Manon DUBREUIL, journaliste spécialisée dans les violences sexuelles et sexistes et dessinatrice judiciaire, Catherine PORTER, correspondante internationale basée à Paris (New York Times), Pascale ROBERT-DIARD, journaliste et chroniqueuse judiciaire (Le Monde), Me Adrien VECCHIO, avocat de Gisèle Pelicot, Me Béatrice ZAVARRO, avocate de Dominique Pelicot.
Animé par Georges BRENIER, journaliste spécialisé police-justice chez TF1.
Les enjeux
Le procès des viols de Mazan a connu un fort retentissement en France et à l’international. Comment traiter les affaires de violences sexistes et sexuelles lorsqu’on est journaliste, quels mots employer pour en rendre compte correctement ? Peut-on parler de fait divers ou au contraire d’un fait de société qui s’inscrit dans une culture du viol ?
Ce qu’ils ont dit
Manon DUBREUIL (RMC) :
« J’ai décrit les images de manière clinique, des mots simples pour raconter la réalité de ces vidéos. Je ne les ai pas toutes regardées systématiquement. »
Pascale ROBERT-DIARD (Le Monde) :
« Ce qui change tout, c’est que ce procès a été public. Les affaires de viols représentent 85% des ordres du jour des cours criminelles départementales. Simplement, la majorité se tiennent à huit clos. La vraie révolution est là. »
Catherine PORTER (New York Times) :
« Dans le journalisme anglo-saxon, la catégorie de faits divers n’existe pas. Après deux ans et demi en France, je ne comprends toujours pas cette catégorie. Je crois que c’est une manière de protéger les accusés. »
Me Adrien VECCHIO, avocat de Gisèle Pelicot :
« Gisèle Pelicot essaie autant que possible de se reconstruire et de préparer le prochain procès en appel à l’automne. »
« Pendant presque dix ans, elle a eu des symptômes liés à la soumission chimique : pertes de mémoires, absences, somnolences. Elle avait à l’esprit que l’horreur des faits puisse porter au-delà de son propre cas personnel en plaçant la culture du viol au centre du débat. »
« Même si la notion de consentement n’est pas dans la définition du viol dans la loi, en réalité elle la sous-tend. La contrainte, la violence, la surprise ne sont que des moyens de montrer qu’un auteur l’a forcée. Son inscription dans la loi aurait un intérêt dans le message envoyé à la société. »
Me Béatrice ZAVARRO, avocate de Dominique Pelicot :
« C’est très compliqué de retrouver une vie normale après ce procès. J’ai assisté à toute les confrontations, je vais voir mon client au centre de détention régulièrement. Il faut un sas de décompression. »
« J’entends encore tous ces hommes qui venaient expliquer à la barre que ce n’était pas un viol. Le mérite de ce dossier est de faire parvenir à la société une notion du viol qui était jusque-là ignorée. »
À retenir
Ce procès historique a été éprouvant, tant pour les journalistes amenés à le couvrir que pour les avocats des deux parties. Long de près de trois mois et mettant en cause 51 accusés, il a résonné auprès de milliers de femmes et de victimes de violences sexistes et sexuelles à travers le monde. Un retentissement qui résulte du courage d’une femme : Gisèle Pelicot, 72 ans, mère et grand-mère, qui a décidé, contre toute attente, de ne pas demander le huit clos. Ce procès représente un tournant majeur dans la dénonciation des violences sexistes et sexuelles au sein d’une société qui reste majoritairement dominée par les hommes.
Dario Nadal (EPJT)