Alhussein Sano (à gauche) et Albéric De Gouville (à droite) discutent de la liberté de la presse sur la scène de l’Agora à Mame.
Photo : Tom Demars-Granja/EPJT
La Maison des Journalistes intervient tous les matins à 9h15 à l’Agora de l’Espace MAME devant un public de collégiens et de lycéens. L’association a été fondée en 2002 pour accueillir les journalistes réfugiés en France et pratique l’éducation aux médias et à l’information (EMI) depuis 2007.
L’Agora n’est pas encore tout à fait remplie mardi 28 mars à 9 h du matin. Ce sont principalement des adolescents qui sont assis, même si la conférence est ouverte à tous. Tous les matins, de 9h15 à 10h30, pendant les Assises, la place est laissée à la Maison des Journalistes (MDJ).
Sur la scène, deux intervenants : Albéric De Gouville et Alhussein Sano. Le premier est le président de l’association. Le second est un journaliste guinéen, demandeur d’asile, qui vit en ce moment à la MDJ à Paris.
Car accueillir des journalistes en exil, menacés pour leur profession dans leurs pays d’origine est la priorité de cette association, fondée en 2002. « Il y a quatorze chambres pour six à huit mois de présence par personne, le temps que les demandes d’asile soient acceptées » explique Albéric De Gouville.
L’association propose à ses protégés des aides pour les démarches, des cours de français et organise des évènements. Elle est financée par des organismes français, le fond européen pour les réfugiés et par des médias partenaires.
Ce n’est pas tout : « L’autre mission principale de la Maison, c’est l’éducation aux médias et à l’information », précise M. De Gouville. A travers le projet Renvoyés Spécials, les journalistes de la Maison rencontrent des classes de collèges et de lycées à travers la France. Pendant les Assises internationales de journalisme de Tours, cette rencontre a lieu à Mame.
Arrêté par la junte guinéenne
Alhussein Sano est un professionnel de médias depuis 2007. En Guinée, il travaillait à la tête d’une agence de production. Celle-ci travaillait en collaboration avec la RTJ, la radio-télévision publique guinéenne. Lui-même a exercé le poste d’animateur d’une émission de télévision culturelle. En 2013, il devient directeur des programmes de la chaine.
En 2017, « le directeur général est remplacé par un militant du parti au pouvoir » explique Alhussein Sano. La ligne éditoriale change pour une promotion active du président, Alpha Condé et de son troisième mandat consécutif. « Je me suis opposé à cette promotion et j’ai donc été rétrogradé. Par la suite, je me suis surtout concentré sur mon agence de production. » C’est là que les ennuis ont commencé : « Je louais mon matériel aux opposants, j’ai fait un documentaire sur les oppositions au troisième mandat, j’interviewais des jeunes de cette frange. On refusait de diffuser mes productions. »
En 2021, il y a eu un coup d’Etat militaire en Guinée. M. Sano continue à louer son matériel aux mêmes opposants. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de mise au placard mais de menaces physiques. « J’ai été arrêté deux fois, à la première, j’ai été emprisonné et j’ai réussi à m’enfuir. C’était en juin 2022. Un mois plus tard, après la première grande manifestation de juillet contre la junte. Le lendemain, on est revenu m’arrêter. J’ai une nouvelle fois réussi à m’enfuir et ai préféré quitter le pays avec ma famille. »
« Ca me fait du bien ces rencontres »
Sano arrive donc en France fin 2022. « J’ai découvert la Maison des journalistes sur internet. Je les ai contactés, ils m’ont poussé à faire ma demande d’asile. » Après trois mois en hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile à Strasbourg, puis dans un centre d’urgence à Reims, il est finalement recontacté par la MDJ et s’y installe le 7 décembre dernier.
Il a participé lui-même aux opérations Renvoyé Spécial à Paris et à Montpellier. C’est la première fois qu’il vient aux Assises de Tours. « Ça me fait du bien ces rencontres. Cela me permet de parler de mon métier. J’échange avec des collégiens et des lycéens, je leur parle de l’importance de la liberté d’expression qui est un pilier de la démocratie et même, pour moi, un pilier de l’existence. »
Laura Blairet