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[Résumé] Quels sont les acteurs de l’IA en Europe

Bruxelles 2024

21 Nov 2024

Avec l'Ia Act, l'Europe s'engage à réguler l'intelligence artificielle. L'objectif: faire face à la domination américaine et chinoise.
Nathalie Vandystadt et Philippe Laboux

Avec Olivier Tesquet @oliviertesquet, journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies chez Télérama @Telerama et Nathalie Vandystadt, coordinatrice de la communication et des relations extérieures du Bureau européen de l’intelligence artificielle.

Modéré par Philippe Laloux @philaloux, journaliste économique pour le quotidien Le Soir @lesoir

Les enjeux

Alors que l’intelligence artificielle s’impose comme un moteur de transformation globale, la domination des géants technologiques américains et chinois suscite des préoccupations croissantes en Europe. Entre avancées technologiques spectaculaires et impacts sociétaux inquiétants, l’IA met en lumière les limites de l’écosystème européen, encore loin de rivaliser avec les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).

L’AI Act, le premier cadre législatif mondial pour réguler l’intelligence artificielle, représente une réponse ambitieuse de l’Union européenne. Ce texte, négocié pendant trois ans, illustre l’approche européenne axée sur la protection des droits fondamentaux. Mais cette puissance normative suffit-elle face à la domination technologique et économique des géants américains ?

Les experts ont également soulevé la question des valeurs américaines portées par ces géants, notamment leur approche de l’éthique, qui diffère largement de celle de l’Europe. Comment faire coexister ces visions dans un cadre global tout en préservant les droits fondamentaux européens ?

Enfin, les implications de l’IA pour le secteur des médias ont été abordées. Menacé par l’automatisation et une dépendance accrue aux outils des grandes entreprises, le journalisme européen doit relever le défi de préserver son indépendance dans un paysage dominé par des algorithmes standardisés et une économie à perte, contrôlée par quelques acteurs privés.

Ce qu’ils ont dit

Nathalie Vandystadt, responsable du Bureau européen de l’intelligence artificielle :
« L’AI Act est une avancée majeure pour garantir un usage responsable de l’intelligence artificielle en Europe. Nous avons construit un cadre basé sur les risques : faible, limité, élevé ou inacceptable. Par exemple, les technologies de social scoring, inspirées du modèle chinois, sont interdites. Mais l’arrivée de ChatGPT pendant les négociations a bouleversé les discussions, rappelant l’urgence d’encadrer l’IA générative. »

« L’Europe a réussi à poser les bases d’un modèle de régulation unique avec l’AI Act. Mais il faut veiller à ce qu’il ne devienne pas un frein pour les petites entreprises, qui sont essentielles à l’innovation. Le défi est de rivaliser avec des acteurs comme Microsoft, qui investit massivement dans des entreprises comme OpenAI, tout en garantissant la protection des données et des droits des citoyens. »

« Nous avons aussi créé un Bureau européen de l’intelligence artificielle pour superviser la mise en œuvre de ces règles. Il est essentiel que cette régulation accompagne l’innovation, et non qu’elle l’étouffe. »

« À partir du 2 février 2025, les entreprises ne pourront plus mettre en ligne des articles interdits par l’AI Act. Par ailleurs, un code de pratique pour l’IA générative sera introduit dès août prochain, offrant un cadre clair pour les développeurs. Enfin, la Commission développe ses propres outils IA, comme des traducteurs instantanés ou des outils pilotés par des modèles similaires à ChatGPT, mais avec une priorité : protéger nos données internes. »

Olivier Tesquet, journaliste à Télérama :
« L’écosystème des startups des années 90, né dans les garages, a évolué en une économie dominée par des géants. Aujourd’hui, les GAFAM et des entreprises comme OpenAI concentrent la quasi-totalité des ressources. Les petites entreprises n’ont plus les moyens de rivaliser. Le ticket d’entrée est devenu trop cher. »

« Nous voyons déjà des rédactions utiliser l’IA pour remplacer des fonctions éditoriales ou des services de traduction. Cela pose la question de l’autonomisation des machines, mais surtout de la menace pour les emplois journalistiques dans un secteur déjà fragilisé. »

À retenir

Face à une domination technologique écrasante des États-Unis et de la Chine, l’Europe cherche à affirmer sa singularité en tant que puissance normative avec des initiatives comme l’AI Act. Ce cadre législatif ambitieux, basé sur une classification des risques, vise à préserver les valeurs européennes tout en encadrant des technologies potentiellement disruptives comme l’IA générative.

Cependant, le défi reste immense : comment assurer un équilibre entre innovation, souveraineté technologique et protection des droits fondamentaux ? Les experts s’accordent à dire que l’Europe doit investir davantage pour rivaliser avec les puissances technologiques.

Le secteur des médias, lui aussi impacté, illustre les tensions entre innovation et sauvegarde de l’emploi. La montée en puissance de l’automatisation dans les rédactions pose la question de l’avenir du journalisme, face à des géants qui contrôlent les outils et les récits.

Camille Combret (EJC)