Non, une personne sans-papier sur le territoire français n’a pas 13 voies de recours avant expulsion

France
Politique

21 Déc 2023

3 minutes de lecture
Le député Renaissance Sylvain Maillard a affirmé que les personnes sans-papier avaient, en France, 13 voies de recours pour ne pas être expulsées. Des propos qui portent à confusion car si de nombreuses voies de recours sont ouvertes aux personnes sans-papiers, elles ne sont pas cumulatives.

Invité du grand entretien de France Inter, mardi 12 décembre 2023, dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi sur l’immigration, porté par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le député Renaissance Sylvain Maillard a soutenu, que : « Pour le moment on a 13 recours, c’est-à-dire que quand vous n’avez pas de papiers, que vous êtes migrants, vous avez 13 voies de recours, c’est-à-dire que ça prend plus de 3 ans. » Il fait ainsi référence aux personnes sans-papiers qui chercheraient à éviter une expulsion.

Dans son rapport du 5 mars 2020, le Conseil d’État propose un état des lieux du contentieux des étrangers. Il synthétise la multiplicité des recours en 12 voies, ce qui semble se rapprocher des « 13 recours » évoqués par Sylvain Maillard. Sollicité par notre rédaction, ce dernier n’a pas voulu répondre à nos questions pour mieux comprendre d’où il tenait ce chiffre.

Toutefois, entre l’existence de différentes mesures d’éloignement (expulsions, obligation de quitter le territoire français (OQTF), refoulements, etc.), le choix de donner ou non un délai de départ ou encore s’il y a restriction de liberté, « il existe en réalité près d’une centaine d’hypothèses, débouchant chacune sur une voie de recours », explicite Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes. Ainsi, ajoute-t-il, « même les spécialistes du droit des étrangers ont du mal à identifier le nombre total de recours ».

De plus, les 13 recours avancés par Sylvain Maillard font référence aux recours devant les juridictions administratives, que détaille le rapport du Conseil d’Etat. Or, « il n’existe pas de cumul de recours lorsqu’une mesure d’éloignement est prise », précise Serge Slama. Il existe néanmoins quelques exceptions, pouvant donner lieu à deux voies de recours. Par exemple, lorsqu’une OQTF devient caduque au bout d’un an, cela peut donner lieu à un deuxième recours. En effet, si une autre OQTF est prise pour remplacer la précédente, un recours est à nouveau possible.

Enfin, le délai de trois ans, toujours donné par le député Sylvain Maillard, ne semble se baser sur aucune réalité tangible. Selon Serge Slama, il est impossible de déterminer un délai concernant ces voies de recours. Le délai peut différer selon chaque personne à cause de différents facteurs, comme le fait pour un demandeur d’asile d’être en procédure accélérée ou non.

À noter que dans le rapport en question, le Conseil d’État propose également plusieurs pistes pour simplifier le contentieux des étrangers, en réduisant le nombre de délais possibles et donc celui des recours. Il propose 3 voies de recours au lieu de 12 : deux d’urgence et une ordinaire. Un constat et une proposition reprises ensuite dans un rapport sénatorial, déposé le 10 mai 2022, par François-Noël Buffet, qui sera lui-même repris par Gérald Darmanin pour son projet de loi.

Compte tenu de ces éléments, la déclaration de Sylvain Maillard, selon laquelle une personne sans-papier sur le territoire français aurait 13 voies de recours avant expulsion, est imprécise.

Maylis YGRAND