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Médiavivant, l’information théâtrale

Marseille 2025

1 Mai 2025

Créé en 2022, Médiavivant, un média spécialisé dans la mise en scène d’enquête, continue de transformer les moyens de consommer l’information. Sur les planches, les journalistes enquêteurs dialoguent avec le public marseillais à la recherche de la vérité.
Une fois par mois, un journaliste de Médiavivant propose une enquête sur scène face au public. Photo : Médiavivant.

Séduire et informer le grand public. Après les succès des bande-dessinées de La Revue dessinée, de Bébés sans bras, un déni sanitaire, signées par la journaliste Mélanie Déchalotte et le dessinateur Pierrick Juin, c’est au tour du théâtre de raconter l’actualité. Une initiative portée par Jean-Baptiste Mouttet, journaliste à Médiapart, et Alix de Crécy, passée par Les Inrockuptibles, Médiapart et L’Humanité. À deux, ils ont décidé de fonder Médiavivant. Avec le désir de lier le plaisir au besoin d’information. Selon Jean-Baptiste Mouttet, « nous aurions pu écrire 10 000 articles et citer des chiffres mais ça n’aurait pas touché les gens ».

C’est à la Fabulerie, tiers-lieu convivial dans le centre de Marseille que tout prend place. Une fois par mois, un journaliste s’installe sur le devant de la scène, feuilles et micro à la main. Et sous la lumière des projecteurs, il raconte, décrit et retrace des histoires profondes de notre monde. Pendant une heure, le journaliste, présente une enquête qu’il a réalisée. « Le but est de faire parler de vrais témoins, explique le créateur du média. Aujourd’hui, il y a un réel besoin de la part du public de savoir d’où vient l’information. Et pour y croire, il doit l’entendre, le voir. »

Par exemple, en décembre 2022, Médiavivant lance une enquête sur la ville ukrainienne de Marioupol. Et malgré la complexité du sujet, des réfugiés ukrainiens qui ont vécu les bombardements sont présents, sur les planches, à Marseille. « Sur certains sujets, c’est difficile de faire monter les gens sur scène », affirme Coline Charbonnier, corédactrice en chef du média 15-38 Méditerranée et autrice d’une enquête pour le média marseillais. Alors, pour combler les manques, les professionnels de l’information utilisent des illustrations, des extraits vidéos ou des témoignages pré enregistrés.

Les délais sont serrés, surtout que les productions sont exclusives dans la plupart des cas. Seules certains livres ou quelques travaux sont adaptés par le média. De la commande de l’enquête à la représentation, il y a minimum trois mois. Un laps de temps qui doit servir aux journalistes pour mener leurs investigations mais aussi pour retravailler le texte, qui passera de l’écrit à l’oral. Une partie complexe durant laquelle Médiavivant fait appel à une comédienne. « Elle nous entraîne à poser notre voix et nous montre comment nous déplacer sur scène. Cela reste du spectacle vivant. Il y a donc tout un travail de mise en scène », explique Coline Charbonnier.

Jean-Baptiste Mouttet s’est présenté sur scène lors de l’inauguration de la première enquête de Médiavivant. Photo : E. Guzman

Après la performance, un moment de discussion s’ouvre avec le public. Un « moyen de recréer le lien, de casser les barrières économiques, culturelles, sociales qui séparent le citoyen de la presse ». Ces interactions vont aussi à contre-courant des nombreuses critiques reçues par les journalistes. Depuis que Jean-Baptiste Mouttet a lancé son média, il explique être « rassuré sur (son) métier. Il y a deux cents personnes qui m’écoutent et me comprennent. J’ai l’impression de servir à quelque chose, d’être une sorte de médicament ».

Pour rester indépendant, Médiavivant a fait le choix de ne pas s’associer à d’autres médias. Mais son économie est fragile. Le média marseillais préfère se reposer sur des aides publiques et n’a pas décidé d’instaurer un prix fixe pour les prestations. « On souhaite que ce soit accessible à tous, alors chacun décide de ce qu’il paie », affirme Jean-Baptiste Mouttet. Difficile, dans ces conditions, de trouver un modèle économique viable, d’assurer des salaires fixes. Médiavivant travaille principalement avec des pigistes. Pour multiplier les entrées financières, les journalistes enregistrent leurs enquêtes pour les proposer en podcast et vidéo.

Pour se faire connaître et démocratiser cette nouvelle pratique du journalisme, Médiavivant veut s’installer comme un pilier de l’éducation aux médias mais aussi de l’éducation populaire. Après plusieurs rendez-vous à Draguignan et Montpellier, Jean-Baptiste Mouttet est ravi du résultat : « C’est réjouissant de voir des jeunes qui, petit à petit, se sentent légitimes à parler, à poser des questions à des élus. C’est une réussite à laquelle nous ne nous attendions pas. »

Si pour le moment, l’initiative ne dépasse pas les frontières marseillaises, elle tend à s’installer ailleurs. Coline Charbonnier en est persuadée, « si on multiplie ce format, on a la possibilité de recréer du lien, de recréer du dialogue, de redonner confiance dans les médias ».

Arthur CHARLIER/EPJT