Marc Bassets est correspondant en France pour le quotidien espagnol El Pais. Il traite principalement de sujets économiques, culturels et politiques, surtout en période de campagne électorale. Invité aux Assises du journalisme de Tours, le 11 mai, il livre sa vision de la campagne et du journalisme politique français.
Qu’avez-vous pensé du traitement médiatique de la campagne pour l’élection présidentielle française de 2022 ?
Marc Bassets. Je trouve que la presse de qualité a fait du très bon boulot, avec des analyses et des décryptages. Je n’ai pas de reproches à lui faire de façon générale. La campagne a mis du temps à se lancer dans les journaux à cause de la guerre en Ukraine. Et cela a été la même chose pour moi. J’avais prévu un planning sur trois mois pour mon journal mais il n’a finalement pas servi.
A quels sujets vous êtes-vous intéressés pour El Pais ?
M. B. Nous sommes deux correspondants pour le journal en France, un envoyé spécial et un photographe nous ont rejoints. J’ai évoqué les sondages, j’ai écrit des portraits de candidats et j’ai fait beaucoup de reportages dans les zones où il y avait eu un vote important de protestation ou d’abstention après le premier tour. Je me suis rendu dans l’Aisne, en Moselle ou dans les quartiers Nord de Marseille.
Avez-vous trouvé des particularités à cette campagne par rapport aux précédentes ? En 2012, c’était un duel classique entre la gauche et la droite et en 2017, l’élection d’Emmanuel Macron avait surpris beaucoup de monde.
M. B. Zemmour était très présent avant le début de la campagne, à la fin de l’année 2021. J’ai écrit pas mal de papiers sur lui, je l’ai suivi en campagne. Il a beaucoup attiré l’attention et a fini par se dégonfler. En Espagne, Anne Hidalgo nous intéressait beaucoup car elle a la double-nationalité et elle parle espagnol parfaitement. En tant que correspondant, je cherche toujours l’angle local. A l’approche de l’élection et pendant l’entre-deux-tours, je n’ai pas trouvé de nouveauté. On s’est retrouvé avec les deux candidats attendus et le vainqueur annoncé depuis cinq ans.
Quel regard portez-vous sur le journalisme politique français ?
M. B. Je suis un admirateur du bon journalisme politique français en général, à la télévision, dans les magazines, les grands journaux. J’aime beaucoup le style d’écriture. Il est très analytique, beaucoup plus reposé que le journalisme espagnol qui est plus électrique, réactif et porté sur les polémiques. Mais cela peut être un défaut. En Espagne, on tombe beaucoup dans le journalisme de commentaire, dans la petite phrase, plus que de faits.
Une partie de la population française trouve qu’il y a une grande proximité entre les journalistes politiques et le pouvoir. Est-ce quelque chose que l’on retrouve en Espagne ?
M. B. J’ai effectivement ce sentiment. En France, je constate aussi cette proximité. En revanche, la gestion du « off » et des sources anonymes me gêne beaucoup. Pour moi, cela sert à protéger une source, pas lorsqu’il y a une fuite d’un briefing à l’Élysée. Lorsque le lit dans un journal « dit-on à l’Élysée », oui mais qui ? Cela crée une atmosphère d’entre-soi. Je trouve cela nocif, même si ce n’est pas propre à la France. Autre point : la modification des interviews avant publication. On peut rectifier un mot à la relecture, mais pas une idée.
Recueilli par Léo Humbert