Présidente du Conseil de déontologie journalistique et de médiation, Kathleen Grosset insiste sur la nécessité et l’utilité de cet organe d’autorégulation indépendant pour les médias français.
Kathleen Grosset est arrivée à la tête du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) en début d’année 2021. Ancienne présidente de la Fédération française des agences de presse, elle a également été vice-présidente de la création de l’Observatoire de la déontologie et de l’information (ODI) de 2012 à 2020.
Le CDJM reste une instance peu connue du grand public. Concrètement quel est son rôle ?
C’est une association qui réunit des journalistes, des éditeurs, des agences de presse et des représentants du public. C’est un organe d’autorégulation. Toute personne peut nous saisir dès qu’il a l’impression d’avoir vu, lu ou entendu une faute déontologique dans un média français. Nous parlons bien de la déontologie, pas de ce qui relève de la loi. Pour ça, il y a les tribunaux. Le Conseil n’a pas à intervenir dans ce domaine. Nous examinons ensuite les requêtes et si nous les jugeons recevables, nous rendons un avis.
De 2012 à 2020, l’Observatoire de la déontologie de l’information réalisait aussi une mission similaire. Qu’apporte de plus le CDJM ?
L’observatoire permettait de comprendre les erreurs des journalistes et d’en faire un rapport annuel pour en tirer des conclusions très générales. En 2020, il nous a semblé important de créer un conseil de presse comme il en existe dans beaucoup de pays. En France, il manquait la présence d’un organe indépendant, différent des médiateurs et des chartes qui existent déjà dans chaque média. Notre force, c’est notre indépendance. Nous ne subissons aucune pression et nous ne sommes pas un tribunal. On ne punit pas. On émet juste un avis. Il revient ensuite aux rédactions concernées de nous écouter et de prendre en compte ou non les fautes que nous avons pu constatées.
Quel bilan faites-vous après plus d’un an d’existence ?
Depuis sa création en 2020, nous avons reçu 450 saisines qui concernaient 200 actes journalistiques. Mais parmi toutes ces saisines, 70 % n’ont pas été retenues car nous avons estimé qu’elles ne portaient pas sur des fautes de déontologie mais plutôt sur des questions de lignes éditoriales ou de liberté d’expression sur lesquelles nous n’avons pas à rendre une décision. Au total, le conseil a rendu 40 avis dont seulement 40 % ont été jugés « fondés ». Pour nous, retenir une saisine ne veut pas forcément dire qu’il y a faute.
Comment réagissez-vous au fait que le Conseil ne fasse pas l’unanimité dans la profession ?
Je ne comprends pas que le conseil puisse faire autant débat. Sincèrement. Car nous sommes vraiment indépendants. Nous ne sommes pas là pour punir. Je pense qu’il vaut tout de même mieux avoir un organe d’autorégulation, qui intègre des journalistes et des citoyens plutôt qu’un organe gouvernemental qui rende des décisions coercitives.
Propos recueillis par Enzo Maubert