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Oui, certains produits de protection intime (serviettes hygiéniques et tampons) contiennent bien des substances cancérogènes

France
Santé et sciences

23 Mai 2025

Sur TikTok et d’autres réseaux sociaux, des vidéos affirment que certaines serviettes hygiéniques contiennent des substances pouvant causer le cancer. Après vérification, c’est vrai.
Contexte

Une vidéo TikTok publiée par la page bouyel.sn affirme que les serviettes hygiéniques peuvent être cancérogènes.

Sur cette vidéo, une jeune femme indique en wolof que nous avons traduit en français :

 

« Est-ce que vous savez vraiment ce qu’il y a dans les serviettes hygiéniques qu’on utilise pendant les règles ?

(…) D’après ce qu’on lit sur les sites comme sante.gouv.fr ou Santé publique France, il y a des produits chimiques dans certaines serviettes hygiéniques, et même des perturbateurs endocriniens.

Ils disent qu’il y a des pesticides dans certaines serviettes. Vous savez que les pesticides sont faits pour tuer les insectes ou les nuisibles. Ils donnent des noms comme le lindane, le dioxyde, le glyphosate, le quintozène, et d’autres encore. Ils disent aussi qu’il y a des substances cancérogènes.

 

Mais la vraie question, c’est : qu’est-ce que tout ça fait à notre corps ? Quelles conséquences pour notre santé ? On parle de cancer du sang, cancer de l’utérus, endométriose, règles douloureuses, puberté précoce, stérilité, obésité, infections, kystes, fibromes, et j’en passe. La liste est longue.

 

Et même si certaines de ces substances sont interdites en Europe depuis 2020, on continue de les retrouver dans les serviettes hygiéniques qu’on utilise. »

 

Elle ajoute :

« Selon Santé publique France, on y trouve même des pesticides. Les pesticides, ce sont des substances qu’on utilise normalement pour tuer les insectes, les nuisibles. Parmi les produits mentionnés, il y a :

  • le lindane
  • le dioxyde
  • le glyphosate
  • le kento scène
  • et d’autres encore…

 

Certaines de ces substances sont cancérogènes. »

 

« Mais ces substances, qu’est-ce qu’elles font à notre corps ?

Voici quelques-unes des conséquences possibles :

  • Cancer du sang
  • Cancer de l’utérus
  • Endométriose
  • Infertilité
  • Puberté précoce
  • Obésité
  • Infections
  • Règles douloureuses
  • Kystes
  • Fibromes
  • Malformations congénitales

Et la liste est encore très, très longue. »

 La vidéo a reçu 29 000 j’aime, 997 commentaires, 7 330 favoris et 6 290 partages.

@bouyel.sn

serviettes hygiéniques jetables Danger pour la santé ⚠️ #dakar #senegal #dakarsenegal🇸🇳 #senegalaise_tik_tok #dakarsenegalouestafrica #diasporasenegalaise #senegal

♬ son original – bouyel.sn

Vérification

L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié le 19 juillet 2018 sa recommandation intitulée « Évaluation de la sécurité des produits de protections intimes » au sujet des risques sanitaires relatifs à la sécurité des protections intimes. Elle indique : « Des substances chimiques ont été identifiées dans ces produits en très faible concentration et sans dépassement des seuils sanitaires. L’expertise ne met pas en évidence de risque lié à ces substances. L’Agence recommande néanmoins aux fabricants d’améliorer la qualité de ces produits afin d’éliminer ou de réduire au maximum la présence des substances chimiques. L’expertise de l’Anses a porté également sur le risque du syndrome de choc toxique menstruel (SCT). Les travaux ont montré que le risque de développer cette maladie, causée par une toxine bactérienne, est lié aux conditions d’utilisation des protections intimes. Aussi, l’Anses rappelle aux utilisatrices l’importance de respecter les règles d’hygiène liées à l’utilisation des protections, notamment la durée du port des tampons ou coupes menstruelles. »

L’Anses ajoute : « Des tests en laboratoire ont révélé la présence de diverses substances chimiques en très faible concentration et sans dépassement des seuils sanitaires. L’Anses ne met pas en évidence de risque lié à la présence de ces substances. La majorité de ces substances proviendraient de la contamination des matières premières ou des procédés de fabrication. »

Cependant, l’Anses précise aussi qu’elle recommande « aux fabricants d’améliorer la qualité des matières premières et de réviser certains procédés de fabrication afin d’éliminer ou, à défaut, de réduire autant que possible, la présence de ces substances, en particulier celles présentant des effets “cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques” (CMR), perturbateurs endocriniens ou sensibilisants cutanés ».

