Avec Houria Aouimeur, ex-directrice générale chargée du régime de garantie des salaires (Unédic-AGS), Elisabeth Borrel, magistrate, Ariane Lavrilleux, journaliste pour Disclose, Elodie Nace, déléguée générale de la Maison des Lanceurs d’Alerte et Sophie Taille-Polian, députée du Val-de-Marne (11e circonscription).
Co-animé parDaniel IBANEZ, co-fondateur des rencontres annuelles des lanceurs d’alerte et Emmanuel MARTY, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, École de Journalisme de Grenoble.
Les enjeux
Révéler un scandale expose les lanceurs d’alerte à de nombreux risques juridiques, professionnels ou personnels. Dans ce contexte, le rôle des journalistes est essentiel. Ils se doivent d’instaurer un climat de confiance avec leurs sources pour ne pas les exposer à d’éventuelles pressions, veiller à leur sécurité et respecter leurs demandes comme un éventuel anonymat. Sur le plan juridique, le secret des sources permet de protéger les interlocuteurs, mais ce dernier reste fragile et peut être levé en raison d’un impératif prépondérant d’intérêt public.
Ce qu’ils ont dit
Élodie Nace (déléguée générale de la Maison des Lanceurs d’Alerte) : « La directive européenne sur les procédures bâillons a été adoptée en 2024, elle a pour but de protéger des journalistes, des lanceurs d’alerte mais aussi la protection des infrastructures. »
Ariane Lavrilleux, (journaliste pour Disclose) : « On [les journalistes] n’est pas des sauveurs, mais on a une immense responsabilité. Dans le cas d’enquêtes sur les violences sexistes et sexuelles, la révélation peut bouleverser des vies, donc l’évaluation des risques pour les sources, les citoyens et pour nous [les journalistes], est capitale en amont de l’article. »
Houria Aouimeur, (ex-directrice générale chargée du régime de garantie des salaires (Unédic-AGS) : «Dans mon cas, je considère que l’anonymat est antinomique à mon devoir. Si j’en parle, c’est pour faire avancer les choses sur le fond de l’affaire. On a besoin du journalisme d’investigation qui ne s’arrête pas à la version officielle. »
« J’ai subi des menaces, des intimidations, j’ai dû déménager plusieurs fois. Donc, il y a quelque chose de secret, qu’on ne veut pas délivrer. Je crois que, lorsque l’on reste dans l’opacité, on met en danger notre démocratie. »
Sophie Taille-Polian, (députée du Val-de-Marne, 11e circonscription) : « Les procédures bâillons sont coûteuses, elles demandent beaucoup d’argent aux journaux. On voit une forme de censure ; les journalistes vont se décourager dans le traitement de ces sujets pour ne pas avoir d’ennuis. »
Elisabeth Borrel (magistrate) : « Quand on est confronté au secret défense, on est très fragile, très facilement accusé de folies. Les journalistes se contentent souvent des témoignages officiels. Mais on a des journalistes d’investigation qui rendent la parole aux victimes, qui portent la vérité. »
À retenir
Journalistes et lanceurs d’alerte sont souvent confrontés à des pressions économiques, judiciaires, mais aussi sur le plan personnel. Pour garantir la liberté d’expression, le secret des sources constitue une protection essentielle pour les journalistes et leurs interlocuteurs.
Cependant, ce principe peut tomber si un juge invoque un impératif prépondérant d’intérêt public. Mais cette notion reste floue et englobe divers sujets comme le secret professionnel, le secret des affaires ou encore le secret défense, créant une forme d’incertitude juridique. Dans ce contexte, certains journalistes d’investigation demandent un encadrement plus structurel de cette loi.
Clara Baudart (EPJT)