A l’avant-veille de l’ouverture de la COP 28 qui s’est tenue aux Émirats-Arabe-Unis du 30 novembre au 13 décembre 2023, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a déclaré dans une publication sur sa page Facebook le 28 novembre 2023, que « 80% des personnes affectées par la crise climatique sont des femmes ». Le post est accompagné d’un texte affirmant que « les effets de la crise climatique et de la dégradation de l’environnement exacerbent les risques de violence à l’égard des femmes et des filles en raison des déplacements, de la pénurie de ressources, de l’insécurité alimentaire et de l’interruption de la fourniture de services aux survivants (…). »
Les femmes constituent-elles vraiment 80 % des personnes affectées par la crise climatique ?
Les preuves de l’auteur
Fasocheck a contacté le PNUE pour connaitre la source de cette affirmation. L’organisation onusienne a indiqué avoir tiré cette donnée d’un article du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur des femmes activistes pour l’égalité de genre. En parcourant cette publication du PNUD, nulle part il n’est mentionné que les femmes constituent 80% des personnes affectées par la crise climatique dans le monde.
Le PNUD a plutôt déclaré dans la version anglaise de cet article, que « jusqu’à 80 pour cent des personnes déplacées par le changement climatique sont des femmes ». L’organisation précise que ces données sont conformes à celles contenues dans ses précédents rapports (2015 et 2016) consacrés aux effets des changements climatiques. Aucun d’eux ne fourni cependant de sources sur cette donnée.
D’où vient finalement ce chiffre ? « Après un examen approfondi, nous n’avons pas pu retracer la source originale des statistiques fréquemment citées par diverses organisations des Nations Unies et internationales. Compte tenu de cela, nous avons décidé d’omettre cette référence de notre histoire Web et de toutes les autres mentions associées », a confirmé le PNUD dans un mail adressé à Fasocheck.
Source de données introuvables
Une recherche avancée sur internet a permis de retrouver une note de 2020 du « Agenda2030Feminista » appelant à agir contre les causes et les impacts du changement climatique. AgendaFéminista2030 est une plateforme catalane œuvrant dans la défense des droits sexuels et reproductifs.
Dans cette note, il est indiqué que « les femmes représentent plus de 80 % des personnes déplacées par le changement climatique. Elles représentent 20 millions des 26 millions de personnes (77 %) qui, selon les estimations, ont été déplacées par le changement climatique ». Cette note mentionne comme source un rapport publié en 2010 intitulé Women’s Environmental Network. Gender and the Climate Change Agenda: The Impacts of Climate Change on Women and Public Policy. .
Fasocheck a aussi consulté ce rapport. La page 13 dédiée au sort des femmes victimes de l’ouragan Katrina qui a frappé la côte sud-est des Etats-Unis d’Amérique en 2005, avance que « bien qu’elles représentent 54 % de la population de la ville, 80 % des personnes restées sur place étaient des femmes ». Ce rapport invoque à son tour une brochure de 2004 de Lorenna Aguilar qui a traité le rôle des femmes dans la prévention et la gestion des catastrophes naturelles. L’auteur affirmait à l’époque qu’ (…) « il est prouvé que les migrations causées par le changement climatique auront un impact plus important sur les femmes. En effet, on estime que les femmes représentent jusqu’à 80 % des populations réfugiées et déplacées dans le monde et que, dans les situations d’urgence, 70 à 80 % des personnes ayant besoin d’aide sont des femmes et des enfants ». Elle ne déclare pas que ces données sont les résultantes des changements climatiques.
Fasocheck a contacté par mail le Dr Lorena Aguilar, chercheuse sur les questions de genre à l’Université de Binghampton aux Etats Unis. Elle a prévenu que les 80 % de réfugiés et déplacés n’étaient pas liés spécifiquement par le changement climatique, mais à des causes multiples.
Les femmes dans le changement climatique
Un article publié sur frontiers, une plateforme scientifique ouverte, suggère que des recherches et analyses approfondies sont nécessaires pour comprendre l’impact du changement climatique lié au genre.
Le changement climatique, selon ONU Femmes, exacerbe les inégalités de genre, mettant en péril la sécurité et le bien-être des femmes et des filles à travers le monde. L’organisation des Nations Unies chargée des questions de genre a signalé que la crise climatique expose les femmes et les filles à des défis tels qu’une augmentation de la violence, des mariages forcés d’enfants, la déscolarisation et une insécurité alimentaire croissante.
ONU Femmes ajoute que le mariage précoce est perçu comme une solution aux pressions économiques résultant des conséquences du changement climatique.
Conclusion
La déclaration du PNUE selon laquelle 80% des personnes affectées par la crise climatique sont des femmes est non prouvée. Si le PNUE cite le PNUD comme source, ce dernier affirme plutôt que « jusqu’à 80 pour cent des personnes déplacées par le changement climatique sont des femmes ». L’organisation onusienne en charge des questions de développement n’a pas pu fournir la source de ces données.
N’ayant pas pu retracer la source originale de cette statistique, le PNUD a indiqué à Fasocheck qu’elle procède à son retrait de ses productions web.
Enfin, Fasocheck n’a pas trouvé d’étude d’envergure mondiale sur l’impact des changements climatiques sur les femmes.
Adnan Salif Hamidou SIDIBÉ
Lire l’article original sur Fasocheck : https://fasocheck.org/fact-checking/pas-de-preuves-que-les-femmes-constituent-80-des-personnes-affectees-par-la-crise-climatique/