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L’Afrique, concurrent sérieux dans la course à l’IA

Marseille 2025

29 Avr 2025

À l'occasion des Assises du journalisme de Marseille ce mardi 29 avril 2025, journalistes et chercheurs africains s'assemblent pour affirmer leur volonté de s'intégrer dans le monde du numérique. Ils proposent des intelligences artificielles malgré le manque de moyens et des problématiques d'éthique.
L'Afrique place l'intelligence artificielle au centre de ses préoccupations, un réel enjeu pour le continent. Photo : Pixabay.

Coopérer avec l’intelligence artificielle, c’est un des grands enjeux qui motive le continent africain depuis quelques années. Derrière le bruit que font les IA occidentales, comme ChatGPT d’OpenAI ou encore Gemini développé par Google, l’Afrique, elle, développe ses propres systèmes. Ainsi, le premier sommet mondial de l’intelligence artificielle s’est tenu à Kigali, au Rwanda, les 3 et 4 avril 2025. Une volonté qui représente autant d’enjeux politiques qu’économiques. Mais surtout éthiques.

Et les professionnels du journalisme s’y confrontent directement. Pour Valdez Onanina, rédacteur en chef du bureau francophone d’Africa Check, un média spécialisé dans le fact-checking, « l’IA représente une opportunité pour l’écosystème des médias. Il doit aider les journalistes à améliorer leur travail sans tricher ». Pour y arriver, il faut déjà penser à sa « vulgarisation et à l’usage stratégique que l’on veut en faire », explique-t-il.

Intégrée dans le quotidien des rédactions africaines, l’intelligence artificielle pose des questions d’éthique sur le devenir des droits d’auteur ou encore sur l’honnêteté intellectuelle des journalistes. Actuellement, le respect des principes déontologiques est au cœur des préoccupations des groupes médiatiques et « il faut installer ceci dans les esprits pour éviter une situation pire que celle que nous vivons depuis quelques années avec la désinformation », ajoute Valdez Onanina qui est également formateur à l’Agence française de développement des médias (CFI).

Représenter fidèlement la réalité

La désinformation est alimentée par plusieurs facteurs : le manque de connaissance sur l’Afrique, la sous-représentation des langues africaines dans le numérique et un accès limité aux équipements. En Afrique, les thématiques centrales sont l’agriculture, la santé et l’éducation. Des secteurs sur lesquels s’attardent chercheurs et enseignants dans le but de nourrir des intelligences artificielles à ces sujets.

Aujourd’hui, les systèmes occidentaux souffrent de nombreuses lacunes. « Même les IA les mieux construites, avec de grosses bases de données, ont énormément de biais, constate Paulin Melatagia, enseignant-chercheur au département d’informatique à l’université Yaoundé 1. Les biais sont des manquements qui donnent à voir une fausse réalité africaine. »

Pour qu’ils reflètent mieux la réalité locale, les chercheurs misent sur des collaborations avec les médias. Les laboratoires les sollicitent pour obtenir des émissions, des articles, des données locales afin d’entraîner des intelligences artificielles plus ancrées dans la réalité du continent. Et le nombre de communautés qui s’intéresse au numérique augmente d’année en année. Des organisations telles que Deep Learning Indaba, le rendez-vous annuel de la communauté africaine de l’apprentissage automatique et de l’IA, ou Masakhane, une communauté panafricaine dédiée à la recherche en intelligence artificielle, en particulier dans le domaine du traitement automatique des langues africaines.

Manque de moyens

L’intérêt pour l’intelligence artificielle est manifeste partout en Afrique. De nombreuses universités francophones et anglophones ont intégré des formations en lien avec le sujet. Et, depuis une quinzaine d’années, la qualité de l’apprentissage évolue. « Aujourd’hui, la qualité des enseignements est quasiment équivalente à ce qui se fait en Occident ou en Asie, explique Paulin Melatagia. À la seule différence que l’on n’a peut-être pas accès aux équipements qui permettraient de faire des expérimentations de même qualité. »

Si les intentions politiques d’appui sont bien présentes, les moyens financiers peinent à suivre. Impossible donc de fonder des laboratoires. Pour contourner cet obstacle, les équipes de recherche s’appuient sur des financements privés qui leur permettent de collecter des données sur le terrain. Les informations collectées sont ensuite validées en collaboration avec des organisations en charge de la santé et d’associations d’agriculteurs. Dans l’espoir, rapide, de bâtir une intelligence artificielle représentative de la réalité africaine et de ses enjeux.

Arthur CHARLIER/EPJT