À l’occasion des Assises du journalisme 2021, le journaliste Hervé Gardette présente son premier livre Ma transition écologique, comment je me suis radicalisé. Une sélection de ses chroniques environnementales diffusées sur France Culture et éditée chez Novice. Aujourd’hui, journaliste pour l’émission « 28 Minutes » sur Arte, il revient sur son apprentissage de la transition écologique.
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Comment garder une distance journalistique avec son sujet quand celui-ci promet de faire partie intégrante de votre vie professionnelle ?
On fait comme avec n’importe quel sujet. C’est difficile car quand on est plongé quotidiennement pendant deux ans dans un sujet, cela prend beaucoup de place. Particulièrement lorsqu’il s’agit du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Quand on commence à s’y intéresser de près, on ne peut qu’être convaincu de l’urgence de la situation. Après, que fait-on avec cette urgence ? Un travail de militantisme ? Cela peut tout à fait être concevable. Il y a des journalistes qui sont devenus activistes. Mais il faut quand même garder une distance critique avec son objet, toujours. Il faut faire ce qu’on doit faire pour n’importe quel sujet journalistique. Moi avec l’écologie, j’ai essayé de présenter plusieurs arguments sans disqualifier des arguments moins vertueux écologiquement. Mon idée c’était de partir de mon exemple personnel pour montrer qu’on a beau être convaincu de quelque chose, l’appliquer n’est pas toujours simple. On est fait de cette contradiction. Il faut aussi montrer la complexité des choses.
Dans votre livre vous écrivez que « le confinement a été une occasion en or pour regarder le monde qui nous entoure autrement » et que, paradoxalement, vous avez régressé dans votre processus de transition écologique. Pouvez-vous en dire plus ?
J’ai essayé de diminuer les emballages et d’acheter en vrac le plus possible. Malheureusement, pendant le confinement cela n’a plus été possible pour des raisons sanitaires. Il y a eu en plus un effet de compensation. Je me déplaçais moins mais c’était une période assez stressante. Il y avait besoin de se faire plaisir inconsciemment avec des choses que je n’aurais pas acheté en temps normal. Quand, à la fin de cette période, certains prétendaient que tout allait changer, moi, je n’y ai jamais cru. Quand on observe les débats présidentiels, il y en a encore où l’écologie est absente.
Pensez-vous qu’il y a un problème de traitement médiatique des problématiques environnementales aujourd’hui en France ?
Oui car ces problématiques sont encore trop cantonnées dans une spécialité. Or c’est un problème systémique. Si on veut une transition écologique, il faut changer l’économie, les transports, l’éducation, la culture. Ce n’est pas le sujet d’une spécialité, cela devrait englober tout le reste. C’est quelque chose d’inévitable, qu’on soit écolo ou non, le changement climatique est là. J’entends encore des émissions politiques ou aucune question n’est posée aux invités concernant l’écologie. C’est assez curieux.
Si vous deviez conseiller un livre à une personnes qui ne se sent pas concernée par cette thématique, lequel serait-il ? Et pourquoi ?
Il y a un livre que j’aime beaucoup et qui est une bonne porte d’entrée pour ce sujet, c’est l’Atlas de l’anthropocène d’Aleksandar Rankovic et François Gemenne. Il est très clair. L’écologie est un sujet complexe : toutes les décisions en induisent d’autres. C’est en expliquant la complexité que le sujet devient abordable. Dans les médias, on confond encore compliqué et complexe. A force de simplifier certains sujets, on les rend incompréhensibles.
Propos recueillis par Romane Lhériau