Elle souligne encore qu’il n’existe pas de réglementation spécifique encadrant la composition, la fabrication ou l’utilisation des produits de protection intime et recommande « l’élaboration d’un cadre réglementaire plus restrictif au niveau européen afin de limiter la présence de ces substances chimiques ». Elle soutient notamment, « dans le cadre du règlement REACh, un projet de restriction des substances CMR dans les produits d’hygiène féminine. »

L’Anses a révisé en décembre 2019 son étude intitulée « Sécurité des produits de protection intime ». Cette étude reprend notamment les travaux de l’Institut national de la consommation (INC) et du Service commun des laboratoires (SCL) de 2016 qui ont réalisé des essais sur des broyats de protections intimes, en particulier sur les tampons, serviettes et protège-slips, afin de rechercher la présence des substances chimiques. L’étude indique : « L’extraction des substances a été réalisée par solvant afin d’extraire le maximum de substances chimiques possibles. Les substances quantifiées ou détectées, au moins une fois, dans les protections intimes vendues en France via ces essais sont : – Protections externes : le butylphénylméthylpropional ou BMHCA (Lilial®), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (benzo[a]pyrène, benzo[c]fluorène, chrysène, cyclopenta[c,d]pyrène, benzo[b]fluoranthène, benzo[j]fluoranthène, benzo[k]fluoranthène, benzo[g,h,i]pérylène, benzo[e]pyrène, indéno[1,2,3-c,d]pyrène, dibenzo[a,h]anthracène), des pesticides (glyphosate et son métabolite l’acide aminométhylphosphonique (AMPA), le lindane, l’hexachlorobenzène, le quintozène et son métabolite, la pentachloroaniline) et le phtalate de di-n-octyl (DnOP), – Tampons : les dioxines et furanes (1,2,3,4,6,7,8-HpCDD ; OCDD ; 2,3,7,8-TCDF ; 1,2,3,4,6,7,8-HpCDF et OCDF) et le DnOP. »

Il est précisé : « l’usage de certaines substances pesticides quantifiées dans les produits analysés est interdit dans l’Union européenne (U.E.) : lindane et quintozène depuis 2000, hexachlorobenzène depuis 2004. Le glyphosate dont l’usage est autorisé dans l’UE a été quantifié dans certains produits ».

L’étude note également que, selon les informations transmises par les fabricants, « les substances détectées ou quantifiées dans les protections intimes par le SCL ou l’INC ne sont pas ajoutées intentionnellement, hormis le Lilial® qui est une substance parfumante. Elles seraient issues, soit d’une contamination des matières premières ou des produits finis, soit formées lors des procédés de fabrication ».

Si certaines de substances présentent bien des effets cancérogènes, l’étude indique qu’à ce stade, « aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été observé ».

Suite à cette évaluation et aux recommandations de l’Anses, les pouvoirs publics se sont saisis du sujet en 2022, et ont rédigé un décret sur l’étiquetage des protections féminines. L’article 2 de ce décret stipule que l’emballage des produits ou la notice doit comporter en langue française et de manière visible et lisible doit comporter la liste de « tous les composants qui sont présents et, pour chacun de ces composants, le détail des substances et matériaux incorporés intentionnellement durant le processus de fabrication du produit fini ». Le décret est entré en vigueur le 1er avril 2024.

Conclusion

Certaines serviettes hygiéniques contiennent bien des substances cancérogènes comme l’indique l’étude de l’Anses. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail précise toutefois qu’aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été observé. Par ailleurs, depuis le 1er avril 2024, un décret est entré en vigueur obligeant les fabricants à indiquer clairement et en français la composition des produits.

Le sujet des serviettes hygiéniques suscite tellement de préoccupations que certaines marques insistent désormais dans leurs campagnes de publicité sur l’absence de produits chimiques dans leurs protections. Cela reflète une évolution du marché, où l’argument de la composition « saine » devient un véritable levier de communication. En mettant en avant des formules « sans produits chimiques » ou « 100 % naturelles », ces marques cherchent à se démarquer, tout en répondant à une demande croissante de transparence et de sécurité.

 

Oum Elkhairy BA (Factoscope)