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[INTERVIEW] Jean-Marie Charon : « Face aux jeunes qui arrêtent le métier, les rédactions sont dans le déni »

Tours 2022

11 Mai 2022

Photo : Clémentine Louise/EPJT

Jean-Marie Charon, sociologue des médias, est l’auteur avec Adénora Pigeolat de Hier, journalistes : ils ont quitté la profession, paru en 2021 aux éditions Entremises. Dans le cadre du baromètre social des Assises, il est intervenu pour expliquer la désertion de nombreux jeunes journalistes.

 

 

 

Vous avancez l’idée que les jeunes journalistes ont conscience des difficultés rencontrées pour s’insérer dans le milieu. Peut-on parler d’un désenchantement lorsqu’ils quittent le métier ?

Jean-Marie Charon.  Ils savent que ça va être difficile mais entre ce qu’on vous dit et ce que l’on vit, c’est très différent. L’expérience en rédaction est beaucoup plus destructrice que ce qu’ils avaient imaginé. Dans d’autres secteurs, notamment le numérique, ils affirment avoir été bien mieux accueillis et bien mieux payés. Ils ne sont pas forcément épanouis car ce n’est pas le métier qu’ils souhaitaient faire mais c’est plus sécurisant.

Les rédactions ont-elles conscience des difficultés que rencontrent les jeunes journalistes ?

JM. C.  Les rédactions sont dans le déni. Beaucoup de journalistes expliquent que eux aussi ont dû persévérer au début pour se faire une place et que c’est donc normal. Les rédactions estiment aussi parfois que les jeunes journalistes sont mal formés en école, même si ces derniers assurent au contraire recevoir une formation très complète. Et puis les contraintes économiques du secteur mettent aussi une pression sur les rédactions qui doivent parer au plus pressé.

Ce problème de décrochage n’est visible qu’en France ou aussi dans d’autres pays ?

JM. C. En Belgique, cette tendance est encore plus forte. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’il n’y ait pas de concours pour entrer en école de journalisme. Beaucoup d’étudiants sortent diplômés et se heurtent au peu d’emplois qu’il y a dans le domaine. On remarque aussi qu’il y a encore moins de filles qui arrivent à devenir journalistes après leurs études qu’en France.

 

Recueilli par Clémentine Louise/EPJT