Sophie Scheidt présente le premier journal entièrement en langue des signes. Ce programme, “Le 10 minutes” , est diffusé sur le site de M6.
De traductrice à présentatrice, Sophie Scheidt cherche à rendre l’information plus accessible aux personnes handicapées. Sourde de naissance, elle est à l’origine du projet « Le 10 minutes », émission web de M6 entièrement réalisée en langue des signes.
La Feuille : Quel a été votre parcours ?
Sophie Scheidt : J’ai eu la chance de faire toute ma scolarité dans une classe bilingue, en français et en langue des signes. J’ai ensuite intégré un parcours pour devenir interprète. Lorsque j’ai été embauchée dans une agence de traduction, j’ai commencé à m’intéresser à l’accessibilité des lieux publics pour les personnes sourdes. On était aussi l’une des seules entreprises à traduire les actualités. Lorsqu’elle a fermé, j’ai eu des difficultés à retrouver un travail. Avec mon collègue Olivier Calcada, nous avons décidé de créer notre propre structure de traduction Vice-Versa, qui existe depuis trois ans et demi.
Comment avez-vous intégré l’émission « Le 10 minutes » de M6 ?
S.S. : Dès mes débuts en tant que traductrice, je m’intéressais à l’accès aux médias. On savait à l’époque qu’il y avait un vrai potentiel d’audience derrière. On a eu l’idée de monter un projet et de le proposer à M6. On ne savait pas encore sous quelle forme, mais on voulait rendre l’information accessible. On a donc créé un concept, on a dû chercher des fonds… Petit à petit, les portes se sont ouvertes, les personnes étaient vraiment intéressées par ce projet. « Le 10 minutes » est né. On voulait qu’il soit sur Internet pour le rendre plus accessible. Olivier et moi-même en sommes les présentateurs. Notre but n’était pas de parler de handicap, on n’évoque presque jamais le mot, mais de développer un programme accessible aux personnes sourdes.
Est-ce que cette initiative peut banaliser les questions liées au handicap dans les médias ?
S.S. : Oui bien sûr ! L’objectif n’était pas de se mettre en avant. J’ai eu la chance d’avoir pu faire de longues études, mais la France accuse un grand retard : beaucoup de personnes sourdes sont illettrées ou en échec scolaire. Aujourd’hui, la jeune génération a accès aux nouvelles technologies. Grâce à l’émission, elle peut s’imaginer plus facilement un avenir. Le but était aussi de créer un nouveau modèle d’émission, qui puisse durer dans le temps, car on n’est pas immortel. [Rires]
Considérez-vous que les journalistes sont « tous les mêmes » ?
S.S. : Il est vrai que sur les chaînes télé, il y a des codes, des choses assez normées. Par exemple, on ne voit pas souvent des personnes d’outre-mer ou des personnes qui ont des accents. Les sourds sont aussi absents des écrans. Même si on a une culture et une langue minoritaires, je me sens Française avant tout. Je pense que certaines initiatives, comme celle de M6, participent à l’inclusion de l’ensemble de nos cultures. On aimerait que les présentateurs sourds soient plus nombreux.
Propos recueillis par Perrine BASSET