C’est au total trois images. Sur chacune, on aperçoit un avion A400M sur l’aérodrome de l’aéroport de Cotonou, des herbes et un mur garni de barbelés. Dans le texte qui accompagne les clichés, l’auteur de la publication, Egountchi Behanzin, activiste et panafricanisme très populaire en Afrique de l’Ouest alarme :
« ALERTE INFO | ARMÉE FRANÇAISE AU #BÉNIN ? Selon nos informations, l’avion militaire français de transport qui avait atterri à l’aéroport de Cotonou le mardi 28 mai 2024 aux alentours de 18 h 58 est reparti ce jeudi 30 mai 2024 vers deux heures du matin après avoir déchargé des hommes et du matériel militaires à l’abri des regards dans un hangar de l’aéroport. »
L’activiste croit avoir la preuve d’une manœuvre de déstabilisation des États du Sahel en froid avec la France. « Nous posons encore une fois la question au gouvernement béninois : si le Bénin sous Patrice Talon n’a pas autorisé l’installation d’une base militaire de l’armée d’occupation française avec ses militaires pour la déstabilisation de ses voisins de l’AES, comme le Niger. Que vient donc faire l’avion militaire et pourquoi des hommes et du matériel ont-ils été déchargés ? », interroge Egountchi Béhanzin
Dans la suite de son texte rédigé en des termes peu courtois, l’activiste accuse le Président béninois d’avoir « trahi » son peuple, pour, dit-il, s’être fait « le vassal de l’oligarchie française et cireur de bottes de #Macron le rejet ».
À la date du mardi 4 juin 2024, la publication a enregistré 5 714 vues, 173 likes et 64 partages sur X. Sur Facebook, le même texte accompagné des images a suscité 61 commentaires, plus de 240 likes alors que 64 internautes l’ont partagé.
Sur fond de tension entre le Bénin et le Niger
La publication de l’activiste Egountchi Behanzin intervient dans un contexte de crise entre Cotonou et Niamey. Lors d’une conférence de presse, Ali Lamine Zeine, premier ministre nigérien, a accusé le Bénin d’abriter des bases militaires qui serviraient également à entraîner des terroristes en vue d’attaquer le Niger. Ces accusations ont été réfutées par les autorités béninoises notamment Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement béninois.
« Le général Tchiani, s’il a l’occasion d’entendre cet audio, qu’il envoie tout ce qu’il a comme médias indépendants au Niger, ils n’ont qu’à venir, on va leur faire visiter le Bénin, depuis Cotonou jusqu’à Malanville en passant par tous les coins, les axes frontaliers et ils viendront regarder s’il y a une base (militaire française, Ndlr) ici », a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec la presse, vendredi 10 mai 2024.
Un avion militaire belge
Les recherches de Badona avec l’outil de surveillance des vols en direct, Flightradar, montrent qu’un seul avion militaire semblable à celui retrouvé sur les images a atterri à l’aéroport international Bernardin Gantin de Cotonou entre le 28 et 30 mai 2024. Sauf qu’il s’agit d’un Airbus A400M, CT-05 de l’armée belge, immatriculé BAF 658. En provenance de Kinshasa en République démocratique du Congo (RDC), l’appareil s’est posé à l’aéroport de la capitale économique du Bénin le 26 mai 2024. Il est reparti le même jour avant de revenir le 28 mai 2024 pour finalement décoller le 30 mai 2024 en direction de Bruxelles, capitale de la Belgique.
Capture d’écran de l’arrivée et du départ du vol BAF658
Contactée par Badona, l’ambassade de la Belgique au Bénin a confirmé l’arrivée d’un avion militaire belge à l’aéroport de Cotonou à la date du 28 mai 2024 comme mentionné par l’activiste Egountchi Behanzin. « Un avion militaire belge en provenance de la R.D.C. s’est en effet posé à Cotonou en fin de journée le 28/05 pour une escale technique et il est reparti le 30/05 », a assuré la représentation diplomatique belge.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un avion militaire belge se pose à Cotonou. À ce sujet, apprend l’ambassade de Belgique, « des avions militaires belges se posent régulièrement à l’aéroport de Cotonou dans le cadre de notre coopération bilatérale de défense avec le Bénin. Cette coopération consiste principalement en des formations des Forces armées béninoises (FAB) par la Défense Belge, toujours sur demande des FAB ».
Vue des données sur le BAF 658
En plus de l’ambassade de la Belgique, l’arrivée d’avion militaire belge dans la capitale économique le 28 mai 2024 est confirmée du côté du gouvernement béninois. « En provenance de la RDC (28/05/24) et à destination de la Belgique (30/05/24), un courrier militaire de l’armée de l’air belge reliant la RDC à la Belgique en A 400M. Cet avion a pour destination Bruxelles », répond Cotonou.
