3 minutes de lecture

Deux leviers puissants limitent la liberté de la presse en Algérie

Marseille 2025

30 Avr 2025

Dépendance à la publicité institutionnelle, mise en place d’une législation coercitive à l’égard des médias, l’exercice d’un journalisme libre en Algérie est rendu difficile.
Le Hirak, mouvement contestataire et populaire algérien, est né en février 2019. Photo : Amira Mahfoudi

Le Matin, La Tribune et, plus récemment, en 2022, Liberté. Un point commun lie ces quotidiens algériens francophones. Ils ont mis la clé sous la porte. Ils appartenaient pourtant au noyau de la presse libre née au lendemain des révoltes du 5 octobre 1988, qui ont conduit à une nouvel ère : celle du pluralisme politique et médiatique en Algérie. Une parenthèse vite refermée en 1992, avec le début de la décennie noire. Les journalistes ont été une des cibles principales de cette guerre civile qui a opposé le Front islamiste du salut au parti historique, le Front de libération national.

Le quotidien francophone El Watan est aussi sur la sellette. Privé de publicité publique depuis de nombreuses années, il est noyé sous les dettes financières. Le modèle économique de la majorité des médias algériens est construit sur une publicité institutionnelle, contrôlée par l’Agence nationale d’édition et de publicité. Ce monopole sert de levier de contrôle sur les rédactions. Si le ton utilisé ne convient pas, les publicités disparaissent.

Un arsenal législatif qui serre de plus en plus la vis

Rares sont les médias indépendants en Algérie qui peuvent s’émanciper de ce modèle. Maghreb Emergent et Radio M, du groupe interface média, ont fait partis des exceptions. Ils n’existent plus. Après avoir été arrêté en décembre 2022, leur dirigeant, Ihsane El Kadi, a été condamné en appel, en juin 2023, à sept ans de prison sur la base de l’article 95 du Code pénal qui condamne « quiconque reçoit des fonds, […] pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État ».

Le 1er novembre 2024, il a été libéré à la faveur d’une grâce présidentielle accordée par Abdelmadjid Tebboune. Ihsane El Kadi, 66 ans, est une figure emblématique du combat pour la liberté d’expression. Il a soutenu les acteurs du Hirak, le mouvement contestataire, né en février 2019, face à la réponse répressive des autorités algériennes.

Mais le vent d’espoir qui a soufflé sur le pays a été court. Les journalistes font aujourd’hui face à un arsenal législatif qui serre de plus en plus la vis. L’adoption, en 2023, de la loi organique relative à l’information en est un exemple. L’Algérie occupe la 139e place du classement sur la liberté de la presse de RSF en 2024.

Marie-Mene Mekaoui/EPJT