Retrouvez l’essentiel de la conférence « #lesmedias Tous les mêmes ? » côté sud
Animé par la journaliste Stéphanie Wenger, avec Assil Frayha, journaliste à Mégaphone (Liban), Omar Belhouchet, propriétaire d’El Watan (Algérie), Hasna Belmekki, journaliste freelance (Maroc), Younes Boumehdi, animateur à Hit Radio (Maroc), Rym Ben Arous, journaliste à Le temps (Tunisie) et Malek Khadhraoui, rédacteur en chef d’Inkyfada (Tunisie).
LES ENJEUX
Les interrogations liées au thème des Assises du journalisme, Tous les mêmes ?, peuvent se décliner aux pays voisins, de l’autre côté de la Méditerranée. A la suite des diverses révoltes dans les pays arabes, les journalistes ont dû réapprendre leur métier pour retrouver leur liberté et leur crédibilité auprès du public. Lors des premières manifestations algériennes, les médias publics n’évoquaient pas du tout ces événements. Pourtant, certains journalistes se sont rebellés, en démissionnant ou en faisant passer des pétitions. Ces révoltes résonnent aussi avec la révolution tunisienne de 2011. Rym Ben Arous, journaliste locale, explique : «Ce qui est drôle, c’est qu’avant la révolution nous avions onze millions de spécialistes sportifs, puisqu’on ne pouvait pas évoquer les sujets politiques. Après la révolution, chacun s’est mis à devenir journaliste en publiant tout et n’importe quoi.»
CE QU’ILS ONT DIT
Omar Belhouchet : «Les manifestations algériennes n’étaient pas relayées par les médias. Il y a eu quelques incidents, qui eux ont été médiatisés par le secteur public, pour effrayer le peuple, en ressortant des images d’archives des décennies noires. Mais aujourd’hui, on n’a plus de peur de dire non au système.»
Rym Ben Arous : «Les journalistes sont les heureux bénéficiaires de la révolution tunisienne. Aujourd’hui, la parole s’est libérée, on peut parler de tout. Avant, lorsqu’on évoquait des sujets sensibles, on disparaissait. Maintenant, on nous attaque en procès.»
Younes Boumehdi : «En dehors d’être une radio de divertissement, on voulait donner la parole aux personnes qu’on écoutait peu, les jeunes. Sur ces émissions, les jeunes parlaient sans censure, notamment sur les sujets autour de la sexualité. Une fois qu’on donne la parole aux jeunes, ils veulent la garder.»
Assil Frayha : «A Mégaphone, notre objectif était d’engager le public dans le débat. Il était important de ne pas devenir comme les nouveaux médias, qui sont élitistes et liés à des groupes religieux ou à l’État. On est tous bénévoles, on va à la rédaction après notre travail. Ma mère ne me croyait pas quand je rentrais après minuit!»
Omar Belhouchet : «Lorsque Bouteflika a annoncé sa démission, on est retourné à la rédaction. Les agences de presse avaient publié des articles en écrivant: «Pas de cinquième mandat!». Mais on a relu le texte et on s’est interrogé : ce n’est pas un cinquième mandat, c’est un quatrième qui se prolonge !»
Hasna Belmekki : «Au Maroc, il y a trois lignes rouges intouchables : le Roi, la religion et l’intégrité territoriale, c’est-à-dire le Sahara.»
À RETENIR
Aujourd’hui, de nombreux médias sont encore soumis au contrôle de l’État, ou censurés lors des dictatures. Pour retrouver une certaine crédibilité, les organes de presse prennent des initiatives. Hit Radio cherche à interagir davantage avec le public, en donnant la parole aux jeunes à travers des débats. Pour Younes Boumehdi, l’importance est d’incarner le média : «Il faut montrer aux auditeurs qui il y a derrière le média et être idéologiquement neutre». La transparence est aussi le maître mot, avec un besoin d’indépendance financière. Omar Belhouchet insiste aussi sur l’importance de la démocratie : «La qualité des médias dépend aussi de l’état de la démocratie de nos pays. Si les journalistes tunisiens ont atteint une certaine indépendance, c’est parce que la population s’est révoltée.»
Perrine BASSET