Charlotte Clavreul, directrice exécutive des Fonds pour la presse libre. Photo libre de droit.
Le Fonds pour une presse libre est la première structure en France à avoir été reconnu mission d’intérêt public pour la protection de l’indépendance du journalisme. Charlotte Clavreul est la directrice exécutive.
Pourquoi le Fonds pour une presse libre a-t-il été créé ?
Charlotte Clavreul. Le Fonds pour une presse libre (FPL) a été créé fin 2019 à l’initiative des cofondateurs de Mediapart avec deux objectifs. Le premier, monter cette structure pour rendre indépendant leur capital. La structure juridique s’inspire du Guardian. Le FPL contrôle le capital de Mediapart via une holding, c’est-à-dire une société pour la protection de l’indépendance du journal. Nous sommes propriétaires de ce capital. Il n’est ni cessible, ni spéculatif. Le second objectif est de protéger le pluralisme de la presse et l’indépendance de l’information.
Comment le Fonds pour une presse libre agit-il pour l’indépendance de la presse ?
CC. Nous accordons des aides financières aux médias indépendants qui candidatent à nos appels à projets. Nous en publions un par an. Ces propositions peuvent impliquer une innovation éditoriale ou des développements techniques. Cela peut être une création de podcasts, la réalisation d’enquêtes longues ou l’amélioration d’une newsletter.
De manière plus précise, comment accordez-vous des aides financières ?
CC. Nous pouvons accorder des aides financières de deux manières différentes. D’abord, sous la forme de subventions qui tournent en général autour de 15 000 euros ou par le biais d’avances remboursables qui débloquent des sommes plus importantes. Dans ces cas-là, cela peut aller jusqu’à 45 000 à 50 000 euros. Nous avons mis en place ce dispositif car les médias n’ont très peu voire pas du tout accès aux établissements bancaires. Quand ils obtiennent des prêts, ce sont à des taux assez élevés. C’est pourquoi nous faisons des avances de trésorerie sans taux d’intérêt. Mais l’organisme n’apporte pas seulement une aide financière, il sensibilise aussi les grands publics. C’est dans cette démarche que sont inscrits les États Généraux de la presse indépendante.
Était-ce une volonté d’inscrire les États généraux de la presse indépendante en même temps que les États généraux de l’information lancés par l’Élysée ?
CC. Oui, Emmanuel Macron a lancé les États généraux de l’information (EGI) le 3 octobre 2023, mais la méthode utilisée n’était pas la bonne. Il n’aurait pas dû lancer ces EGI sans consulter au préalable les journalistes et les syndicats de la profession. Il n’y a pas de transparence sur cette démarche. Les rapporteurs des groupes ont été nommés de façon opaque. Nous avons organisé ces États généraux de la presse indépendante pour montrer que des réformes sont en cours d’élaboration depuis des années. Certaines sont vieilles de trente ans. Il y a une exaspération des journalistes sur les conditions de travail et la mainmise des médias.
Vous avez été auditionnés par les différents groupes qui composent les États généraux de l’information. Est-ce que cela peut influencer leurs conclusions ?
CC. Même si nous avons été auditionnés par le groupe 2 intitulé « citoyenneté, information et démocratie », le 3 sur “l’avenir des médias d’information et du journalisme » et le 5″ spécialisé sur l’État et la régulation », nous ne croyons pas trop aux EGI. Nous voulons qu’une vraie loi sur la presse soit mise en place. C’est une demande commune. La preuve, nous avons réussi à réunir 100 signataires dont des médias indépendants, des organisations syndicales et des associations de défense des droits pour écrire 59 propositions. Ensuite, nous nous sommes mis d’accord sur 16 recommandations à défendre devant les parlementaires. Récemment, nous avons été auditionnés à l’Assemblée Nationale par Violette Spillebout. Nous avons été agréablement surpris du rapport parlementaire sur la Loi Bloche, car des propositions des États généraux de la presse indépendante ont été reprises, comme l’existence juridique des rédactions. Pourtant, rien ne bougeait il y a encore un an, voire six mois à peine. Il y a eu une prise de conscience avec les États généraux de la presse indépendante.
Les prochains États généraux de la presse indépendante se tiendront à Lille le 3 avril prochain. Avez-vous remarqué une différence avec ceux organisés à Paris ?
CC. Oui, contrairement à ceux organisés à Paris, nous avons des échanges avec le public pour préparer l’événement. À Marseille, des rapporteurs sont allés sur la Cannebière pour interroger les habitants de la ville sur leurs ressentis vis-à-vis des médias. Pour certains, ce qui ressort, en plus de la défiance envers les médias, c’est d’être noyé sous l’information. L’indépendance des médias était aussi un sujet d’inquiétude.
Recueilli par Inès FIGUIGUI et Noé GUIBERT