Retrouvez l’essentiel de l’atelier-débat « Journalistes ou supporters »
Clément Gavard, Stéphanie Freedman, Lionel Dangoumau et Louise Audibert. Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT
Avec Stéphanie FREEDMANN, journaliste manager L’Alsace et DNA, Lionel DANGOUMAU, directeur de la rédaction de L’Équipe et Clément GAVARD, journaliste pour So Foot.
Animé par Louise AUDIBERT, journaliste indépendante (So Foot, Le Monde…).
Les enjeux
Est-il possible de couvrir un match tout en supportant une équipe ? Les journalistes de sport ont-ils le droit d’exulter pendant une rencontre ? Peuvent-ils être chauvins et soutenir, dans leurs productions, une sélection nationale ou un club ? Autant de questions qui ont été abordées lors de cet atelier-débat.
Ce qu’ils ont dit
Stéphanie Freedman (journaliste manager L’Alsace et DNA) : « Quand nous nous en tenons aux faits, que nous gardons la bonne distance, l’un n’empêche pas l’autre. Nous pouvons être de bons professionnels et soutenir l’OM. »
« Un journaliste de sport est avant tout journaliste. Nous pouvons donc évidemment faire ce métier sans être supporter, mais ce n’est pas mon cas. Depuis que j’ai découvert Marseille, je suis devenue fan de cette équipe. Mon joueur préféré est Mattéo Guendouzi. »
« Le sport permet de parler de tous les aspects de la société : ferveur, santé, violences… »
Lionel Dangoumau (directeur de la rédaction de L’Équipe) : « À L’Équipe, on nous reproche souvent d’être trop journalistes et pas assez supporters, de ne pas suffisamment être derrière l’équipe de France. »
« Il faut de l’émotion et de l’empathie pour que le récit sportif ne soit pas dénaturé mais cette part ne doit pas déborder. »
« J’ai grandi avec l’OM et j’étais super content quand ils ont gagné la Ligue des champions. Nous pouvons avoir ce fond de supporterisme en nous mais il faut s’en détacher pour ne pas être contraint dans notre travail. »
« La question de la porosité entre journalistes et acteurs n’est pas propre au sport. En politique aussi, cette proximité peut être trop grande. »
« Je pense que ça peut être bénéfique de changer de rubrique ou de club à couvrir assez régulièrement. Dans le même temps, il faut rester suffisamment longtemps à un poste afin de développer un réseau. Il y a un équilibre à trouver. »
Clément Gavard (journaliste pour So Foot) : « Je pense que nous pouvons être les deux. Pour être journaliste de sport, il faut avant tout être passionné. C’est ancré en nous et nous ne pouvons pas décider de ne plus aimer un club. »
« En 2019, j’étais pigiste pour So Foot mais je ne m’estimais pas encore capable de contenir mes émotions lors des matchs européens du Stade Rennais. Je n’arrivais pas à prendre assez de recul sur ces événements passionnels. Je pense aujourd’hui avoir mûri. »
« Rennes est un club à taille humaine, contrairement au PSG par exemple. À force de venir au stade, en conférence de presse, nous créons une relation avec les joueurs et les entraîneurs. C’est l’avantage de suivre une équipe de près : nous pouvons facilement discuter avec les sportifs et défendre notre vision des choses. »
« Quand nous avons accès à ce milieu très particulier, cela vaccine totalement de l’idolâtrie que nous avions petit. Nous découvrons parfois des choses écœurantes. »
À retenir
Il est tout à fait possible pour les journalistes de sport de concilier leur passion pour une équipe en particulier tout en maintenant leur professionnalisme. Ils viennent souvent à ce métier en tant que supporter, mais le contact étroit avec les acteurs du milieu permet de relativiser l’idolâtrie. Afin de permettre cette dualité, il est important de conserver une bonne distance.
Lionel Dangoumau, actuel directeur de la rédaction du journal L’Équipe, a insisté sur l’importance de l’émotion et de l’empathie dans le récit sportif, tout en mettant en garde contre un excès qui pourrait altérer la neutralité journalistique. Les intervenants ont mis l’accent sur cette notion, plutôt que d’objectivité. Par ailleurs, les liens étroits entre journalistes et acteurs n’existent pas seulement dans le sport, à l’instar de la politique.
Corentin Vallet (EPJT)