Les autorités béninoises précisent que « ce genre de liaison militaire de l’armée belge est quasi mensuel. Il en est de même des liaisons militaires américaines, et des autres pays européens qui en font la demande ».
Joint par Badona, l’ambassade de France à Cotonou réfute l’arrivée d’un avion militaire de l’armée française dans la semaine du lundi 27 au 2 juin 2024. « Aucun A400M français ne s’est posé à l’aéroport de Cotonou cette semaine. Il est possible que cet appareil soit un appareil belge donc pour toute information complémentaire, nous vous renvoyons vers l’ambassade de Belgique et l’attaché de défense belge », a répondu l’ambassade de France.
Des hommes débarqués ?
Difficile de dire si l’avion militaire belge a démarqué des hommes à son atterrissage à Cotonou. Interrogée à ce sujet, l’ambassade de Belgique au Bénin répond que « seul l’équipage a débarqué, pas de matériels ». Les autorités béninoises indiquent aussi que l’appareil a fait une escale « de 48 h pour ravitaillement et relève quelque quatre instructeurs ». Elles ajoutent : « Y a-t-il trace d’hommes débarqués ici ? Si l’équipage descend de l’avion le temps de l’escale de 48 h, cela ne serait-il pas normal ?»
Les vérifications de Badona au sujet d’une coopération militaire entre la Belgique et le Bénin ont également permis d’en savoir plus. Le site web du gouvernement béninois renseigne que cette coopération concerne « le renforcement des capacités des ressources humaines à travers la formation des personnels officiers, l’organisation conjointe d’exercices militaires, la réalisation d’infrastructures, l’appui technique, le déminage et autres ».
Selon un article du site de la défense belge, Beldef news, « depuis 2023, les unités de combat de la défense belges (les bataillons du 12/13 de Ligne de Spa, du 2 Commando de Flawinne, et du 3 Parachutistes de Tielen) se relayent pour épauler leurs frères d’armes de la Garde nationale (mise en place dans la lutte contre le terrorisme au Bénin) ».
Qui est Egountchi Béhanzin ?
Âgé de 36 ans, Egountchi Béhanzin de son vrai nom Sylvain Afoua est un Français d’origine togolaise. En 2022, il voyage pour la France après l’assassinat de son père, Marcel Afoua dit Great où il a été pris en charge par les services sociaux, apprend Actu Togo.
Sur les réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter) et Facebook, Egountchi Béhanzin se présente comme Panafricaniste et révolutionnaire. Il est le fondateur et président d’une organisation dénommée la Ligue de défense noire africaine (LDNA).
Ce mouvement qui se présente comme révolutionnaire dit de la défense des droits des afrodescendants et des Africains a été dissous en 2021 par une décision prise en conseil des ministres, mercredi 29 septembre en France. Pour cause, le mouvement est accusé de « diffusion d’idéologie appelant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’orientation sexuelle ». La décision précise que la LDNA a été « impliquée de manière récurrente dans l’organisation d’actions coup de poing isolées ou à l’occasion de manifestations commentant ou appelant à commettre des agissements violents ».
Farouche opposant à la présence française en Afrique, Egountchi Béhanzin s’est fait connaître par ses déclarations tendancieuses. En juin 2020, il a accusé la France de « pays terroriste, colonialiste, esclavagiste ». Dans une vidéo publiée sur X (ex-Twitter), le 6 septembre 2020, l’activiste a récidivé en accusant “l’État français d’empêcher le développement des pays africains ». « Aujourd’hui, l’Afrique est devenue le nouveau camp de concentration. C’est le nouveau Auschwitz de l’État français », a affirmé Egountchi Béhanzin depuis le Mali. Son surnom Béhanzin est emprunté au roi Béhanzin, roi du Danxomè connu pour sa résistance à la pénétration française en Afrique (1889-1894).
Verdict
Contrairement à la publication de l’activiste panafricaniste, Egountchi Behanzin, l’avion militaire qui s’est posé à l’aéroport de Cotonou le 28 mai 2024 n’est pas français. C’est un appareil militaire belge A400M, CT-05, immatriculé BAF 658 qui a fait escale à Cotonou pour officiellement se ravitailler. Il n’existe aucune preuve de débarquement de matériels militaires comme l’affirme Eguntchi Béhanzin. Il est également indiqué que la Belgique et le Bénin entretiennent une coopération militaire depuis des lustres.
Lire l’article original sur Bénin Check Info : https://www.badona.info/detox/article/20240607-fausse-alerte-de-egountchi-behanzin-cet-avion-militaire-vu-a-cotonou-n-est-pas-francais-voici-ce-que-vous-devez-savoir