Avec Thibault BRUTTIN, directeur général de Reporter sans frontières, Giulia LUCCHESE, co-secrétaire de la division CDMSI du Conseil de l’Europe, Ulrike KOPPEN, responsable de l’IA au sein du radiodiffuseur public allemand Bayerischer Rundfunk, et Olalla NOVOA OJEA, journaliste et cheffe des projets IA pour Prisa Media.
Animé par Yves Thiran, chef de la rédaction Info Nouveaux Médias à la RTBF.
Les enjeux
Produire des informations personnalisées pour chaque auditeur, accélérer les processus de traduction et de fact-checking ou encore restaurer d’anciens documents, l’intelligence artificielle trouve bien des usages dans les rédactions ou les antennes radios. Mais qu’en est-il de la déontologie journalistique ? Ou du pluralisme médiatique ? Certains employés pourraient-ils être remplacés par une IA ? Quels sont les limites établies par l’Union européenne ? Telles sont les questions qui ont animé les quatre intervenants à Bruxelles.
Ce qu’ils ont dit
Thibault Bruttin : « L’IA permet d’avoir un journalisme augmenté, sur-mesure. »
« Les chartes permettent l’usage vertueux de l’IA. »
« Il y a une atteinte réelle au pluralisme, les plus petits médias sont parfois laissés à l’écart de ces outils d’intelligence artificielle. »
« Aujourd’hui, les outils d’intelligence artificielle ne sont toujours pas régulés, il faut arriver à reprendre le contrôle. »
Giulia Lucchese : « Il faut changer d’approche concernant l’IA, prendre une approche plus positive. »
« Il y a 61 critères à prendre en compte selon le Conseil de l’Europe pour utiliser correctement l’intelligence artificielle dans le journalisme. »
« Dans un souci de transparence, il faudrait préciser où et quand l’IA a été utilisée dans n’importe quel contenu journalistique. »
« L’intelligence artificielle ne doit pas seulement être utilisée dans des buts commerciaux au sein d’une rédaction et elle doit prendre en compte les intérêts de tout le monde, du rédacteur en chef au lecteur. »
Ulrike Köppen : « On a un problème dans le monde de la radio, l’audio n’est pas assez personnalisé. »
« On expérimente avec l’IA. Si on veut traduire un podcast en anglais, par exemple sur les élections américaines, on utilisera une voix synthétique générée par IA qui traduira plus rapidement les propos. Cependant, on est un organisme public, donc on croit que la présence de vraies personnes en face du micro ne peut être que bénéfique. C’est pour cela qu’on l’utilise seulement pour un podcast, jamais sur l’onde radio traditionnelle, la limite entre notre éthique se pose ici. »
Olalla Novoa Ojea : « La diffusion, qui est très importante en radio, avant, c’était comme envoyer un colis fermé. L’IA permet d’ouvrir cette boîte, de voir ce qu’il y a à l’intérieur. »
« L’audio contenu dans le signal radio est transcrit grâce à l’IA, ce qui permet d’indexer ces fichiers audios sur les moteurs de recherche, pratique quand on a des tonnes de fichiers audios dans nos bases de données, sans savoir exactement ce qu’il y a dedans. Désormais, on peut restaurer ces fichiers et établir de nouvelles relations entre leurs contenus. »
« Les gens se déplacent, et veulent avoir la radio de leur lieu d’origine. Par exemple, si vous supportez une certaine équipe de basket et que vous vous retrouvez dans la ville où l’on supporte l’équipe opposée, vous serez satisfait d’avoir des informations uniquement sur l’équipe que vous supportez. »
« Tous les journalistes sont au contact de l’intelligence artificielle, sans forcément le savoir. »
« Maintenant, c’est super facile de synthétiser une voix avec l’IA. On se sent responsable de distinguer si une voix ou une déclaration est réelle ou non et c’est ce que l’on fait avec nos outils d’intelligence artificielle. C’est une étape de plus dans le fact-checking. »
À retenir
L’intelligence artificielle est définitivement de plus en plus présente au sein des rédactions et des antennes radios. Le risque de dériver vers une recherche de profit au détriment de la qualité de l’information et du pluralisme existe, mais certains textes et lois permettent d’encadrer l’usage de l’IA. C’est notamment le cas du Conseil de l’Europe qui rédige des chartes pour empêcher les intérêts personnels et économiques d’entrer en conflit avec la déontologie journalistique. Des textes concrètement peu appliqués selon certains, mais qui permettent d’établir une ligne directrice dans la façon d’utiliser l’intelligence artificielle en tant que journaliste.
Victor Pommatau (EJC)