Animé par Jérôme Bouvier, président des Assises du Journalisme de Tours.
Les enjeux
Dix ans après l’attentat qui a frappé la rédaction de Charlie Hebdo, Riss revient sur cet événement tragique et sur le procès de 2020. Que répondre aux critiques sur les dessins jugés trop choquants ? La ligne éditoriale du journal a-t-elle changé ? Comment a-t-il retrouvé goût à la vie ? Autant de questions auxquelles répond le rédacteur en chef de Charlie.
Ce qu’il a dit
Riss (rédacteur en chef et directeur de la publication de Charlie Hebdo) :
« Chacun a fait comme il a pu pour se remettre sur ses deux jambes. Entre 2015 et le procès, chacun s’est replié dans sa bulle. J’ai été l’un des derniers à me porter partie civile. Je craignais ce procès, de revenir dans cette ambiance. C’est éprouvant. C’est une mémoire sensorielle. C’est à vif. »
« Charlie est un journal de combat. Après être sorti de l’hôpital, nous avons voulu continuer le combat. La question était de savoir si l’on serait fidèle jusqu’au bout à nos principes et aux idées que nous avons défendus depuis le début. »
« Fin février 2015, nous avons repris sur un rythme hebdo. Ça nous a redonné confiance en nous, de créer quelque chose de nouveau chaque semaine. C’est ce qui nous a redonné goût à la vie paradoxalement. »
« Concernant les critiques sur nos dessins sur Gisèle Pélicot, nous sommes étonnés. J’invite nos détracteurs à nous lire pour nous comprendre. On aggrave volontairement la dimension dramatique pour indigner les gens et qu’ils sortent de leur torpeur. »
« Le temps est essentiel. C’est important de laisser du temps aux victimes pour témoigner. Mais c’est vrai qu’on en a de moins en moins dans notre métier. »
« Concernant notre ligne éditoriale, Cavanna avait fait une charte pour éviter, en cas de rachat, que le journal perde son identité. Pour éviter de devenir comme Le Crapouillaud, journal contestataire relativement similaire à Charlie, aujourd’hui édité par Minute. »
À retenir
Riss est revenu sur cette journée tragique du 7 janvier. Il y pense tous les jours, tout le temps. Paradoxalement, reprendre le travail est ce qui lui a redonné goût à la vie. Allongé sur le sol de la rédaction, en attendant les urgences, il eut l’impression que le monde entier voulait le supprimer. « Un attentat, ça vous isole de tout. Les terroristes ont agi comme si l’humanité ne voulait plus de nous. »
Les vagues de solidarité l’ont touché, même s’il savait que les critiques reviendraient une fois l’émotion passée. Aggraver volontairement la dimension dramatique d’une affaire pour indigner les lecteurs a un objectif bien précis : faire sortir les gens de leur torpeur. « J’invite nos détracteurs à nous lire pour comprendre notre ligne éditoriale. Tous nos dessins n’ont pas vocation à faire rire. », a rappelé Riss.
Après être sorti de l’hôpital, 80 % des survivants ont voulu continuer le combat. Malgré l’attentat, une écrasante majorité de journalistes sont donc restés fidèles aux principes défendus par Charlie et Hara-kiri avant lui. Charlie Hebdo est un journal de combat et continuera de l’être.
Gaël Henanff (EPJT)