Contexte
Depuis sa prise de fonction en septembre 2022, le président de la Transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, récolte les honneurs de ses nombreuses mesures sur la plateforme X. @AfricanHub_ est l’un de ces comptes qui publient nombre de contenus flatteurs autour de la figure d’Ibrahim Traoré. Le 27 mars 2025, cet utilisateur proche du million d’abonnés indique dans une publication qui compte plus de 2 millions de vues et près de 50 000 retweets que « le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, a augmenté le salaire des fonctionnaires de 50% et a réduit les salaires des ministres et autres politiciens de 30% ». Une affirmation reprise deux jours plus tard par le compte @Its_ereko, dans une publication qui compte 13 000 vues et plus de 800 retweets.
Ces posts qui louent la politique salariale du chef d’Etat burkinabé sont loin d’être nouveaux sur la plateforme X. On retrouve, par exemple, le 15 août 2024 une publication similaire (avec près de 100 000 vues) qui appuie les mêmes allégations : une réduction de 30% des salaires des membres du gouvernement et une augmentation de 50% de ceux des fonctionnaires. Même chose encore le 18 mai 2024 par le compte nigérian aux 20 000 followers, Blueprint Newspapers.
C’est d’ailleurs ce dernier post qui a incité l’agence de relations presse PR Nigeria à contredire de telles affirmations dans un article qui reprend la forme des articles de fact-checking. Cet article pose la question suivante : « Le président Traoré a-t-il ordonné une réduction de salaire de 30% pour lui-même ainsi que pour les politiciens du Burkina Faso ? ». Il tranche en conclusion : « Notre équipe de vérificateurs conclut qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour étayer que le président Ibrahim Traoré a changé les salaires de ses ministres ».
Vérification
D’abord, il faut noter que cette décision du capitaine Traoré date d’il y a maintenant trois ans et plus précisément du 16 novembre 2022 c’est à dire quelques mois après son coup d’Etat du 20 septembre 2022. À cette époque, le chef de l’armée burkinabé enchaînait une série de mesures radicales : l’expulsion des forces militaires françaises, une diversification des partenaires internationaux, mais aussi l’annulation de certains décrets signés par son prédécesseur, le président par intérim Paul-Henri Sandaogo Damiba. Cette dernière décision avait été communiquée aux médias nationaux tels que le média en ligne burkinabé Lefaso.net qui offre à ses lecteurs le compte-rendu de chaque Conseil des ministres depuis la prise de pouvoir du capitaine Traoré. La télévision publique du Burkina Faso, la RTB, a également offert en direct une lecture de ce même compte-rendu sur son plateau, le soir du 16 novembre 2022.
Dans les détails de ce compte-rendu, on retrouve l’abrogation d’un décret signé par l’ex-président Paul-Henri Sandaogo Damiba le 15 avril 2022. Un décret qui doublait les salaires du chef de l’Etat et des membres du gouvernement. Des montants qui s’élèvent, d’après les calculs du journal burkinabé L’Événement, à plus de 2 700 000 FCFA pour le Premier ministre, soit un peu plus de 4 000 euros, et autour de 2 300 000 francs CFA (environ 3 600 euros) pour les autres ministres du gouvernement. L’abrogation de ce décret par le capitaine Traoré a entraîné un retour à de précédentes dispositions. Avant l’augmentation du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandogo Damiba, le décret de 2008 était en vigueur. Ce dernier prévoyait que les membres du gouvernement touchent un salaire de près de 900 000 FCFA (environ 1400 euros) et 1 308 000 FCFA (environ 2 000 euros) pour le Premier ministre. In fine, les salaires sont ainsi presque réduits de 50%. La réduction est donc bien réelle mais supérieure aux 30% indiqués dans ces diverses publications sur les réseaux sociaux. Le président Traoré, avait même précisé, le 17 novembre 2022 au moment de l’abrogation du décret, vouloir garder son salaire de capitaine et renoncer à sa rémunération de chef d’Etat qui atteint les 2 500 000 FCFA (environ 4 000 euros). À noter tout de même que son salaire exact reste inconnu.
Aucun décret, ni document officiel publié sur le site officiel du gouvernement du Burkina Faso ne révèle toutefois une volonté de la part du capitaine Traoré d’augmenter de 50 % les salaires des fonctionnaires ou autres travailleurs comme le précisent les mêmes publications sur X. De telles affirmations lancées par divers comptes sur les réseaux sociaux comme @AfricanHub_, ou @Its_ereko ne sont pas fondées. Si, exceptionnellement, les ministres burkinabés ont consacré 50 % de leurs salaires du mois de novembre 2022 à la Caisse nationale de solidarité au profit des personnes en difficulté (comme les personnes déplacées internes face à la menace terroriste au Nord), aucune mesure similaire n’a été prise depuis. Et rien n’est mentionné à propos d’une quelconque augmentation des salaires des fonctionnaires du pays. Au contraire, le chef de l’Etat a même adopté, en janvier 2024, un décret qui permet le prélèvement de 1% du salaire net des travailleurs afin de soutenir l’effort de guerre au Nord du pays.
Conclusion
Le capitaine Ibrahim Traoré, président du Burkina Faso, a bien réduit les salaires des ministres de son gouvernement comme le révèle le compte-rendu d’un Conseil des ministres tenu le 16 novembre 2022. Si certains comptes sur les réseaux sociaux affirment que cette réduction est de 30%, elle est en réalité supérieure et avoisine les 50%. Néanmoins les affirmations sur « une augmentation de 50 % » du salaire des fonctionnaires ou autres travailleurs sont, elles, infondées.