Retrouvez l’essentiel de la conférence #LESMÉDIAS. JOURNALISME ET « GILETS JAUNES »
Animé par Ariane Chemin, grand reporter au journal Le Monde et présidente du jury des Assises. Avec Rémy Buisine, reporter pour BRUT ; Gabin Formont, fondateur de Vécu, le média du gilet jaune ; Arnaud Mercier, professeur en communication université Paris 2-Assas, directeur des études de l’IFP, chargé de mission au HCERES ; Coralie Pierre, journaliste et membre du collectif « Paye toi un journaliste » ; Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFM.
LES ENJEUX
Cinquante-trois pour cent des Français estiment que la plupart des médias ont mal couvert le mouvement des Gilets jaunes, car ils n’auraient montré que certains aspects du mouvement et n’auraient pas donné la parole à tous, d’après un sondage de Viavoice réalisé auprès de 1000 personnes représentatives de la population. Les journalistes n’ont pas vu venir la crise. Puis, ils l’ont difficilement racontée. La soirée d’ouverture revenait sur le traitement médiatique du mouvement des Gilets jaunes, quatre mois après son émergence.
CE QU’ILS ONT DIT
Rémy Buisine : « On a eu un grand échec. C’est qu’on a jamais été capable de mettre en contradiction les chiffres du ministère de l’intérieur. On s’est toujours basés sur leurs chiffres. Mais il y a certains moments où ils donnaient le chiffre de 800 personnes à Paris, or on voyait bien qu’ils étaient plusieurs milliers. On ne donnait que le tempo que voulait donner le ministère. »
« J’aimerais aussi regarder les choses positivement. Ce mouvement des Gilets jaunes quelque part a permis de donner la parole à une France qui ne l’avait jamais depuis des décennies. Une France spectatrice qui s’est appropriée ce champs-là. D’un point de vue démocratique et de pluralité des opinions, c’est quelque chose de formidable. »
Arnaud Mercier : « Ce qui est intéressant, c’est la médiatisation des gens qui se sont mis en mouvement. Des gens qui ont été invisibles. D’où, pour certains, le ressentiment pour les médias. Je crois que les médias ont raté quelque chose depuis un moment sur le fait qu’il y a une transformation profonde. »
Céline Durchon : « C’est très perturbant d’arriver à un rond-point où il y a 400 personnes et de ne pas savoir à qui s’adresser car il n’y a pas d’organisateur déclaré. C’est inédit. »
Céline Pigalle : « Il n’y a pas ceux qui ont réussi et ceux qui ont raté cette crise, il y a eu différentes façon de l’approcher. (…) Il y a une chose qui m’a beaucoup frappée, c’est que la colère a été tellement puissante et contenue depuis longtemps que personne ne pouvait l’arrêter. »
« C’était très instructif d’aller à la rencontre des gens pendant les manifestations des Gilets jaunes. Non seulement, ça ne me fait pas peur mais j’aime ça. Comme toujours, les rencontres et les échanges, ça vous apporte quelque chose. »
Gabin Formont : « Je pense qu’on a permis aussi de médiatiser les blessés. On a fait plus d’une trentaine d’interviews de blessés de diverses gravités. Mais on a été médiatisés pour toute autre chose. Ça a fait peur aux médias traditionnels et ça les a obligé à enlever les blessés de l’ombre et je pense qu’on y a grandement contribué. »
« Je n’ai pas fait d’école de journalisme, je n’ai pas de diplôme de journaliste, je n’ai pas de carte de presse. Je suis un citoyen qui fait un travail journalistique. J’ai monté Vécu, c’est très soutenu. On ne veut ni subvention de l’État, ni actionnaire. »
À RETENIR
Lors de ce débat animé, la question de la couverture des blessés a été longuement évoquée. Céline Pigalle a reconnu avoir pris en compte très tard les blessés. Le sondage est peu rassurant avec 15 % des sondés qui peuvent comprendre que des personnes s’en prennent physiquement aux journalistes. Le débat s’est conclu par plusieurs interventions de spectateurs, dont un homme reprochant à Ariane Chemin d’avoir participé au débat au lieu de l’animer, en reproduisant ainsi ce qui a lieu sur les plateaux télé.
Melena HELIAS