rendement. A travers cette grille, les auteurs donnent la possibilité au public de choisir des niveaux d’investissement allant de 15 000 à 100 000 francs CFA, proportionnels à des rendements allant de 125 000 à 460 000 francs en 2 heures 30 minutes. Pour s’enregistrer, ils demandent à leurs victimes de renseigner des informations personnelles comme une copie de la carte nationale d’identité et un numéro de téléphone, via WhatsApp.

Capture d’écran de la publication Facebook

Vérification

Face à la viralité des publications sur ces prétendus investissements rentables en ligne, le ministère de l’Économie, des finances et de la prospective du Burkina Faso a publié, le 1er novembre 2024, sur sa page Facebook, une note dans laquelle il a indiqué n’être aucunement associé à cette initiative qu’il qualifie d’arnaque.

Cependant, ce démenti du ministère n’a pas suffi à dissuader les auteurs de ces cyberarnaques. Les mêmes documents continuent d’être publiés et partagés à travers de nouvelles pages créées et sponsorisées dans le but de toucher un large public. Une première page intitulée Annonce du ministère des finances, de l’économie des finances du Burkina Faso a été créée le 6 novembre 2024 puis une deuxième appelée Actualités Finances du Burkina Faso, le 12 novembre 2024.

Les cyberescrocs développent de multiples techniques d’appât dans le seul but d’attirer leurs victimes dans leurs filets. Grâce à l’usurpation de l’identité de l’autorité, de promesses grossières de gains en un temps record, ils jouent sur la crédulité des victimes pour atteindre leur but malveillant. En exemple, la première page nommée “Annonce du ministère des finances, de l’économie des finances du Burkina Faso”, pour fondre le faux dans le vrai et gagner en crédibilité, diffuse des informations et des images du ministère burkinabè de l’Economie et des Finances.

Une reproduction presque réaliste de l’entête des documents ainsi que de la signature et du cachet dudit ministère sont utilisés pour dissimuler facilement le faux dans le vrai, rendant leur escroquerie difficilement détectable.

Données sensibles, une marchandise bien juteuse

Les campagnes d’escroquerie organisées en ligne constituent des marchés juteux pour les cybercriminels. Ces fausses annonces d’investissement en ligne peuvent non seulement causer un préjudice financier considérable aux victimes à court terme, mais aussi un vol des données sensibles utilisables à long terme.

De l’usurpation d’identité pour des activités illégales en ligne en passant par la vente des coordonnées sur le marché noir, les risques sont énormes pour les internautes. Dans ce cas précis, les victimes sont invitées à envoyer leur carte nationale d’identité et leur numéro de téléphone. Ces données peuvent être utilisées par les faussaires pour commettre d’autres forfaits imputables faussement aux victimes.

Le fléau grandit… mais que dit la loi ?

En 2023, le ministère burkinabè de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) a estimé à 4279 le nombre de cas de cybercriminalité enregistrés dans l’ensemble des quatre trimestres { 1 ; 3 ; 4 }.  Parmi ces cas, moins de la moitié, soit 2021 cas ont pu être traités. En 2023, la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité, une institution chargée de la répression des infractions en matière informatique et celles facilitées par les Technologies de l’Information et de la communication, a enregistré au total 3678 plaintes. Ces plaintes sont majoritairement liées aux escroqueries via les TIC, aux chantages à la webcam et aux piratages de comptes.

Une observation des données issues des 4 bulletins statistiques trimestriels d’information sur la sécurité au Burkina Faso { 1 ; 3 ; 4 } a montré que le nombre de cas de cybercriminalité en 2023 a considérablement augmenté chaque trois mois.

Sources – Infographie Fasocheck : Données issues des bulletins statistiques trimestriels d’information sur la sécurité du MATDS 2023

Au Burkina Faso, il n’existe jusque-là pas de réglementations internes dans le Code pénal qui encadrent spécifiquement les cas de cybercriminalité, selon le service de communication de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BLCC) contacté par Fasocheck. Cependant, les infractions liées à la cybercriminalité recensées par la BLCC sont placées sous le coup de l’escroquerie et des infractions en matière informatique et au moyen  des technologies de l’information et de la  communication définies dans les livres VI et VII du code pénal.

Selon les dispositions de l’article 614-1 du Code pénal, « est coupable d’escroquerie quiconque, soit en faisant usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit en abusant d’une qualité vraie, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour tromper une personne physique ou morale et la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’autrui, à remettre des fonds, des valeurs, des données informatiques ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. » L’escroquerie est punie d’une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de un million à cinq millions de francs CFA. Elle peut atteindre sept à dix ans et l’amende de cinq à trente millions de francs CFA lorsque l’escroquerie est commise en bande organisée, comme mentionné dans l’article 613-2.

Conclusion

Les documents annonçant l’ouverture de session d’investissement à gains rapides en ligne ne sont pas du ministère burkinabè de l’Economie, des Finances et de la Prospective. Malgré le démenti, les auteurs continuent leur escroquerie en développant de nouveaux pièges pour séduire les internautes.

 

Tiomité DA

Lire l’article original sur Fasocheckhttps://fasocheck.org/fact-checking/burkina-non-le-ministere-des-finances-na-pas-lance-des-sessions-dinvestissement-a-gains-rapides/