« Je suis un journaliste un peu bizarre car je ne m’intéresse pas aux vraies informations mais aux fausses ! » s’exclame Thomas Huchon en replaçant ses lunettes. Depuis dix ans, infox ou encore complotisme bercent le quotidien du quarantenaire, qui aurait pu en parler pendant des heures. Il insiste : « Je ne parle pas des fausses informations qu’on peut retrouver dans les grands journaux mais des informations intentionnellement fausses, pour manipuler. »
Cette passion, il la doit à Rudy Reichstadt, journaliste et spécialiste des théories du complot. Thomas Huchon insiste : « C’est lui qui va m’éclairer sur ces sujets. » Ce spécialiste deviendra son ami, c’est d’ailleurs avec lui qu’il déjeunera dans la journée.
Multicasquette
Thomas Huchon a plusieurs casquettes : il a cofondé Only Facts, a réalisé plusieurs documentaires, s’est engagé dans l’éducation aux médias ou a récemment créé Antifakenewsai sur les réseaux. Au fil des années, le journaliste s’intéresse aux plateformes qui diffusent les thèses complotistes. Il réalise La nouvelle fabrique de l’opinion, en 2019.
« À l’approche des élections, on va créer des faux profils avec chacun une couleur politique, on va suivre et regarder comment un réseau social raconte l’actualité », se remémore le journaliste. Il rassemble pour cela six étudiants en journalisme de Sciences Po, école dans laquelle il enseigne toujours, sur le thème « Distinguer le vrai du faux dans le flux d’information ». Parmi les six étudiants, Marius Gatoux : « J’ai trouvé le projet hyper cool. Thomas est rassurant. Il se lance dans beaucoup de projets à la fois, mais ça fait aussi sa force. »
La cible des complotistes
Père de deux enfants, Thomas Huchon essaie de lever le pied. Le 14 novembre 2020, en plein confinement, il s’apprête à intervenir sur BFMTV pour parler du film complotiste Hold-up. Son bébé de 11 jours se met à pleurer. La suite, vous l‘avez peut-être vue en direct. « J’attrape mon fils sur l’épaule et je fais mon intervention avec lui », relate-t-il, fier de parler du jeune Achille. Il aura une fille, Ysé, trois ans plus tard. Son ami de longue date, Thomas Guerin, rencontré durant ses études, complète : « Il a dû évoluer afin de trouver un équilibre entre vie personnelle et professionnelle. »
Toutefois, combattre les théories du complot fait de lui une cible pour leurs partisans. « Qualifié de “financé par la CIA” ou de “défenseur de pédophiles”, je demande à mes parents de ne pas regarder ce qui est dit de moi sur Internet », explique Thomas Huchon avec une certaine émotion. Lui et sa famille se sont endurcis face aux critiques… Son père, Jean-Paul Huchon, a été le président de la région Île-de-France et sa mère, Odile Vadot, élue et conseillère dans des cabinets ministériels.
« De journaliste à sujet »
Les critiques dépassent parfois les mots. En 2021, lors d’une soirée, un ancien ami qui depuis a basculé dans le complotisme, l’agresse en lui fracassant une carafe sur la tête. Bilan : une dizaine de points de suture, deux doigts cassés, dix jours d’ITT, un trauma crânien, une plainte et une amende avec sursis pour l’agresseur. « Je suis passé de journaliste à sujet », s’alarme-t-il, les yeux hésitants mais le sourire aux lèvres, comme pour dédramatiser la situation.
Mais ce n’est pas une raison pour ce bosseur de cesser ses activités. Deux livres au compteur, il en sort un troisième fin avril : Résister aux fake news, aux éditions First. « Ce livre se trouvera dans les supermarchés, il est pour tout le monde. » Un ouvrage qui démonte toutes les plus grandes théories du complot. Une chose est sûre, tant qu’il y aura des infox, Thomas Huchon sera là pour en démonter la mécanique.
Angélina RICHARD/EPJT